25/03/2012

Procès deniers publics: Formation des juges, le maillon faible

«Il n’y a ni policier, ni juge ayant une quelconque compétence en matière de criminalité financière». Ce constat fait par la plupart des avocats contactés par L’Economiste est le maillon faible de la chaîne de traitement de ces affaires liées au détournement des deniers publics par les tribunaux.
Une lacune dont l’origine remonte à la faiblesse de la formation dans les facultés de droit et dont les conséquences se manifestent tant par la lenteur des procédures devant les tribunaux que par l’ambiguïté des décisions rendues. Comment peut-on demander à un juge de sanctionner un crime dont il ignore tout? «A aujourd’hui, la justice ne dispose pas de magistrats qualifiés pour se prononcer dans des affaires de détournement de biens publics et de juges spécialisés dans les affaires financières, notamment les marchés publics», relève Tariq Sbaii président de l’Instance nationale de protection des biens publics.
Pour remédier à cette lacune, le législateur a institué des pôles financiers dans la nouvelle organisation judiciaire (lois 34-10 et 36-10 publiées au Bulletin officiel n° 5975 du 5 septembre 2011). L’article 6 de la loi 34-10 prévoit la mise en place de pôles spécialisés dans les crimes financiers. Ces pôles comportent des Chambres criminelles de première instance et d’appel dotées de leur propre parquet, d’un secrétariat greffier et d’un secrétariat du parquet. Une organisation complète qui décidera en appel sur toutes les affaires de «détournement et concussion commis par des fonctionnaires publics» ainsi que d’«abus d’autorité commis par des fonctionnaires contre l’ordre public». Sur les 21 cours d’appel que compte le Royaume, 4 devront accueillir les futures sections financières: Casablanca, Rabat, Fès et Marrakech. Ces sections seront créées par décret.
Pour accompagner ces réformes, des formations ont été intégrées au programme de l’Institut supérieur de la magistrature. Tout le défi est de trouver des magistrats qui ont le profil adéquat pour suivre de véritables formations en matière de gestion des administrations et des entreprises tant privées que publiques. Jusqu’ici, ces formations se seraient limitées à des stages superficiels et ponctuels que suivraient des magistrats professionnels d’un autre âge. Or, il se trouve que ce sont ces mêmes magistrats qui statuent actuellement dans le cadre de certaines affaires de dilapidation. En somme, ces affaires à connotation financière se trouvent aujourd’hui entre deux feux. D’une part, les attentes pressantes de l’opinion publique qui condamne les accusés sans autre forme de procès. Et d’autre part, le respect des droits de la défense et la garantie d’un procès serein et équitable à toute personne accusée.