Le département de Aziz Rebbah veut
alléger la facture des constructions publiques et des infrastructures. Il a
sollicité ces derniers jours ministères et opérateurs privés pour déterminer
des mesures visant à réduire le coût de ces projets qui engloutissent, bon an
mal an, 30% de l’investissement public (64,7 milliards de DH en 2012). Déjà,
l’Equipement avance quelques pistes.
Pour économiser sur les coûts de construction des bâtiments publics, son idée
est de substituer autant que faire se peut les matériaux de construction
importés par des produits nationaux. Même si les exemples de matériaux
étrangers, vendus moins chers que ceux locaux en dépit des droits de douane, ne
manquent pas, M. Rebbah veut bien croire que le coût de réalisation des
constructions devrait en être réduit. Accessoirement, une telle mesure serait
profitable au solde commercial du Maroc surtout que les importations de
matériaux de construction ont sensiblement augmenté sur les derniers mois. Ce
serait également un coup de pouce à l’industrie nationale des matériaux de
construction dont l’un des plus gros maux actuels est justement la concurrence
étrangère. Reste à déterminer le levier à mettre en œuvre pour imposer la
substitution de produits importés par des références locales et là encore le
ministre a déjà sa petite idée. «Il s’agirait d’imposer dans les cahiers des
charges des marchés publics le recours exclusif à des matériaux de construction
locaux», avance M. Rebbah. Naturellement, avant d’y arriver, il sera
nécessaire d’évaluer plusieurs points dont notamment la capacité actuelle de
l’industrie des matériaux de construction à satisfaire tout le besoin national
en quantité et en qualité. En tout état de cause, la démarche n’en est qu’à ses
premières étapes.
En revanche, le département de tutelle semble avoir déterminé des mesures plus
concrètes pour réduire la facture de réalisation d’un type d’infrastructure
particulier : les routes. Chaque année, celles-ci coûtent en moyenne 6
milliards de DH à l’Etat sans compter les autoroutes dont le budget a atteint
par exemple 3,48 milliards de DH en 2012.
Les équipes de l’Equipement partent d’un constat simple pour réduire cette
enveloppe : pour construire une route, il est nécessaire de disposer de
carrières à proximité, de granulat notamment. Or, ces carrières se sont
raréfiées dans certaines régions ayant connu un rythme intense de constructions
routières sur les dernières années, particulièrement dans le Gharb, Chaouia et
le Nord hors Tanger. Et ce sont ces mêmes régions qui voient les coûts de
réalisation des routes s’emballer du fait que la matière doit y être acheminée
depuis des sites d’extraction éloignés, ce qui génère des charges de transport
non négligeables estimées à 25% du coût de l’infrastructure, selon Hassan Aït
Brahim, directeur des routes au ministère de l’équipement.
Les coûts de transport plombent la facture
Pour en faire l’économie, le département envisage d’exploiter les matériaux qui
se trouvent à proximité des chantiers, qui ne répondent pas aux normes
techniques en tant que tel, mais qui pourraient être utilisés s’ils sont
valorisés selon certaines techniques. Il s’agit concrètement d’y ajouter un
faible dosage de ciment ou de chaux, entre autres. Il en résulterait des
économies de 20 à 30% du fait de la suppression des surcoûts de transport. Sans
compter qu’avec cette technique, les chaussées ne seront plus abîmées par le
transport de matériaux depuis des carrières distantes, ce qui permettrait
d’économiser sur les coûts d’entretien que cela impose. Ce n’est à vrai dire
pas la première fois que cette technique serait appliquée, les cimentiers
fournissent depuis quelques années du ciment à prix préférentiel destiné à cet
usage. Cependant, depuis le temps que ce mécanisme est en place, l’idée est de
lui redonner un coup de fouet pour généraliser cette technique.
Une autre voie d’économie sur le coût de réalisation des routes touche le bitume.
Ce matériau dérivé du pétrole et utilisé pour enrober le granulat a vu son coût
croître sensiblement ces dernières années parallèlement à la flambée des
cours du pétrole. D’un coût de 400 DH la tonne en 2005, le prix atteint
actuellement 600 DH la tonne. Pour alléger la facture, une technique envisagée
par le département de l’équipement consiste à extraire le bitume des chaussées
usées et à le retraiter. De la sorte, la quantité achetée de ce matériau pourra
être compressée et les coûts pourront être réduits d’autant.
En plus de ces techniques alternatives, le ministère de l’équipement veut
encourager la valorisation des matériaux le plus près possible de leur site
d’extraction en implantant des zones industrielles dans l’environnement
immédiat des carrières. En l’état actuel des choses, la majorité des matériaux
extraits (marbre, gypse, gravillons…) sont valorisés loin de leur site
d’extraction. En plus de générer des coûts de transport qui accroissent les
coûts de réalisation des routes, cette situation génère des déperditions de
matériaux sur les lieux de leur valorisation.
Des mesures pour favoriser les
entreprises nationales
Plus que le simple encouragement de
la substitution des matériaux de construction étrangers par des produits locaux
dans les marchés publics du BTP, le ministre de l’équipement, Aziz Rebbah, veut
mettre en place tout un package de mesures pour favoriser les opérateurs
nationaux en la matière. En premier lieu figure la préférence nationale qui
devrait être renforcée dans le nouveau décret des marchés publics en cours
d’adoption. Le département de l’équipement planche également sur le
renforcement des normes des matériaux de construction et des procédés de
fabrication nationaux. Enfin, le package de l’Equipement porte sur la réforme
de la grille de classification et de qualification des entreprises qui sert de
base à la sélection aux appels d’offres pour la réalisation d’infrastructures
publiques. Signalons toutefois que cette réforme telle qu’elle est envisagée
actuellement ne semble pas donner satisfaction aux professionnels.