30/05/2012

Marchés publics: Le retour des vieux démons

«NOUS n’avons reçu aucun centime du budget de fonctionnement depuis janvier, nous ne pouvons donc plus payer nos fournisseurs et prestataires». Plusieurs universités sont dans ce cas aujourd’hui. De Casablanca à Marrakech en passant par Mohammedia, les universités n’ont pas reçu d’argent pour fonctionner.
Les crédits qui devraient être débloqués suite au décret ordonnant le déblocage du budget de fonctionnement ne sont jamais arrivés. Sans argent, impossible de payer les prestataires et les fournisseurs. Résultat, les services externalisés se trouvent en panne. Les sociétés de gardiennage ont rappelé leur personnel de campus. Ces PME ne peuvent à leur tour payer leurs fournisseurs et c’est ainsi que  toute la chaîne est affectée par les difficultés de paiement.
Pour les universités, il est quasiment impossible d’acheter le petit matériel et des consommables du quotidien. La menace de coupure d’eau et d’électricité est une réalité, insiste un responsable. Plus grave, l’argent du Plan d’urgence, annoncé et promu à tambour battant, on ne le voit pas non plus. Les ressources qui devraient être octroyées aux établissements d’enseignement supérieur ont été réduites de moitié depuis deux ans. Tous ceux qui ont été joints par L’Economiste l’ont confirmé. Et cerise sur gâteau, même les diplômes de la dernière année universitaire sont remis au compte gouttes, faute de papier d’impression!
La situation des universités est la partie visible de l’icerberg de dysfonctionnements qui touchent la chaîne de paiement de l’Etat.
Selon nos investigations, c’est au niveau de l’ordonnancement que se trouve une certaine désinvolture qui met en danger les entreprises privées. Tout particulièrement, celles qui ont décroché des marchés publics. Le retard pris dans l’adoption du projet de loi de Finances qui n’a été publié au Bulletin officiel que le 17 mai soit 5 mois depuis le début de l’exercice est juste un alibi car tous le décret du Premier ministre libérait aussi les dépenses d’investissement.
Selon le patron d’une entreprise de BTP, «la situation est vraiment inquiétante». Les services de l’Etat n’honorent pas leurs engagements financiers. Ce qui met certaines entreprises du BTP sous pression car elles ne peuvent plus payer ni leurs fournisseurs ni leurs employés. «D’où, les fréquents arrêts des chantiers» depuis le début de l’année.
Certes, les arriérés dus au titre de l’année 2011 ont été entièrement réglés, reconnaît un entrepreneur mais avec le retard qui dépasse actuellement les délais requis.
Les données de la Trésorerie générale font état de la résorption du stock qui s’élevait à 8 milliards de DH à fin 2011. Et le montant des ordres de paiement en cours de visa a atteint 221 millions de DH à fin avril dernier. Ce qui atteste que les ordonnateurs des divers départements ministériels n’ont transmis qu’une partie infime des dossiers en instance.
Autre crainte formulée par les opérateurs, le risque d’un autre retard  au niveau du décompte, vu le volume des dossiers à traiter. Certains affirment que le traitement des dossiers n’est pas effectué à la fin de chaque mois comme exigé par la procédure. Par ailleurs, bien que les décomptes soient faits, les ordonnateurs et autres comptables publics mettent beaucoup de temps pour les viser. «Le département des Finances a développé des mécanismes de rejet pour justifier les retards de visas», dénonce un opérateur du BTP.

Et les intérêts moratoires?
EN vertu du décret du 13 novembre 2003 relatif aux délais de paiement et aux intérêts moratoires en matière des marchés de l’Etat, la dépense  doit être effectuée au bout de 90 jours.
A défaut, le titulaire du marché bénéficie de plein droit et sans formalité préalable des intérêts moratoires lorsque le retard incombe exclusivement à l’administration.
Dans le cas d’espèce, ce décret sera-t-il opposable à l’Etat ? C’est la grande question qui va se poser à l’actuel gouvernement.
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