23/08/2012

Concurrence dans les marchés publics: là où le bât blesse !

Les marchés publics constituent un élément clé de la dynamique économique du Maroc. Avec un budget annuel variant entre 100 et 120 milliards de dirhams, ils représentent près de 60% des dépenses publiques et presque le cinquième du PIB national. 


Autant dire des enjeux financiers énormes qui suscitent l’engouement des opérateurs économiques et font des marchés publics un environnement où les pratiques anticoncurrentielles ne manquent pas d’être  présentes.   
Dresser un état des lieux 
Pour remédier à cette situation malsaine, le Conseil de la Concurrence a lancé une étude sur «Le niveau de concurrence dans les marchés publics». L’objectif est d’établir un état des lieux et de proposer des pistes d’amélioration pour les cinq phases du cycle de vie d’un marché ( programme prévisionnel, préparation du marché, éligibilité des candidats, attribution du marché et réalisation du marché). Un travail qui a été réalisé par le cabinet international d’Audit et de conseil , Mazars Mesnaoui, et présenté  jeudi 5 juillet 2012 à Rabat. Dans le détail, l’étude a touché les différents éléments qui concernent ces contrats notamment, la nature du marché, son exécution et le prix. S’agissant de l’échantillon, il a porté sur des départements ministériels, notamment l’Equipement, l’Agriculture, l’Energie, la Santé, mais aussi des collectivités locales telles que  les communes de Casablanca, de Rabat et de Sidi Yahya. A ce niveau, bon nombre de participants, particulièrement les représentants des fédérations professionnelles, ont critiqué la taille réduite de l’échantillon qui, toutefois, n’a pas été étendu aux établissements publics. Une remarque que Nabil Bayehya  trouve légitime. Il impute même cela au cahier des charges et au Conseil de la Concurrence. « La taille de l’échantillon a été fixée dans le cahier des charges et les administrations ont été choisies par le Conseil de la Concurrence», souligne-t-il. Alors, bien que l’étude ait porté uniquement sur sept institutions, les faiblesses, les dysfonctionnements et les pistes d’amélioration ne manquent pas.
Des dysfonctionnements en vrac
Le diagnostic des procédures de passation des marchés publics de ces organismes permet de relever certaines remarques concernant les modalités d’attribution en fonction de la nature du marché. Celui des fournitures est généralement attribué selon la règle du moins disant. Il en est de même pour les marchés des travaux. Par contre, les marchés des services ne sont pas soumis à la règle du moins disant à cause de leur nature souvent complexe. Par conséquent «Le risque de situations de non-concurrence liées à des favoritismes de la part des administrations est ainsi plus élevé que pour d’autres marchés», précise l’étude, qui a tout de même bien décortiqué les cinq étapes du cycle de vie des trois catégories de marchés. D’abord, au niveau du programme prévisionnel des administrations publiques, l’étude déplore «l’absence de sanctions en cas de non publication de ce programme». Surtout que cela est l’un des facteurs principaux qui «contribue à la création d’une asymétrie dans l’accès à l’information entre concurrents», confirme Bayehya. Avant d’ajouter que «lors de la préparation du marché la réglementation ne précise pas qui doit définir les besoins spécifiques des administrations». Ainsi, au niveau de l’éligibilité des soumissionnaires, « il y a autant de barrières qui bloquent l’accès aux nouveaux entrants».   
Des marchés quasi-interdits aux nouveaux!
 Ces barrières à l’entrée sont au nombre de trois. D’abord réglementaires liées à la complexité de la procédure, aux critères de choix de l’offre, à l’efficacité limitée des recours et aux délais pour l’exécution de la prestation. Les barrières structurelles, quant à elles, concernent les exigences en matière d’infrastructures des prestataires, leur expertise et les capacités techniques. En revanche, les barrières stratégiques restent les plus importantes. Et pour cause, elles  sont étroitement liées au positionnement prix et aux réseaux relationnels des soumissionnaires. Au niveau de l’attribution des marchés, l’étude critique «le formalisme pensant et la défaillance du système de recours». En effet, «les administrations n’expliquent pas les raisons du refus des dossiers et se limitent à notifier aux entreprises non retenues qu’elles n’ont pas atteint la note minimale». Ces critiques s’étendent à la réalisation des marchés dont «la finalisation est peu réglementée et la vérification de la qualité n’est pas exigée». Ce qui peut constituer un moyen de détournement. Alors quels sont les moyens pour combler ces lacunes ?   
Des recommandations inadéquates au terrain
 Trois leviers d’actions ont été recommandés par l’étude pour influencer le comportement des acteurs. D’abord, la réglementation. A ce niveau, l’étude précise que cette dernière doit assurer la promotion des trois principes qui appuient la concurrence (transparence, égalité de traitement, simplicité des procédures). Et cela par l’évolution de la réglementation en renforçant les dispositions de réglementations qui appuient la concurrence, la mise en place de système de soumission électronique et le renforcement de l’indépendance et de l’efficacité des systèmes de recours.  Le deuxième levier dans la liste de Mazars concerne principalement la compétence. Dans cette optique, les recommandations insistent sur l’importance de la professionnalisation du métier d’acheteur public à travers une démarche qui garantit la maîtrise de la procédure à tous ses niveaux. Enfin, le troisième et dernier point se penche sur le suivi et le contrôle qui représentent , selon Nabil Bayehya, la plus grande défaillance du système de passation des marchés publics. La raison en est le manque de procédure de suivi et de contrôle, d’où l’urgence de la mise en place d’un Code relatif à ce type de contrats, la généralisation du contrôle et de l’audit, ainsi que l’application de l’imminent décret de loi.