09/07/2017

Entente entre les entreprises : quelles sanctions ?

Depuis la libéralisation du secteur des hydrocarbures en 2015, une question revient régulièrement: les distributeurs respectent-ils vraiment les règles de la concurrence. ? À première vue, il semble que ce ne soit pas le cas.
Et ce qui renforce les doutes chez le public est le fait que de hauts responsables publics, bien placés pour se prononcer sur cette question, ont à maintes reprises attiré l’attention sur le fait que les distributeurs ne jouent pas le jeu. Le Wali de Bank Al Maghrib a eu l’occasion à plusieurs reprises de pointer du doigt les entreprises pétrolières pour ne pas répercuter la baisse des cours à l’international sur les prix à la pompe. Tout récemment, le ministre des Affaires générales et de la gouvernance a laissé comprendre que ces entreprises s’entendent sur les prix. Retour sur cette notion d’entente anticoncurrentielle et les sanctions qui lui sont applicables.
Espace publicitaire : Avez-vous besoin d’une formation ou conseil en marchés publics, veuillez prendre directement contact avec un consultant du Centre des Marchés Publics par téléphone au +212 666 716 600 ou par email
Tout d’abord, comment l’entente est-elle définie par le droit marocain ? Selon les termes de la loi relative à la «liberté des prix et de la concurrence», l’entente anticoncurrentielle, appelée aussi «cartel», est une action concertée qui a pour objet ou peut avoir pour effet de «restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché». Souvent, elle tend à «faire obstacle à la formation des prix par le libre jeu du marché en favorisant leur hausse ou leur baisse». A l’instar des législations étrangères, la loi marocaine interdit toute forme d’entente entre les opérateurs économiques. Pourquoi ? Pour la simple raison qu’une concurrence saine est toujours bénéfique à l’économie et au consommateur et ce, par son effet sur la formation des prix. C’est la raison pour laquelle, les ententes sont sévèrement sanctionnées, pécuniairement et pénalement.

Le montant de la sanction est généralement calculé en tenant compte de la gravité des faits reprochés, des dommages causés à l’économie et de la situation de l’entreprise concernée ou du groupe auquel elle appartient. Il est déterminé individuellement pour chaque entreprise sanctionnée «et de façon motivée pour chaque sanction». Lorsque le contrevenant n’est pas une entreprise, il est de quatre millions de dirhams. Pour les entreprises, il est fixé à 10 % du chiffre d’affaires mondial ou national pour les entreprises n’ayant pas une activité à l’international. Et en cas de récidive dans un délai de cinq ans, le montant peut être porté au double.
D’un autre côté, le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision de sanction selon les modalités qu’il retient. Il peut aussi ordonner l’insertion de la décision dans le rapport de gestion établi par les gérants, le Conseil d’administration ou le directoire de l’entreprise. Notons que pour pousser les entreprises à dénoncer les ententes auxquelles elles participent, la loi exonère de sanction, toute entreprise qui dénonce ces pratiques et apporte à l’autorité de la concurrence des informations permettant d’établir la réalité des pratiques prohibées et d’identifier leurs auteurs.

Outre la sanction pécuniaire, l’entente anticoncurrentielle peut donner lieu à une sanction pénale. Ainsi, lorsque le Conseil de la concurrence estime que les faits justifient l’engagement de poursuites judiciaires, le dossier est transmis au Procureur du Roi près le Tribunal de première instance compétent. Selon l’article 75 de la loi relative à la liberté des prix et de la concurrence, est «punie d’un emprisonnement de deux mois à un an et d’une amende de 10.000 à 500.000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement toute personne physique, qui frauduleusement ou en connaissance de cause, aura pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation, la mise en œuvre ou le contrôle» d’une entente anticoncurrentielle. Ladite sanction peut être en outre assortie de l’interdiction d’exercer une profession et de l’interdiction d’un ou de plusieurs droits civiques.

Il est à souligner que les sanctions ne sont prononcées qu’à l’initiative du Conseil de la concurrence qui se trouve en état d’hibernation forcée depuis de nombreuses années. En attendant sa réactivation, les dispositions de la loi de la concurrence demeurent lettres mortes.