18/08/2012

Jettou à la tête de la cour des comptes


DRISS Jettou est remis dans le circuit officiel. Sa nomination en tant que premier président de la Cour des comptes, en remplacement de Ahmed Midaoui, a été une surprise. Elle a été néanmoins bien accueillie par les milieux politiques et par l’Administration publique.
Driss Jettou a laissé une image positive, qui suscite le consensus et inspire la confiance. Son expérience dans le domaine de la gestion publique plaide pour lui. L’homme a été plusieurs fois ministre avant de diriger le gouvernement de 2002 à 2007. D’ailleurs, depuis son départ de la Primature en 2007, il s’est occupé de ses affaires privées.

Dans les coulisses de Rabat, cette nomination est diversement commentée. Ainsi, au niveau du gouvernement, plusieurs ministres ont estimé que ce choix était judicieux. C’est «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut», ont répondu en chœur certains d’entre eux.
D’autres vont plus loin. Pour eux, le choix de Jettou est interprété comme une tentative de ralentir le travail de la Cour des comptes. Cela intervient au moment où de nombreuses affaires défraient la chronique. Certaines ont jeté des responsables d’établissements publics en prison. Les observateurs citent volontiers Khalid Alioua, ancien PDG du CIH et Abdelhanin Benallou, ex-DG de l’Office national des aéroports du Maroc, sans parler d’élus locaux qui ont été poursuivis. Et ce processus n’est pas terminé puisque le ministre de la Justice et des Libertés a mis en place une «commission composée de magistrats compétents et dignes de confiance». Ils sont chargés d’étudier tous les rapports de la Cour des comptes avant de décider lesquels il faudra transférer à la justice.
Au cours de ces dernières années, la Cour des comptes est montée en puissance avec la publication de rapports qui ont épinglé la gestion de plusieurs établissements publics et collectivités locales. La Cour prononce des jugements, sous forme d’amendes. Des sanctions qui ne sont pas sévères lorsqu’il s’agit de manquement à la discipline budgétaire. Ce n’est pas le cas lorsque le dossier a un prolongement pénal. Dans ce cas d’espèce, c’est la justice qui prend le relais.
Il est un fait que, depuis quelques années, la Cour des comptes a pris une nouvelle dimension, particulièrement après la réforme de la loi sur les juridictions financières. C’est devenue une institution incontournable de contrôle de la gestion des dépenses publiques. Au point que le travail abattu a quelque peu occulté les rapports de l’Inspection générale des Finances (IGF).

Aujourd’hui, on parle de plus en plus de la réforme de l’IGF pour la relancer. D’ailleurs, cette Inspection a perdu en capital image, au niveau de l’opinion publique et dans les rangs des hauts fonctionnaires. C’est la Cour des comptes qui a récolté les bénéfices de cette période et dont le nom a collé à ce qu’on appelle communément la bonne gouvernance. Le travail des Cours des comptes régionales a aidé dans la construction de cette image positive au point que les juges, débarquant dans une administration ou dans une collectivité locale, sèment la peur. En tout cas, la nomination de Driss Jettou intervient à un moment où la Cour des comptes jouit d’un nouveau statut et de nouvelles missions. C’est l’une des principales institutions qui devra donner un contenu réel au principe constitutionnel qui lie la responsabilité à la reddition des comptes. En plus, elle est chargée du contrôle et du suivi des déclarations de patrimoine, de l’audit des comptes des partis politiques et des dépenses relatives aux opérations électorales.

En fait, l’arrivée de Driss Jettou correspond à une nouvelle phase de la vie de la Cour. C’est une sorte de normalisation de ses activités. Cette institution est désormais présidé par un homme conciliant, impartial et respecté par tous. Il est apolitique et donc au-dessus de la mêlée. Les partis politiques, de la majorité comme de l’opposition, l’avaient apprécié lorsqu’il était Premier ministre. Leurs patrons ont eu l’occasion de le côtoyer de près en tant que ministre de l’Intérieur lors de la préparation des lois électorales mais aussi lors des élections législatives de 2002. Même le PJD de Abdelilah Benkirane, aujourd’hui à la tête du gouvernement, le respecte. Pour un responsable, cette nomination reflète la volonté de remettre la Cour sur les rails. L’une de ses charges est de procéder aux missions de contrôle, loin de toute logique d’orientation politique pour le règlement des comptes avec certains responsables. Reste que cette nomination ne signifie pas que Ahmed Midaoui a démérité. C’est quand même lui qui a été à l’origine de la mise en orbite de la Cour des comptes. Mais, pour des raisons de santé, il a souhaité se retirer. Quoique l’ancien premier président de la Cour des comptes entretenait des relations très tendues avec le Parlement. Il y a plus d’une année, il n’avait pas donné suite à la demande d’une commission de la Chambre des représentants qui voulait mener une mission exploratoire sur le travail de la Cour des comptes. Les députés avaient mal pris cette fin de non recevoir. D’ailleurs, Mustapha Ramid, l’actuel ministre de la Justice et des Libertés, n’avait pas dissimulé «ses difficultés à collaborer avec la Cour dont son premier président ne répondait même pas au téléphone», avait-il déclaré lors d’une réunion d’une commission spécialisée. Qu’importe, l’une des premières tâches qui attendent Driss Jettou est de trouver un procureur général qui manque à la Cour des comptes depuis des années. C’est ce magistrat qui est censé étudier et décider du transfert de tel ou tel dossier à la justice. Jusqu’ici, la Cour a fonctionné sans cette pièce maîtresse de l’édifice.