08/11/2011

La Commission s’active à l’OMC sur les marchés publics

« Achetez américain ! ». En pleine crise économique, ce cri du coeur protectionniste venu d'outre-Atlantique, assorti au plan de relance de février 2009, visait à interdire l'achat d'acier, de fer ou de produits manufacturés étrangers pour des projets d’infrastructures ou de travaux publics.
Face à ce qui aurait pu marquer le début d’une guerre commerciale, les principaux partenaires des Etats-Unis, dont l’Union européenne, sont montés au créneau. Ils ont obtenu que cette mesure ne s’applique pas à leurs produits ni à leurs entreprises, en vertu de l’Accord sur les marchés publics (AMP) de l’OMC.
Preuve que cet accord fonctionne comme un véritable bouclier anti-protectionnisme pour ses membres, en défendant le principe de non-discrimination envers des compétiteurs d'autres pays signataires.  

Un maximum de concessions
Fort de cet argument, Bruxelles en a profité pour relancer dès 2010 les négociations autour du nouveau texte de l’AMP, prêt depuis fin 2006, mais pas encore adopté.
L’Union européenne joue un rôle majeur au sein du Comité sur les marchés publics de l’OMC, qui rassemble les pays signataires de l’AMP. Selon une source à la Commission, si elle se mobilise autant, c’est avant tout parce qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps pour défendre ses intérêts avant le vote du nouveau texte, mi-décembre, lors de la Conférence ministérielle de l’OMC.
Près de 85% de ses marchés publics sont ouverts à la concurrence contre seulement 20-25% aux Etats-Unis, toujours d’après Bruxelles. La Commission attend donc des efforts significatifs d'ouverture des autres membres.
Le nouvel AMP va dans son sens puisqu'il prévoit d'éliminer la plupart des dérogations obtenues par chaque pays dans l’accord initial.

Nouvelles recrues
Le Comité sur les marchés publics a également l’intention de s’appuyer sur le nouvel accord pour gonfler ses rangs. Car sur 153 pays à l’OMC, il ne compte que 42 membres.
Les pays signataires -essentiellement des pays développés- ont tout intérêt à ce que les principales économies émergentes, dont les marchés publics se comptent en milliards d’euros, ratifient l'AMP. Mais ils rechignent à leur accorder le traitement différencié réservé, à l'OMC, aux pays en développement (PED).
Ces privilèges se traduisent, dans le nouvel AMP, par une ouverture plus progressive de leurs marchés publics. Les PED ont droit, par exemple, à des délais supplémentaires de deux à trois ans pour mettre en application certains articles de l’accord. Ils doivent par ailleurs négocier, au moment de leur accession, un calendrier pour le démantèlement des mesures dérogatoires.
Le statut des pays émergents, en revanche, n'est pas officiellement défini. Toutefois, le Comité estime qu’au regard de leurs performances économiques, ces pays ne devraient pas bénéficier du traitement de faveur accordé aux PED.
Pour l'instant, seule la Chine a entamé une procédure d’adhésion à l’AMP. Et les négociations s’annoncent compliquées.
L’Union européenne se montre particulièrement intransigeante envers Pékin. « La Commission attend de la Chine des gages d’ouverture à la concurrence à trois niveaux : fédéral, subfédéral (provinces et municipalités, ndlr) et de la part de ses entreprises publiques », explique une source à Bruxelles.

Programme de négociations futures
Le Comité sur les marchés publics va plus loin que la révision de l’accord initial et des procédures d’adhésion. Il propose également des pistes de négociations futures.
Là encore, Bruxelles s’est faite entendre, puisque deux des sujets sur lesquels les membres sont invités à méditer, une fois l'accord ratifié, portent sur l’accès aux marchés publics pour les PME et la place du développement durable.  
Les pays vont devoir passer en revue les mécanismes de soutien aux PME pour déterminer s’ils sont discriminatoires, et comme pour les normes en matière environnementale, définir les « meilleures pratiques ».
Le Comité a également convenu que l’accord pourrait être enrichi, à l’avenir, par de meilleures statistiques, pour mieux identifier les rapports de force entre pays membres, et par l’utilisation d’outils électroniques pour améliorer sa mise en oeuvre.

Second souffle
Le président du Comité sur les marchés publics, Nicholas Niggli, estime que le nouvel AMP a de bonnes chances de faire l’unanimité de ses membres mi-décembre.
« Une conclusion réussie n’est pas hors de portée, a-t-il confié à EurActiv.fr. La plus grosse partie du travail a déjà été faite, et les écarts qui restent à combler ne sont en aucun cas rédhibitoires ».
Si la version révisée de l’AMP est approuvée, ce serait une victoire non seulement pour l’UE, mais aussi pour l’OMC. L’organisation, engluée dans les négociations interminables du cycle de Doha, a désespérément besoin d’un second souffle.
Ce nouvel accord pourra « redonner de l’élan au système commercial multilateral », dont le directeur de l’OMC reconnaît lui-même les limites.