06/03/2012

Le Maroc relance le partenariat public/privé


- L’Economiste : Le dernier rapport de la BEI révèle que les PPP sont réalisés de façon ad hoc au Maroc. Qu’en est-il réellement ?- Saad El Mernissi : La BEI fait référence au fait que nous n’ayons pas dans notre corpus juridique de loi dédiée aux partenariats public/privé et que les projets PPP sont réalisés au cas par cas, chaque projet pouvant avoir sa propre configuration. Certes, le pays est doté d’une loi sur la gestion déléguée des services publics et de lois sectorielles qui permettent de donner en concessions des infrastructures ou la gestion de service public dans les domaines portuaire, ferroviaire, autoroutier et aéroportuaire. Mais ces textes ne couvrent qu’un mode de partenariat public/privé, à savoir la concession.
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- Comment devrait s’articuler la nouvelle  loi sur les PPP ?
- Une réflexion est menée par une cellule de la Direction des entreprises publiques et de la privatisation au ministère des Finances sur l’opportunité de doter notre pays d’une loi sur les PPP. Cette loi devrait permettre l’élargissement du cadre juridique actuel à d’autres formes de partenariat public/privé. L’enjeu est de ne pas rester limité au modèle de la concession, ce qui peut freiner les investisseurs, mais également de recourir à d’autres types de montage qui ne sont pas encadrés par la législation actuelle. Par ailleurs, une loi dédiée aux PPP est un signal fort envers les investisseurs et les institutions internationales qui poussent fortement dans ce sens.
- Quelles sont les barrières juridiques ou administratives qui peuvent dissuader les investisseurs?
- La principale barrière qui peut gêner les investisseurs est la procédure administrative à laquelle ont recours les autorités publiques marocaines lors du lancement d’un projet PPP. Cette procédure est calquée sur celle utilisée dans le cadre des marchés publics alors même qu’un montage PPP est censé être une procédure plus souple tout en conservant les caractères liés à la transparence de la procédure, à l’égalité des candidats et à l’objectivité des critères de sélection. Je pense notamment à la contrainte de la légalisation imposée aux opérateurs internationaux ou encore le rejet de documents en langue anglaise.
- Plusieurs rapports révèlent la  confusion des compétences entre tribunaux administratifs et commerciaux?
- Effectivement, ce problème peut se poser en fonction de la nature des opérateurs publics. Certains sont purement administratifs et ne posent pas de difficultés au niveau de la compétence qui relève des tribunaux administratifs. La différenciation devient problématique  pour les établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic) comme l’ONE où la question sur la nature publique ou privée du contrat est récurrente. Cette situation inquiète particulièrement les investisseurs étrangers.  En effet, la requalification en contrat administratif a des conséquences importantes qui peuvent bouleverser l’économie générale du contrat, en particulier la modification unilatérale du contrat, l’imposition de sujétions nouvelles ou la résiliation pour convenance par la partie publique. L’application du droit privé aux contrats PPP est une garantie de stabilité et de visibilité pour les investisseurs puisque le contrat constitue la loi des parties.
- Est-ce qu’il y a un problème d’équilibre privé-public?
- Il y a un risque de rupture d’équilibre au sein des partenariats public-privé à deux niveaux. D’abord au niveau de la préparation du montage PPP et de la négociation du contrat. Cette phase essentielle est parfois écourtée pour des questions d’urgence ou pour des considérations politiques. Ce qui ne permet pas de prévoir un encadrement suffisant de l’opérateur privé dans le contrat. Ensuite, le déséquilibre peut être flagrant au moment de l’exécution du contrat, l’autorité publique ne pouvant assumer un contrôle effectif faute d’équipe dédiée au suivi du contrat.
Je pense en particulier aux communes qui ne sont pas en mesure de contrôler l’opérateur privé et dont elles deviennent dépendantes et ce, pour de très longues périodes.

Bizarreries
La conformité à certains contraintes administratives en matière de PPP peut s’avérer être un parcours du combattant. A titre d’exemple, dans le cadre d’un projet portuaire, il a été demandé à un patron d’une entreprise chinoise de légaliser le pouvoir qu’il accorde au signataire du dossier de pré-qualification. Une formalité qui doit être réalisée  par une commune au Maroc ou par un service consulaire marocain à l’étranger.
Pis encore, l’opération ne peut être déléguée qu’à un notaire marocain, français ou espagnol. Pour ce problème, l’entreprise a dû avoir recours à un cabinet  français à  Hong-Kong  pour réaliser un document qui atteste que la légalisation qui est faite à Hong-Kong répond aux normes marocaines. Au final, un rapport d’une centaine de pages a été réalisé à des coûts exorbitants avant même que l’entreprise ne décroche le contrat.
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