13/10/2014

Miriem Bensalah: «Il faut libérer l’acte d’entreprendre»

Dans sa grande interview de la rentrée accordée en exclusivité à L’Economiste, la présidente de la CGEM se veut optimiste sur la situation économique. Malgré une croissance à la peine et des entreprises dont les trésoreries sont mises à mal par la détérioration des délais de paiement, Miriem Bensalah-Chaqroun estime qu’«il faut continuer à y croire».

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L’excellent bulletin de santé de l’aéronautique et de l’automobile, deux branches en forte croissance, est la preuve qu’en y mettant un peu de volonté, la réussite est au bout. Mais attention, tempère-t-elle aussitôt, la reprise de l’économie ne peut se mesurer à travers ces deux secteurs, pour importants qu’ils soient.
Dans une économie comme la nôtre, l’investissement public et quelques secteurs restent des locomotives de la croissance, mais c’est le climat des affaires qu’il faut améliorer dans l’ensemble «pour libérer l’acte d’entreprendre et créer un cercle vertueux». Qu’il y ait enfin une offre agrégée aux plans social, fiscal, de l’accès au financement et de la formation professionnelle. «Tout le monde doit travailler dans le même sens avec la même volonté». C’est à cette condition que l’on accélérera la création de richesses et d’emplois.
La patronne des patrons insiste beaucoup sur ce point. Cela signifie, par exemple, que les procédures et les formalités -aux différents guichets des services publics- soient claires et lisibles pour tout opérateur: petit, moyen ou grand. Elle ne fait là que remonter le sentiment qu’éprouvent de milliers de gens qui entreprennent dans ce pays.
Au gouvernement, elle lance un message pressant: «Accélérez le rythme des réformes s’il vous plaît! On n’a plus de temps à perdre», tout en concédant que «ce n’est pas facile». A chacun son rôle. Le patronat restera dans son rôle de force de propositions, mais la décision politique appartient au gouvernement. Prenez le cas de la réforme fiscale: la plateforme ainsi que la base de travail existent, elles ont été définies aux assises de l’année dernière, observe Miriem Bensalah. Depuis, plus rien. Tout ce que peut faire la CGEM, c’est d’insister, insister et insister (elle fait le geste de la main) pour que la réforme se concrétise. Idem sur la législation du travail. A l’adoption du code il y a dix ans, il était déjà dépassé car il n’encourage pas l’embauche. Pour la CGEM, ce texte est truffé de rigidités qui découragent la dynamique de l’embauche. Le résultat, on le connaît: des TPE ou des PME qui veulent recruter y réfléchissent à deux fois par crainte de ne pas pouvoir se séparer d’un salarié au statut CDI (contrat à durée indéterminée).  Pendant ce temps, le chômage de masse, lui, continue sa progression.
Aujourd’hui, sans aucun doute, ce sont les délais de paiement qui polluent le plus l’environnement des affaires. Et menacent des centaines d’entreprises dans leur survie. Pas un jour ne passe sans que le patronat ne reçoive un SOS de dirigeants de PME d’un peu partout du Maroc. «Le délai de paiement est un peu le liquide organique qui lubrifie les articulations et permet à un organisme de se mouvoir», constate Miriem Bensalah. Premier accusé, l’Etat. Malgré des promesses, les délais moyens observés par la CGEM dépassent la moyenne de 6 mois,  voire 18 dans certains secteurs! Comment, dans ce cas, créer de l’emploi et instaurer un climat de confiance? «Il faut régler ce problème de délais de paiement et rétablir la confiance en engageant les réformes nécessaires», souligne la présidente de la CGEM.
La loi existe et doit s’appliquer aussi aux établissements publics. Des établissements qui assurent l’essentiel de la commande publique et pour lesquels des pénalités dissuasives devraient s’appliquer. En ce sens, ce taux devrait être supérieur à celui du crédit bancaire. L’extension de l’application de la loi sur les délais de paiement aux établissements publics a été tranchée sur le principe par un avis du Secrétariat général du gouvernement. Le gouvernement a proposé de repousser l’application à 2019 et la CGEM suggère 2016.
Dans son «partenariat» et le dialogue avec le gouvernement, le patronat attend des résultats concrets, un échéancier de mise en œuvre et des objectifs précis.
Tout en assurant que les rapports avec le gouvernement sont «normaux» et en confirmant l’existence de «divergences sans être dans la rupture», la confédération affirme qu’il faut de la volonté politique pour aller de l’avant.
La CGEM est arrivée à la conclusion qu’il y n’a pas de volonté politique pour mettre en œuvre des mesures plus énergiques contre ce phénomène. La question de la soutenabilité de la charge de l’impôt et de prélèvements sociaux se pose clairement, car ce sont presque les mêmes qui supportent ces contributions.
Pour le patronat, l’informel englobe tous les opérateurs, du petit cabinet conseil au petit auto-entrepreneur, qui existent par leur outil de production, mais qui, fiscalement, sont des «passagers clandestins» dans le système. Il ne s’agit donc pas de petits marchands dont la survie est liée à leur activité.
Il y a aussi tous ceux qui, tout en ayant des immatriculations (fiscale et sociale), dissimulent une partie de l’assiette imposable ou sociale, complète la présidente de la CGEM. Contre ceux-là, le patronat se veut ferme. «Que les choses soient claires: notre position est qu’il faut sanctionner les patrons voyous». Ce qui est sûr et nous en avons la preuve, le secteur informel continue de gagner du terrain dans l’économie, assure la présidente de la confédération patronale.