27/10/2013

Ministères: la bataille des attributions

Abd Elilah Benkirane n’est pas au bout de ses peines. Après le difficile et long accouchement de son gouvernement, il s’est retrouvé plongé dans la tourmente. En effet, une bataille sur les attributions que se livrent des ministres en coulisses pour délimiter leurs territoires de compétences lui donne des insomnies.
D’ailleurs, plus de quinze jours après l’installation de son gouvernement, les décrets des attributions ne sont toujours pas publiés au Bulletin officiel. Ce qui impacte négativement la bonne marche de l’Administration publique. Le travail est bloqué dans la mesure où les ministres concernés n’ont pas procédé aux délégations de signatures aux directeurs ni aux secrétaires généraux qui voient les dossiers s’amonceler sur leurs bureaux.
Benkirane est confronté à cette épreuve qu’il n’avait pas calculée lorsqu’il avait opté pour cette architecture gouvernementale. Il doit certainement regretter de n’avoir pas écouté les propositions de Salaheddine Mezouar qui avait mis sur la table l’idée des grands pôles pour former un exécutif cohérent. D’ailleurs, en principe, les contours des attributions des ministères se délimitent à l’occasion des négociations pour la formation du gouvernement. Visiblement, cela n’a pas été fait. D’autres aberrations minent l’homogénéité de l’architecture de ce gouvernement. C’est le cas du ministère de l’Energie, des Mines et de l’Environnement confié à Abdelkader Amara du PJD, flanqué de deux ministres déléguées, l’une du PPS et l’autre du MP.

Aujourd’hui, le chef du gouvernement semble ne pas savoir où se donner de la tête, d’autant que le Souverain est en déplacement à l’étranger. Comment les arbitrages seront rendus? On verra dans les prochains jours. Pour l’heure, les échos de ces combats transpercent les portes capitonnées des bureaux ministériels. Le plus audible oppose Mohand Laenser à Nabil Benabdallah qui s’est retrouvé dépouillé de grandes directions comme l’Urbanisme et l’Aménagement du territoire pour les confier au premier. Le patron du PPS a conservé l’Habitat et la Politique de la ville. Mais comment peut-il réaliser la Politique de la ville sans les moyens de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire? La réponse à cette question est évidente. Pour les services extérieurs, c’est l’inspection de l’urbanisme qui chapeaute les délégations de l’Habitat. Dans cette affaire, Mohand Laenser ne semble pas vouloir se laisser marcher sur les pieds, surtout après avoir été écarté du ministère de l’Intérieur. Ce qui n’arrange pas les choses: Nabil Benabdallah n’est plus le seul ordonnateur du Fonds de solidarité, doté de plus de 2 milliards de DH, en provenance des taxes prélevées sur les ventes du ciment. Le secrétaire général du MP est également devenu ordonnateur de ce fonds. Et qu’en est-il de Al Omrane, bras armé de l’habitat social? Sa marge de manœuvre va être limitée car le Conseil de surveillance de ce groupe est présidé par le chef du gouvernement.

Le département de l’Economie et des Finances n’est pas épargné par cette tempête. Mohamed Boussaid veut visiblement exercer pleinement sa fonction de ministre. D’ailleurs, il a présenté en solo le projet de budget de 2014 devant le Parlement en séance plénière, contrairement au passé où Nizar Baraka et Driss El Azami se succédaient à la tribune de l’hémicycle. Cette fois-ci, Driss El Azami s’est contenté d’un exposé devant la Commission des finances de la Chambre des représentants. Cela renseigne sur la volonté de Boussaid de récupérer toutes ses prérogatives. Il semble qu’il n’est d’accord avec l’ancienne formulation qui donne au ministre délégué en charge du Budget Driss El Azami, le pouvoir de prendre en charge la préparation, la présentation et le suivi de la mise en œuvre de la loi de Finances. Boussaid l’a clairement signifié au chef du gouvernement.
Un autre bras de fer fait rage également entre Abdeslam Saddiki, le nouveau ministre de l’Emploi et des Affaires sociales, et Bassima Hakkaoui. Ce front est ouvert sur le terrain social. Le ministre du PPS veut donner aux Affaires sociales un contenu, en récupérant des outils comme notamment l’Entraide nationale ou l’Agence de développement social. Et pour convaincre le chef du gouvernement du bien-fondé de son approche, Abdeslam Saddiki a sorti l’ancien décret d’attributions de ce ministère (Emploi et Développement social) du temps où Abbas El Fassi était à sa tête. Ce dossier est également sur le bureau du chef du gouvernement.


Le soufflet des Affaires générales

Lors de la formation de Benkirane II, le ministère des Affaires générales et de la Gouvernance a perdu plusieurs de ses prérogatives. Car le décret d’attribution de ce département de l’ancien gouvernement (février 2012), donnait beaucoup de puissance à Mohamed Najib Boulif au point que des observateurs l’avaient considéré à ce moment-là comme le véritable numéro 2 du gouvernement. Mais, l’épreuve du temps et de la réalité ont révélé qu’il s’agissait plutôt d’une coquille vide, enveloppée dans des annonces restées sans lendemain.

Najib Boulif avait dépensé tant d’énergie pour confectionner un organigramme pour un département qui a toujours été considéré comme «un cabinet qui suit les dossiers du chef du gouvernement». Aujourd’hui, ce ministère a été amputé de l’économie sociale tombée dans l’escarcelle de Fatema Marouane, ministre de l’Artisanat, et d’autres prérogatives désormais logées chez Moulay Hafid El Alamy, ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique.