Les discussions entre patronat-gouvernement sur le projet de
loi de Finances sont promises à des jours difficiles. La rencontre entre
Mohamed Boussaïd, ministre des Finances, et les membres du conseil
d’administration de la CGEM en a été un avant-goût. (Voir L’Economiste du lundi
28 octobre). Les chefs d’entreprises ont pilonné le ministre pendant quatre
heures au cours d’une réunion marathon sur le projet de loi de Finances.
Une position loin de surprendre. «Nous sommes dans
un schéma où les dépenses de l’Etat vont à la consommation plutôt que vers
l’investissement, autrement dit la dépense productive», déplore Miriem Bensalah
Chaqroun, présidente de la CGEM dans un entretien que les lecteurs pourront
lire en intégralité dans le magazine «Les Documents de L’Economiste» qui sera
diffusé vendredi 1er novembre. Le ton est donné. Le patronat reproche au
gouvernement de ne pas s’attaquer au train de vie de l’Etat. Sur 306 milliards
de dirhams de dépenses totales, 199,3 milliards sont destinés au
fonctionnement, soit 4 fois le budget destiné à l’investissement.
Par ailleurs, entre 2010 et 2012, les dépenses de
fonctionnement ont augmenté de 47%. Avec un budget de 104 milliards de dirhams
en 2014 contre 98 milliards en 2013, la masse salariale de l’Etat représente
50% de l’ensemble des dépenses ordinaires du Trésor et 67,5% du budget de
fonctionnement. Pour les seules années 2011 et 2012, la masse salariale a
augmenté de 20%. Il est donc grand temps de s’interroger sur la productivité de
l’administration publique.
Comme elle l’a souvent rappelé, Miriem Bensalah
Chaqroun relève la «faible compétitivité de l’offre exportable». Un objectif
qui doit être intégré dans tous les plans sectoriels et de toutes les
discussions. Car seule la compétitivité est à même de dynamiser les
exportations, de tirer les importations vers le bas et de contribuer à la
création d’emplois. Sur le même chapitre, la patronne des patrons n’a pas de
mots assez durs pour critiquer les conditions dans lesquelles les «accords de
libre-échange ont été négociés». Elle y voit beaucoup de précipitations. Le
résultat, on le connaît: les échanges avec la quasi-totalité des partenaires
sont déficitaires. Bensalah suggère également d’identifier les clauses qui
auraient pu être profitables pour le pays et qui n’auraient pas exploités. La
présidente de la CGEM pousse même le gouvernement à «renégocier certains volets
dans le cadre de ce que prévoit l’OMC».
La désindustrialisation du Maroc, et ce que cela
génère comme effet d’éviction au profit des secteurs spéculatifs, constitue
aussi un handicap pour l’économie nationale. La part de l’industrie représente
actuellement moins de 15% du PIB. C’est la raison pour laquelle la CGEM avait
appelé lors des dernières assises de l’émergence à un plan Marshall pour
ressusciter l’industrie locale. Une stratégie qui permettra de créer des
emplois, de dynamiser les exportations et de freiner les importations et donc
la fuite des devises.
Dans la meilleure des conjonctures, le Maroc n’a
jamais réalisé un taux de croissance de plus de 5%. Or, pour résorber le stock
de chômeurs et accueillir les milliers de nouveaux demandeurs d’emploi, il faut
une croissance de 8% par an. Ce qui relève plutôt de la gageure car, dans le
meilleur des cas, une croissance de 4,5% est déjà une performance remarquable.
«Il faut s’interroger sur la façon de franchir un nouveau cap», observe la
présidente du patronat.
La TVA au travers de la gorge
Alors que les chefs d’entreprises s’attendaient à une
réduction de la TVA pour relancer la consommation, le gouvernement a plutôt
choisi «d’harmoniser» par le haut les taux les plus bas et de réduire leur
nombre à 3 au lieu de 5. Ce qui devrait générer des augmentations de prix en
cascade. D’où une grande déception du patronat qui comptait sur la baisse de
TVA pour doper le pouvoir d’achat et donc relancer la consommation intérieure
car elle représente «le premier moteur de croissance, loin devant
l’investissement et les exportations». Pour Miriem Bensalah Chaqroun, patronne
des patrons, d’autres moteurs de croissance devraient être renforcés tels que
l’automobile, l’aéronautique, le textile, la pêche ou encore l’industrie
pharmaceutique. Des secteurs qui pourraient constituer des atouts décisifs pour
l’export.