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21/12/2019

Concession des services de transport par bus : Cas de la ville de Casablanca

L’objectif de cet article est de tirer des leçons de la gestion déléguée du transport urbain au Maroc.
Et ce eu égard des conclusions issues des différentes évaluations faites par les juridictions financières dans le cadre de leur mission de contrôle de gestion (article de presse sur le rapport officiel de 2010).
Au Maroc, le transport urbain relève des compétences propres aux collectivités locales. Pendant des décennies (années 60 à 80), le modèle reposait sur l’octroi de la gestion du transport urbain à des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie et à capital 100% publics. Ce modèle a induit la création d’une dizaine d’établissements publics chargés de la gestion du transport dans les différentes villes du pays.

Le bilan de cette expérience n’est pas en vert. L’urbanisation accélérée a induit des défis en termes d’efficience qualitative et quantitative de l’offre de transport collectif dans des agglomérations en perpétuelle extension. Aussi, le mode de tarification en vigueur ne permettait pas d’assurer un flux de trésorerie suffisant afin de compenser les charges d’exploitation et combler les besoins d’investissement. Une libération du secteur s’avérait ainsi inévitable, et par la suite, plusieurs concessions par ligne ont été octroyés au secteur privé à partir de 1985. L’association du secteur privé a contribué ainsi à combler le déficit de l’offre et à assurer la continuité du service public et la couverture tant bien que mal des périmètres urbains. (Site officiel du conseil de la ville de Casablanca )

Par contre, ces contrats induisaient des augmentations des tarifs excessifs aux yeux des usagers. La qualité de service n’est pas entretenue tout au longue de la vie du projet. Les délégataires ne respectent pas systématiquement les cahiers des charges et finissent par fuir leurs engagements en vue – théoriquement- soit de maximiser les gains soit de faire face à un flux de revenus insuffisant.


A titre d’illustration, la suite de l’analyse s’enchaine sur la gestion du transport collectif au sein de la ville de Casablanca. Le choix du délégataire est effectué suite à un appel d’offres avec pré-qualification lancé en 2003. Sur les 18 sociétés ayant retiré le dossier, la société RATP Développement se trouvait seule en qualité de soumissionnaire. La gestion privée a effectivement démarrée le 1er novembre 2004 après la création le 23/08/2004 de la société anonyme dénommé MDINA BUS avec un capital de 100 millions de dirhams marocains (MDH). Ce capital est initialement composé de Transinvest (60%), Finances.com (20%) et de RATP développement (20%).


Malgré que la sélection du délégataire se soit fondée sur un appel d’offres, l’évaluation d’un seul soumissionnaire et le changement du nombre de lignes entre les différentes phases de la passation (préqualification, appel d’offres et contrat) sont de nature à nuire aux règles du jeu de la concurrence. En effet, si la pré-qualification prévoit 63 lignes de transport, ce nombre est passé à 57 dans le règlement de l’appel d’offres, puis à 20 lignes dans la convention de délégation. De même, la contestabilité du secteur du transport par bus au sein de Casablanca a perdu son rayonnage ; le nombre des concessionnaires, qui était 15 lors de la signature de la convention, devenait 6 en 2009.


En termes de résultat, MEDINA BUS a rencontré des difficultés financières et les pertes cumulées à fin 2008 se sont élevées à plus de 525 MDH. Si cette détérioration financière du délégataire trouve son origine dans les modèles juridique et économique négociés et au manque de concurrence suffisante en phase de passation du contrat, il y a lieu aussi de citer l’absence de régulateur pour faire face à aux problèmes liés à la concurrence des concessionnaires en place, du transport par taxi, transport clandestin...).

Néanmoins, nous allons mettre l’accent sur certaines défaillances relevant de la responsabilité contractuelle du délégataire et qui touchent la qualité du service offert aux usagers et le cadre de vie des habitants de la ville. Il s’agit notamment des clauses liées à l’investissement et la tarification.


D’une durée de 15 ans, la convention prévoit un programme d’investissement d’une valeur de 802 MDH pour l’achat de bus neufs. Cependant, 4 ans après sa prise d’effet, le délégataire a dépensé 149,5 MDH (19% seulement de l’investissement prévisionnel). Il en résulte un recours excessif aux bus usagés très vétustes, dont 63% est âgé de sept ans et 50% dépasse l’âge de 10 ans (Blog spécialiste de la commande publique). Dans ces conditions de fait, le niveau du service fourni aux usagers (qualité, ponctualité, sécurité...) n’est plus garanti et la protection de l’environnement et la santé publique passe à côté de l’agenda des objectifs de performance. 
La Société MEDINA BUS supporte une lourde responsabilité car elle a accepté d’assumer l’exploitation à ses risques et périls en dehors de toute subvention publique. Par contre, l’article 38 de la convention lui garantit un échéancier de révision des tarifs. Or, cette révision a été anticipée à deux reprises faisant drainer indument aux caisses du délégataire un montant de 45,5 MDH avant le délai contractuel.

Maintenant, cette convention arrive à son terme et la ville de Casablanca change son modèle institutionnel dédiée à la gestion déléguée des services de transports collectifs (partage de risques et création de Société de développement locale), introduit une nouvelle offre de transport par tramway (site officiel de l’exploitant ) et envisage une gestion multimodale (projet en cours).
Hicham Ettezguini