21/07/2020

Etude : récession de la commande publique à cause de la Covid -19

La société de conseils et de formation C.M.P. (Centre des Marchés Publics) poursuit sa contribution à l’œuvre national et mondial de lutte contre la crise économique Covid-19. Notre contribution se traduit à travers l’animation des webinaires, l’octroi des interviews et la publication des recherches et études. Ces activités ont pour objectif la vulgarisation de la situation du domaine des marchés publics et ses rôles en termes de préservation de la vie des populations et de pérennisation des entreprises en difficulté.
Dans ce sillage, je dévoile, dans une première série de quatre articles, les conclusions d’une étude récente sur la commande publique réalisée par le cabinet C.M.P. (Centre des Marchés Publics).
Je vous partage gratuitement des leçons appuyées par des chiffres, des faits, des expériences et des analyses d’expert spécialiste.

A vous, la lecture du 1er article ..

Au Maroc comme ailleurs dans le monde, le confinement, prescrit comme mesure anti-Covid-19, engendre des conséquences drastiques sur les plans économique et social [1]. Elles n’épargnent ni secteur privé ni secteur public, y compris les activités liées à la passation et à l’exécution de la commande publique.

Face à cette crise imprévisible, les autorités gouvernementales marocaines ont pris une dizaine de mesures financières et juridiques. A titre d’exemple, on cite le déplafonnement de l’endettement extérieur pour couvrir l’augmentation inévitable des besoins de financement ; la suspension provisoire des opérations d’engagement des dépenses non essentielles dans le but de maitriser le budget et réorganiser les priorités ; l’encouragement de la dématérialisation des procédures de passation des marchés et des échanges entres les contractants pour éviter la contamination due au contact physique et à la circulation des papiers, combien volumineux en la matière ; considération du confinement comme cas de force majeur dans le cadre du suivi de l’exécution des marchés publics pour éviter aux entreprises l’application des pénalités de retard, etc. (Lire aussi notre article pour connaitre l’ensemble de ces mesures)

En principe, l’objectif global poursuivi par ces mesures d’accompagnement consiste à assurer, en toute sécurité sanitaire, la continuité des activités de passation et d’exécution de la commande publique pendant la période de l’état d’urgence [2]. Cette continuité est de nature à pérenniser, à un certain niveau, les opportunités d’affaires publiques destinées au secteur privé et, en conséquence, à garantir la contribution de la commande publique dans les efforts de limitation des perturbations induites par la crise de la Covid-19 sur l’entreprise et l’économie nationales.

Sur le terrain, nous avons suivi l’évolution de la commande publique durant la période allant du 20 mars au 30 juin 2020 (103 jours calendaires) et il nous a été donné de constater un recul important du nombre des marchés à passer, en comparaison avec la même période de l’exercice 2019. Ainsi, les opportunités d’affaires publiques dirigées vers les entreprises privées ont trop baissé, comme le démontrent les chiffres ci-après.

Globalement, le nombre de ces opportunités, enregistrés durant ces deux périodes, est passé de 13.153 en 2019 à 7.901 en 2020, soit une baisse de 5.252 opportunités d’affaires (-39,93%). Dans le même sillage, l’évolution sectorielle de la commande publique est également décroissante.

Au fait, les opportunités dédiées aux entreprises de travaux sont passées de 5.541 en 2019 à 3.260 en 2020, soit une baisse de 2.281 opportunités d’affaires représentant en pourcentage 41,16%. La même tendance est enregistrée chez les sociétés de fabrication et/ou de vente des produits et de matériels et celles qui vendent des prestations de services. La baisse des opportunités pour ces deux catégories d’entreprises est établie respectivement à 960 ( -36.55%) et 2.034 ( -40.81%).

A titre d’exemple tiré du secteur des travaux, le nombre des marchés liées aux constructions et aménagements y compris les seconds œuvres sont passées de 2.642 en 2019 à 1.378 en 2020, enregistrant ainsi une baisse de 1.264 opportunités, soit un taux de -47,84% en défaveur des entreprises de cette branche économique.

Sur un autre volet, les marchés réservés aux TPE et PME subissent la même tendance baissière. Ainsi, durant les mêmes périodes de référence (103 jours), les TPE et PME ont perdu environ 1.384 opportunités, représentant une baisse de l’ordre de 41,61%, toutes prestations confondues.

En termes de volume, les dépenses d’investissement émises durant le premier semestre 2020 ont baissé de près de 1,5 milliard de DH soit un taux de -4,5% par rapport au premier semestre 2019, selon la situation des charges et ressources du Trésor (SCRT) publié le 17 juillet 2020 par le Ministère de l’Economie et des Finances et de la Réforme de l’Administration.

Sur un autre registre, les marchés passés durant la période du confinement ont fait l’objet de critiques. sur le plan de la transparence et de la concurrence [3].  

D’après ce qui précède, on peut conclure que, à cause de la crise Covid-19 :

  • Les entreprises privées ont perdu environ 40% des marchés programmés durant une période ne dépassant pas 103 jours et qui coïncide avec le confinement ;
  • Un flux de 1,5 milliards a perdu son chemin vers les caisses des titulaires des marchés pendant le premier semestre 2020, sachant que ce montant concerne les seules dépenses d’investissement ciblées par la SCRT précitée ;

Finalement, on peut dire aussi que :

  • Sans les mesures d’accompagnement prises par le gouvernement pendant la période précitée, l’impact ressenti devrait être plus sévère. D’ailleurs, la loi des finances rectificatives 2020 mise encore sur l’investissement public pour relancer les activités économiques (Le 4ème article de cette 1ère série sera consacré à l’analyse de la contribution de la commande publique dans les efforts de la sortie graduelle de la crise économique actuelle)
  • Le degré de l’impact de la récession de la commande publique varie d’une entreprise à une autre, en fonction de son secteur d’activité, de sa taille, de son expérience et surtout sa capacité de mettre en place une stratégie commerciale dédiée domaine des marchés publics (Le 3ème article de cette 1ère série sera consacré à la stratégie commerciale des entreprises privées dédiée à la commande publique)

Hicham ETTEZGUINI, Centre des Marchés Publics

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[1] Cette étude se limite uniquement sur le plan économique et précisément la commande publique en tant qu’opportunité de travail pour des milliers d’entreprises.

[2] Pour le présent article on entend par commande publique les marchés de l’Etat, des Collectivités Territoriales et des établissements et entreprises publics publiés sur le portail des marchés publics.

[3] La transparence et la concurrence des marchés font partie des questions posée durant la période de l’état d’urgence. Notre prochain article traite le sujet de la compétitivité des marchés publics suivant une approche juridique et factuelle tenant comme exemple les marchés publics du Ministère de la Santé.

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