29/10/2014

Impayés/Marchés publics : 220 PME dans le BTP au bord de la faillite


Les problèmes des retards de paiement des marchés de l’Etat commencent à prendre des proportions dramatiques. A Agadir, le patron d’une entreprise de BTP vient d’être hospitalisé, victime d’un malaise, pour ne pas avoir été réglé par l’Académie régionale de l’éducation et de la formation (AREF) de Souss-Massa-Draâ.

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Un autre a dû vendre son véhicule pour payer ses employés (voir aussi L’Economiste du 29 septembre 2014). Plusieurs entrepreneurs ont dû disparaître de la circulation parce qu’ils ont remis des chèques de garantie qu’ils ne peuvent pas honorer. Des ouvriers manifestent régulièrement devant le siège de leur employeur pour réclamer leur paie. La situation est d’une telle gravité que la majorité des PME construisant des établissements scolaires sont dans l’incapacité de s’acquitter de leurs cotisations sociales et des impôts. Elles sont en situation de cessation de paiement. Des faits qui traduisent la situation critique des impayés dans le secteur du BTP et menacent la survie de plus de 200 PME.
Le problème du retard de paiement est général, mais dans certaines régions, il se pose avec acuité. «Selon les remontées d’informations que nous recevons de nos antennes régionales, la situation  est particulièrement grave à Agadir et Meknès», s’alarme la Fédération nationale du BTP. Dans le chef-lieu de Souss-Massa-Draâ, les chefs d’entreprises de BTP ont le sentiment que leur région est délaissée. «Après le tourisme, l’agriculture et  l’investissement, la crise gagne maintenant le secteur du BTP à Agadir», s’indigne Abdellatif Abid, président de la section régionale de la FNBTP. Contacté par L’Economiste, ce dernier s’apprêtait à participer à une réunion à laquelle étaient invités ses confrères de la région. Une rencontre décidée pour adopter une position commune, après le report du sit in qui était prévu lundi 29 septembre. Les créanciers de l’Aref devaient manifester devant le siège de cette dernière pour réclamer leur dû. Mais ayant eu vent d’une rencontre entre les représentants de la CGEM et les ministres des Finances et de l’Education, ils ont dû temporiser en attendant de voir les résultats de cette rencontre. Celle-ci n’ayant pas eu lieu, ils comptent revenir à la charge pour exiger le paiement de leurs arriérés, dont certains remontent à 2011.
Pour la seule région d’Agadir, le problème des impayés concerne 200 entreprises, pour la plupart des entités fraîchement créées par de jeunes entrepreneurs. Au total, les impayés de l’Académie régionale de l’éducation et de la formation s’élèvent à 235 millions de dirhams. En intégrant les chantiers qui devront être achevés ou entamés avant la fin de l’année, le montant de la facture atteindra 350 millions de dirhams.
La région de Meknès n’est pas mieux lotie. «Au moins une vingtaine d’entreprises totalisent 400 millions de dirhams d’arriérés. L’Aref paye ses fournisseurs au compte-goutte. Ce qui fait que le stock des impayés s’auto-alimente», explique la FNBTP.
Le problème des impayés ne date pas d’aujourd’hui. En 2013, des réunions avaient eu lieu avec l’ancien ministre de l’Education. Des crédits avaient été débloqués, mais ils n’ont pas été suffisants pour éponger la totalité des ardoises.  Echaudés par les problèmes d’impayés et devant la faiblesse des marges, les PME ne se bousculent plus pour  soumissionner aux appels d’offres de l’administration. «Désormais, seules les grandes entreprises répondent à ces consultations car elles souffrent moins de problème de trésorerie», précise Abid. Sauf que les prix des prestations sont gonflées pour compenser les délais de paiement qui s’allongent. C’est donc le contribuable qui trinque en fin de compte. En effet, au lieu de construire une école avec un budget de 10 millions de dirhams, l’Aref sera obligée de débourser plus.
L’entrée en vigueur d’un nouveau décret n’a pas permis d’améliorer le comportement de l’administration en matière de paiement. Les fournisseurs se plaignent toujours des mêmes travers. «Si un ministère ne dispose pas des crédits nécessaires, pourquoi lance-t-il un appel d’offres?», s’indigne un opérateur.  Mais le ministère de l’Education n’a visiblement pour priorité que la réalisation de ses objectifs en termes de construction de nouvelles écoles. Quant à la pérennité financière de ses fournisseurs, elle est visiblement reléguée au second rang.

La promesse n’engage que celui qui y croit

Au début de l’été, le ministre des Finances avait promis de débloquer 2,2 milliards de dirhams pour résoudre le problème des impayés dans le secteur du BTP. Trois mois plus tard, les opérateurs s’interrogent où est passé cet argent. «Nous avons appris qu’à peine 96 millions de dirhams ont été débloqués, mais d’après nos informations, seule la moitié ira au BTP. Le reste sera affecté au paiement de l’alimentation des internats, des factures de téléphone, des contrats de nettoyage, de sécurité…», signale Abdellatif Abid, président de la FNBTP/Souss-Massa-Draâ. Que ce soit à Agadir ou à Meknès, les opérateurs de BTP affirment que les crédits débloqués par les Académies régionales de l’éducation et de la formation sont souvent destinés à financer les dépenses de fonctionnement plutôt qu’au paiement des arriérés.