« La loi de finances comprend
le budget général de l’Etat, partie la plus importante des dépenses et des
recettes publiques retracées par cette loi, les budgets annexes et les comptes
spéciaux du Trésor (CST).
En vertu de la loi organique des
finances, les CST « retracent les recettes affectées au financement d’une
catégorie déterminée de dépenses et l’emploi donné à ces recettes ».
Les
principaux types de CST sont les comptes d’affectation spéciale, où le degré
d’opacité est variable selon la nature de l’exceptionnalité accordée, à côté
d’autres types de comptes tels que les comptes de dépenses sur dotation.
Les comptes spéciaux du Trésor sont
des comptes qui recensent les opérations financières distinctes de celles du
budget général de l’Etat en raison soit des conditions particulières de leur
financement, soit de leur caractère temporaire. Ces opérations échappent, dans
une large mesure, aux principes fondamentaux du droit budgétaire :
universalité et annualité. Aussi le contrôle parlementaire s’exerce plus
difficilement (ou ne s’exerce pas du tout dans certains cas) sur ces comptes.
Plus exactement, il s’agit de
comptes ouverts dans les écritures comptables du Trésor public en vue
d’affecter certaines recettes à certaines dépenses. D’où la dérogation au principe
de non affectation ou d’universalité des dépenses budgétaires de l’Etat. Le
Parlement est appelé à autoriser en bloc les opérations afférentes à ces
comptes sans pouvoir examiner ni discuter le détail de leur contenu,
c'est-à-dire la destination précise des dépenses contenues dans lesdits
comptes.
Les comptes spéciaux du Trésor
peuvent être perçus comme une « débudgétisation ». Ils affaiblissent
la rigueur budgétaire et leur utilisation excessive peut mener vers des abus.
Justifiés par un « pragmatisme budgétaire », ils peuvent être
néanmoins à l’origine de transferts opaques, voire de mise à disposition des
deniers publics au service d’intérêts particuliers.
A titre d’exemple, le Fonds Hassan
II était initialement un compte d’affectation spéciale alimenté notamment par
la moitié des recettes de privatisation, puis ce Fonds est devenu un
établissement public spécial placé en dehors du système budgétaire, et donc
échappant à tout contrôle (parlementaire ou autre).
Ces comptes comportent de nombreuses
zones d’ombres. Ainsi le premier point d’interrogation concerne les versements
budgétaires alimentant ces comptes spéciaux. Ceux-ci peuvent être comptabilisés
doublement et donc gonfler artificiellement les dépenses budgétaires. Le
deuxième point est l’absence d’un rattachement précis et clair des plans
d’action prévus pour certains CST avec les objectifs des politiques publiques
qu’ils sont censés contribuer à réaliser.
Pendant les 10 dernières années, le
nombre de CST a été en moyenne annuel de 75 comptes avec une domination des
comptes d’affectation spéciale (47). La moyenne annuelle du montant
global affecté à ces comptes a été de 60 milliards de dirhams, soit plus
de 25% des ressources publiques ordinaires et presque 20% des dépenses
publiques ordinaires. Il ne s’agit donc pas d’un traitement exceptionnel de
certaines dépenses publiques. C’est un véritable « trou noir
budgétaire » car non contrôlable quant au détail du contenu et quant à la
destination.
Leur réduction maximale et leur
encadrement sont donc indispensables si l’on veut réellement développer la
transparence et la démocratie budgétaires. S’ils sont nécessaires, ils doivent
constituer une exception justifiée par rapport à la règle. Si certains comptes
comportent des dépenses liées à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat,
cela ne justifie pas pour autant leur exclusion de tout contrôle
institutionnel. Si risque il y a, des procédures particulières de contrôle
peuvent être prévues et appliquées. Mais l’absence totale de contrôle ne peut en
aucun cas se justifier.