20/10/2012

Finances publiques: La bataille de la transparence pas encore gagnée

Détérioration de la balance des paiements, réduction des réserves de changes, accroissement de la dette et dégradation des Finances publiques… Des déséquilibres certes, accentués par la crise mondiale mais aussi par une gouvernance qui fait peu de place à la transparence dans la préparation et l’exécution des budgets.
«De sorte que de grands décalages existent entre l’ambition, la prévision et l’exécution», ont relevé de nombreux intervenants lors du dernier colloque sur la transparence des Finances publiques (cf. édition du lundi 10 septembre; www.leconomiste.com). Or, selon la Banque Mondiale, citée par le trésorier général du Royaume, l’une des dimensions de l’efficacité de la gestion des Finances publiques, est la crédibilité du budget, c’est-à-dire «qu’il doit être réaliste et exécuté comme prévu». Aussi ne faut-il point s’étonner de voir le Maroc classé en queue de peloton parmi les pays arabes à économie comparable. L’enquête publiée tous les deux ans par l’Organisation internationale pour le partenariat budgétaire donne une idée sur la perception du Maroc par le monde. En 2008, l’enquête positionne le Maroc à la 59e place sur 85 pays avec un score de 27/100. Celle menée en 2010 le classe au 69e  rang relevant ainsi une quasi-stagnation du scoring sur les deux années. Selon Lotfi Missoum, chef de l’Inspection au TGR, qui a cité l’enquête en question, le pays se place loin derrière la Jordanie (50/100), l’Egypte (48/100) et le Liban (32/100). «Ces résultats prouvent que le Maroc fournit au public des informations minimales sur le budget et très peu de rapports d’étape sur son exécution», commente Missoum.      

Dans la foulée, les faiblesses résident dans l’absence de publication de rapport préalable à la proposition du budget, l’insuffisance d’informations détaillées entre les prévisions de recettes et de dépenses pour ce qui est du projet de loi de Finances, la publication avec beaucoup de retard du rapport de fin d’année qui de surcroît est peu explicite entre les prévisions et les réalisations effectives. Ceci, sans oublier le défaut de publication d’un rapport d’audit et celui du budget des citoyens qui permet de rendre compte des choix et des priorités du projet de loi de Finances. «Mais pour récente qu’elle soit, l’enquête paraît relativement dépassée», nuance le chef de l’Inspection à la Trésorerie générale. En 2011, le ministère des Finances a entamé la publication de plusieurs supports d’information budgétaire destiné au public. Il en est de même pour le bulletin mensuel des statistiques des Finances publiques publié par la TGR. Et dès cette année, le budget citoyen sera disponible en arabe et français. «De plus, l’édition 2013 s’enrichira de nouveaux rapports dont celui sur la dépense foncière, la compensation et un rapport sur la masse salariale», promet Nizar Baraka, le ministre de l’Economie et des Finances. Reste à savoir, comment rétablir la confiance du citoyen que des décennies d’éloignement ont forgé des sentiments vis-à-vis des politiques publiques? «L’adhésion paraît difficile dans la mesure où le Maroc se distingue toujours par un taux d’analphabétisme élevé, où l’accès aux technologies reste malgré tout limitée et où une bonne partie de la population ne parle que la langue amazighe», constate Missoum. Cependant, les documents budgétaires restent l’apanage des experts. Le volume, la terminologie des informations et la présence d’agrégats aussi inintelligibles les uns que les autres restent d’accès difficile pour le commun des citoyens. De plus, la transparence ne se limite pas aux seuls comptes budgétaires. En France, où la jurisprudence constitutionnelle a consacré «la sincérité de l’information», elle concerne aussi les finances des collectivités locales et les comptes de la sécurité sociale. Noureddine Boutayeb, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, a jugé «irréalisable, dans l’état actuel des choses, la clarification de la relation financière entre l’Etat et les collectivités locales».

Pour la simple raison que ces dernières dépendent à hauteur de plus des deux tiers des subventions de l’Etat. Cette dépense est quasi totale dans le cas de la majorité des communes rurales. Sans oublier que c’est l’Etat qui détermine et collecte l’impôt. «Paradoxalement, les charges des communes n’ont fait qu’augmenter sous l’effet de l’explosion urbaine et de l’élargissement de leurs attributions», révèle Boutayeb. C’est ce qui explique le nombre imposant des documents financiers produits en France: 25.000 contre moins d’une vingtaine pour le Maroc. Pourtant, notre législation s’inspire pour l’essentiel de celle de l’Hexagone. Au chapitre des instruments, notamment la transparence en matière de production des données statistiques, l’assistance est restée cruellement sur sa faim. Le Haut commissaire au plan non seulement a brillé par son absence mais n’a pas jugé utile de déléguer un de ses collaborateurs. Or, le HCP est régulièrement critiqué pour ne pas ouvrir suffisamment ses bases de données. Du moins celles brutes. Et partant, donner des gages sur son indépendance.

Beaucoup de chemin reste donc à faire. «A commencer par la production de situations financières et comptables consolidées de l’ensemble des administrations», souligna Driss El Azami Idrissi, ministre délégué chargé du Budget. L’objectif est de comparer, dans le temps et dans l’espace, l’état de santé de nos finances publiques selon une grille normative universelle. A ses yeux,  «coller aux normes internationales constitue le meilleur moyen de conjuguer la promotion de la valeur de transparence à la mise à niveau et la modernisation de notre système de gouvernance des Finances publiques». Mais la rupture avec les pratiques actuelles ne peut se faire qu’avec la mise en œuvre de la loi organique sur le projet de budget. Dans la mesure où le texte prévoit des mécanismes de contrôle, de pilotage et d’évaluation en amont de l’adoption de la loi de Finances, au cours de son exécution et lors de son règlement. Là-dessus, l’unanimité est faite.