Et ce eu égard des conclusions issues des différentes évaluations faites par les juridictions financières dans le cadre de leur mission de contrôle de gestion (article de presse sur le rapport officiel de 2010).
Au
Maroc, le transport urbain relève des compétences propres aux collectivités
locales. Pendant des décennies (années 60 à 80), le modèle reposait sur
l’octroi de la gestion du transport urbain à des personnes morales de droit
public dotées de l’autonomie et à capital 100% publics. Ce modèle a induit la
création d’une dizaine d’établissements publics chargés de la gestion du
transport dans les différentes villes du pays.
Le
bilan de cette expérience n’est pas en vert. L’urbanisation accélérée a induit
des défis en termes d’efficience qualitative et quantitative de l’offre de
transport collectif dans des agglomérations en perpétuelle extension. Aussi, le
mode de tarification en vigueur ne permettait pas d’assurer un flux de
trésorerie suffisant afin de compenser les charges d’exploitation et combler
les besoins d’investissement. Une libération du secteur s’avérait ainsi
inévitable, et par la suite, plusieurs concessions par ligne ont été octroyés
au secteur privé à partir de 1985. L’association du secteur privé a contribué
ainsi à combler le déficit de l’offre et à assurer la continuité du service
public et la couverture tant bien que mal des périmètres urbains. (Site officiel du conseil de la ville de Casablanca )
Par
contre, ces contrats induisaient des augmentations des tarifs excessifs aux
yeux des usagers. La qualité de service n’est pas entretenue tout au longue de
la vie du projet. Les délégataires ne respectent pas systématiquement les
cahiers des charges et finissent par fuir leurs engagements en vue –
théoriquement- soit de maximiser les gains soit de faire face à un flux de
revenus insuffisant.
A
titre d’illustration, la suite de l’analyse s’enchaine sur la gestion du
transport collectif au sein de la ville de Casablanca. Le choix du délégataire
est effectué suite à un appel d’offres avec pré-qualification lancé en 2003.
Sur les 18 sociétés ayant retiré le dossier, la société RATP Développement se
trouvait seule en qualité de soumissionnaire. La gestion privée a effectivement
démarrée le 1er novembre 2004 après la création le 23/08/2004 de la société
anonyme dénommé MDINA BUS avec un capital de 100 millions de dirhams marocains
(MDH). Ce capital est initialement composé de Transinvest (60%), Finances.com
(20%) et de RATP développement (20%).
Malgré
que la sélection du délégataire se soit fondée sur un appel d’offres,
l’évaluation d’un seul soumissionnaire et le changement du nombre de lignes
entre les différentes phases de la passation (préqualification, appel d’offres
et contrat) sont de nature à nuire aux règles du jeu de la concurrence. En
effet, si la pré-qualification prévoit 63 lignes de transport, ce nombre est
passé à 57 dans le règlement de l’appel d’offres, puis à 20 lignes dans la
convention de délégation. De même, la contestabilité du secteur du transport
par bus au sein de Casablanca a perdu son rayonnage ; le nombre des
concessionnaires, qui était 15 lors de la signature de la convention, devenait
6 en 2009.
En
termes de résultat, MEDINA BUS a rencontré des difficultés financières et les
pertes cumulées à fin 2008 se sont élevées à plus de 525 MDH. Si cette
détérioration financière du délégataire trouve son origine dans les modèles
juridique et économique négociés et au manque de concurrence suffisante en
phase de passation du contrat, il y a lieu aussi de citer l’absence de
régulateur pour faire face à aux problèmes liés à la concurrence des
concessionnaires en place, du transport par taxi, transport clandestin...).
Néanmoins,
nous allons mettre l’accent sur certaines défaillances relevant de la
responsabilité contractuelle du délégataire et qui touchent la qualité du
service offert aux usagers et le cadre de vie des habitants de la ville. Il s’agit
notamment des clauses liées à l’investissement et la tarification.
D’une
durée de 15 ans, la convention prévoit un programme d’investissement d’une
valeur de 802 MDH pour l’achat de bus neufs. Cependant, 4 ans après sa prise
d’effet, le délégataire a dépensé 149,5 MDH (19% seulement de l’investissement
prévisionnel). Il en résulte un recours excessif aux bus usagés très vétustes,
dont 63% est âgé de sept ans et 50% dépasse l’âge de 10 ans (Blog spécialiste de la commande publique). Dans ces conditions de
fait, le niveau du service fourni aux usagers (qualité, ponctualité,
sécurité...) n’est plus garanti et la protection de l’environnement et la santé
publique passe à côté de l’agenda des objectifs de performance.
La
Société MEDINA BUS supporte une lourde responsabilité car elle a accepté
d’assumer l’exploitation à ses risques et périls en dehors de toute subvention
publique. Par contre, l’article 38 de la convention lui garantit un échéancier
de révision des tarifs. Or, cette révision a été anticipée à deux reprises
faisant drainer indument aux caisses du délégataire un montant de 45,5 MDH
avant le délai contractuel.
Maintenant,
cette convention arrive à son terme et la ville de Casablanca change son modèle
institutionnel dédiée à la gestion déléguée des services de transports
collectifs (partage de risques et création de Société de développement locale),
introduit une nouvelle offre de transport par tramway (site officiel de l’exploitant ) et
envisage une gestion multimodale (projet en cours).
Hicham Ettezguini
Hicham Ettezguini