10/05/2012

Non, le Japon ne verrouille pas l'accès à ses marchés publics


Dans l’édition des Echos du 12 avril dernier, un article de Monsieur Paul Lignières paru en page 11 sous le titre « La réciprocité, une réponse au protectionnisme » présentait l’assertion suivante : « Ainsi, seuls 4% de l’ensemble des marchés publics japonais seraient ouverts à des entreprises européennes, à hauteur de 22 millions d’euros, alors que les entreprises japonaises auraient accès à des marchés publics de l’UE d’une valeur de 312 milliards d’euros.
Le Japon ferme par exemple le secteur du transport ferroviaire aux entreprises européennes ».
Les chiffres avancés ont sans doute été tirés d’un rapport de la Commission Européenne, cependant, malgré les demandes répétées du Japon pour savoir sur quelles bases avaient été calculés les différents chiffres publiés, dont le pourcentage de 4% repris par Monsieur Lignières, la Commission Européenne ne nous a fourni aucune réponse précise en plus d’un an. Considérant qu’il serait vain de se lancer dans un débat sur la véracité des chiffres en question, nous préférons vous présenter des exemples concrets de l’ouverture des marchés publics au Japon.
Premièrement, de nombreuses entreprises européennes ou françaises se sont déjà illustrées avec succès sur les marchés publics japonais. Parmi bien d’autres, on peut citer l’entreprise Veolia Eau, spécialisée dans les secteurs des services d’eau, qui a reçu des commandes de plusieurs collectivités locales japonaises pour un montant total de 100 millions d’euros.
Deuxièmement, l’article précédemment cité insiste sur la fermeture du marché ferroviaire japonais aux entreprises européennes, cependant, il suffit de regarder les statistiques pour invalider cet argument : les importations japonaises de matériel français ou européen dans ce domaine sont en effet largement supérieures à ses exportations vers ces destinations.
L’entreprise allemande KNORR-BREMZE, chargée du système de freinage du Shinkansen de dernière génération, et des entreprises françaises comme Faiveley et LOHR, spécialisées respectivement dans les systèmes de portes et les tramways, font partie de la longue liste d’entreprises européennes ou françaises ayant réussi sur ce marché.
Rappelons également que contrairement à la France, le secteur ferroviaire japonais est essentiellement constitué d’entreprises privées. L’ancien chemin de fer national a été divisé en sept branches, dont trois sont aujourd’hui totalement privatisées. Ces trois entreprises JR sont pourtant toujours soumises à l’accord sur les marchés publics (AMP) de l’OMC, l’UE refusant de reconsidérer la situation.
Troisièmement, si l’on comptabilise à la fois les secteurs public et privé, Eurocopter détient 50% des parts du marché de l’hélicoptère au Japon, et compte parmi ses clients les Forces d’Auto-Défense, l’Agence de la sécurité maritime et l’Agence centrale de la police. Airbus remporte également un grand succès : cette année, l’ensemble des compagnies aériennes japonaises a exprimé son intention de commander une cinquantaine d’appareils Airbus.
Cependant, le secteur de l’aviation ayant été entièrement privatisé, ses appels d’offres n’entrent pas dans la catégorie « marché public ».
Quatrièmement, le Japon propose en anglais toutes les informations relatives aux marchés publics japonais sur les sites du JETRO et du Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie. Ces informations ne concernent pas seulement les marchés publics relevant du gouvernement central et des principales collectivités locales, mais aussi de plus de 1000 organismes publics d’envergure moyenne ou moindre.
Actuellement, le Japon met tout en œuvre pour reconstruire les zones touchées par la catastrophe du 11 mars 2011, avec pour mot d’ordre la « reconstruction ouverte ». Nous espérons sincèrement que des entreprises étrangères compétitives disposant de hautes technologies participeront aux appels d’offres afférents. Un budget de 180 milliards d’euros est prévu pour financer la reconstruction durant les cinq prochaines années, et des mesures d’assouplissement fiscal seront instaurées dans des « zones de reconstruction prioritaire ». Les entreprises françaises sont les bienvenues, et des réunions d’informations ont été déjà organisées en ce sens à Tokyo et Paris pour le MEDEF et les entrepreneurs.
Nous espérons que ces nombreux exemples de réussite d’entreprises européennes ou françaises sur les marchés japonais permettront à tous de mieux appréhender la situation.