23/08/2012

Cas pratique : une entreprise genevoise écartée se rebiffe


Ça n’est pas fréquent qu’une entreprise dénonce un appel d’offres devant la justice. «C’est compliqué et sujet à l’arbitraire, les chances de succès sont faibles», avoue Me Bruno Mégevand. L’avocat a jugé cette fois que le jeu en valait la chandelle. Il a cité les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) devant la Cour de justice. L’entreprise genevoise Minerg Apelsa SA, dont il est un des administrateurs, aurait été discriminée dans l’appel d’offres lancée pour la climatisation du futur bâtiment des laboratoires.

Le BATLab sort de terre en face du CMU. Le futur bâtiment de huit étages abritera les 32 labos actuellement dispersés et 350 personnes des HUG au printemps 2014, ainsi que la Fondation des nouvelles technologies chirurgicales (FNTC).
Le tribunal vient de refuser l’effet suspensif (Lire l’arrêt ici). Autant dire que pour l’entreprise genevoise l’affaire est pratiquement perdue. Près de 5 millions de travaux vont lui passer sous le nez. Minerg Apelsa a décidé de poursuivre et d’obtenir un jugement sur le fond. « C’est une démarche coûteuse et longue, mais elle peut permettre de préciser les procédures et les critères d’attribution des marchés publics », estime l’avocat.
La Cour des comptes du canton ne dit pas le contraire. Dans un rapport rendu public la semaine dernière, les gendarmes des administrations publiques genevoises relèvent plusieurs faiblesses dans l’organisation des marchés publics. L’examen porte sur les pratiques de six grands établissements publics du canton.
Minerg Apelsa meilleur marché
Dans le cas de la ventilation du BATLab, le différend porte sur la manière de coter les offres des entreprises en concurrence. Minerg Apelsa a présenté une offre meilleur marché que son concurrent Hälg, une entreprise saint-galloise qui détient une succursale à Genève. Elle s’est retrouvée pénalisée sur trois points : la capacité et la disponibilité du personnel (note 1,5 pour Apelsa contre 5 au vainqueur), la capacité du bureau d’étude (1,5 contre 4) et l’expérience et travaux similaires déjà réalisés au sein des HUG (2 contre 4).
L’entreprise conteste ces trois évaluations. Elle se dit particulièrement choquée par le dernier critère car elle fait jeu pratiquement égal avec son concurrent sur le critère « expérience et travaux similaires déjà réalisés sur d’autres sites ». En clair, les appels d’offres des HUG favorisent les entreprises qui sont déjà dans la place.
Les HUG, maître d’ouvrage, une exception
« Les HUG ne se prononcent pas sur le sujet tant que la procédure judiciaire est en cours », répond le service de presse de l’établissement public. « A ce stade du chantier, précise Agnès Reffet, le recours de l’entreprise genevoise n’a pas ralenti les travaux. »
Les HUG pilotent la réalisation du BATLab. «C’est une exception, confirme Agnès Reffet, tous les autres chantiers de l’Etat sont en principe dirigés par le Département de l’urbanisme (ex DCTI ex Travaux publics).» La raison de cette anomalie ? Le BATLab bénéficie de financements privés : 10 millions sur les 65 millions que coûtera le bâtiment de huit étages, promis à être un fleuron suisse et international en matière d’analyse médicale. Le communiqué de presse diffusé à l’occasion de la pose de la première pierre en janvier dernier ne révèle pas les noms des fondations impliquées.
Le magazine des HUG Pulsation écrivait en novembre 2010 que les deux derniers étages du bâtiment des labos sont financés par des fonds privés consacrés à la «recherche translationnelle » en partenariat avec l’Université, les HES et l’industrie. Il s'agit notamment de la Fondation des nouvelles technologies chirurgicales (FNTC) et du partenariat avec la société Storz, dont les locaux provisoires ont été inaugurés en juin.
«C’est un projet innovant, expliquait le professeur Denis Hochstrasser, patron de la médecine génétique et de laboratoire, les patients bénéficieront des dernières découvertes de la médecine fondamentale et inversement la recherche s’enrichira de l’expérience clinique. »