« Tous les amendements au code pénal relatifs à la
corruption sont tirées des recommandations du rapport 2009 de l’Instance
Centrale de Prévention de la Corruption [ICPC] », indique Jamal Moussaoui,
responsable de l’Entité Coordination & Coopération Nationale au sein de
l’ICPC, mais toutes ses recommandations n’ont pas été retenues pour autant.
Loin s’en faut. Le 12 août, la réforme du code pénal sur la corruption a été
publiée au bulletin officiel, tandis que le dimanche 1er septembre le Conseil
supérieur de la magistrature publiait la liste des promotions et sanctions
contre les magistrats. « Cette publication est une bonne chose, elle
entre dans le cadre d’une transparence nécessaire », juge Samir Bouzid, vice
président de l’Instance nationale de protection des biens publics.
« Je ne dirai pas que la réforme
du code pénal est une grande avancée, mais c’est déjà un mieux », accorde Jamal
Moussaoui. Grâce à cette réforme, la responsabilité pénale des magistrats et
des fonctionnaires publics est accentuée et les peines encourues pour
corruption ont été substantiellement aggravées. De plus, celui qui dénonce un
cas de corruption, même s’il est lui-même le corrupteur, ne risque aucune
poursuite. Pour Samir Bouzid, il aurait fallu aller encore plus loin : « les
témoins d’actes de corruption devraient être également économiquement protégés.
»
Supprimer la prescription
Selon Jamal Moussaoui, certaines
propositions essentielles de l’ICPC n’ont toujours pas été prises en compte
dans la réforme. « Nous pensons qu’il faut élargir le champ des sanctions aux
tentatives de corruption, aux intermédiaires, aux agents publics étrangers »,
explique Jamal Moussaoui. Il s’agirait de pouvoir poursuivre un intermédiaire
dans une transaction.
La réforme ne touche pas non plus
à la durée de prescription des actes de corruption. « Elle doit être allongée,
voire simplement supprimée. Elle s’élève à 5 ans aujourd’hui, c’est trop court
», estime Jamal Moussaoui. « Pour lutter contre l’impunité, il faut accélérer
également les procédures en cours et envisager de poser un plafond raisonnable
à la durée de la procédure judiciaire », ajoute Samir Bouzid.
Aucun amendement n’a été apporté
pour réduire les inégalités de traitement. « Toutes les situations de
corruption, quel qu’en soit l’objet, doivent être pénalisées de la même
manière, aujourd’hui il y a un décalage entre les peines encourues pour
corruption dans l’administration, par exemple, et celles risquées dans le cadre
d’une campagne électorale », considère Jamal Moussaoui.
Pas de stratégie nationale
La liste des modifications à
opérer sur le code pénal est encore longue selon l’ICPC et l’Instance de
protections des biens publics, mais toutes deux s’accordent à dire qu’aucune
mesure ne sera réellement efficace sans une politique nationale globale contre
la corruption. Début août, « le ministère de la Fonction publique a lancé un
appel d'offre pour définir une stratégie nationale qui
devrait être finalisée fin 2014, début 2015 », rappelle Jamal Moussaoui.
« Sans prendre en considération
l’ensemble du système judiciaire, son indépendance, la protection personnelles
des juges et tous les aspects de la corruption, nous resterons à discuter du
bien fondé des décisions de promotions et de sanctions prises par le Conseil
supérieur de la magistrature », estime Samir Bouzid.