15/07/2014

A propos des « comptes spéciaux du Trésor Public»

« La loi de finances comprend le budget général de l’Etat, partie la plus importante des dépenses et des recettes publiques retracées par cette loi, les budgets annexes et les comptes spéciaux du Trésor (CST).
En vertu de la loi organique des finances, les CST « retracent les recettes affectées au financement d’une catégorie déterminée de dépenses et l’emploi donné à ces recettes ».
Les principaux types de CST sont les comptes d’affectation spéciale, où le degré d’opacité est variable selon la nature de l’exceptionnalité accordée, à côté d’autres types de comptes tels que les comptes de dépenses sur dotation.
Les comptes spéciaux du Trésor sont des comptes qui recensent les opérations financières distinctes de celles du budget général de l’Etat en raison soit des conditions particulières de leur financement, soit de leur caractère temporaire. Ces opérations échappent, dans une large mesure, aux principes fondamentaux du droit budgétaire : universalité et annualité. Aussi le contrôle parlementaire s’exerce plus difficilement (ou ne s’exerce pas du tout dans certains cas) sur ces comptes.
Plus exactement, il s’agit de comptes ouverts dans les écritures comptables du Trésor public en vue d’affecter certaines recettes à certaines dépenses. D’où la dérogation au principe de non affectation ou d’universalité des dépenses budgétaires de l’Etat. Le Parlement est appelé à autoriser en bloc les opérations afférentes à ces comptes sans pouvoir examiner ni discuter le détail de leur contenu, c'est-à-dire la destination précise des dépenses contenues dans lesdits comptes.
Les comptes spéciaux du Trésor peuvent être perçus comme une « débudgétisation ». Ils affaiblissent la rigueur budgétaire et leur utilisation excessive peut mener vers des abus. Justifiés par un « pragmatisme budgétaire », ils peuvent être néanmoins à l’origine de transferts opaques, voire de mise à disposition des deniers publics au service d’intérêts particuliers.
A titre d’exemple, le Fonds Hassan II était initialement un compte d’affectation spéciale alimenté notamment par la moitié des recettes de privatisation, puis ce Fonds est devenu un établissement public spécial placé en dehors du système budgétaire, et donc échappant à tout contrôle (parlementaire ou autre).
Ces comptes comportent de nombreuses zones d’ombres. Ainsi le premier point d’interrogation concerne les versements budgétaires alimentant ces comptes spéciaux. Ceux-ci peuvent être comptabilisés doublement et donc gonfler artificiellement les dépenses budgétaires. Le deuxième point est l’absence d’un rattachement précis et clair des plans d’action prévus pour certains CST avec les objectifs des politiques publiques qu’ils sont censés contribuer à réaliser.
Pendant les 10 dernières années, le nombre de CST a été en moyenne annuel de 75 comptes avec une domination des comptes d’affectation spéciale (47). La moyenne annuelle du montant global  affecté à ces comptes a été de 60 milliards de dirhams, soit plus de 25% des ressources publiques ordinaires et presque 20% des dépenses publiques ordinaires. Il ne s’agit donc pas d’un traitement exceptionnel de certaines dépenses publiques. C’est un véritable « trou noir budgétaire » car non contrôlable quant au détail du contenu et quant à la destination.
Leur réduction maximale et leur encadrement sont donc indispensables si l’on veut réellement développer la transparence et la démocratie budgétaires. S’ils sont nécessaires, ils doivent constituer une exception justifiée par rapport à la règle. Si certains comptes comportent des dépenses liées à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat, cela ne justifie pas pour autant leur exclusion de tout contrôle institutionnel. Si risque il y a, des procédures particulières de contrôle peuvent être prévues et appliquées. Mais l’absence totale de contrôle ne peut en aucun cas se justifier.