11/05/2011

Les sociétés de gardiennage hors la loi

DEPUIS le 4 mai, les sociétés de gardiennage et de transfert de fonds sont en principe dans l’illégalité. En effet, la loi relative à ces activités prévoit un délai de six mois après publication du décret d’application, pour régulariser leur situation. Ce qui veut dire que ces sociétés doivent être titulaires d’une autorisation d’exercer dument délivrée par les wilayas. Or, le texte d’application a été publié au Bulletin officiel le 4 novembre 2010. Six mois après, les wilayas n’ont encore délivré aucune attestation d’autorisation d’exercer. La loi s’applique différemment aux entreprises concernées. Pour celles déjà en exercice, elle prévoit un délai de six mois après publication du décret pour faire une déclaration auprès des services du ministère de l’Intérieur, en respectant les dispositions de la loi. «A défaut de cette régularisation dans le délai précité, leurs activités sont réputées être exercées sans autorisation. Le contrevenant s’expose dans ce cas aux sanctions prévues par la loi», stipule l’article 32 de la loi. Les articles 22 et 23 prévoient des amendes allant de 3.000 à 20.000 DH et une peine d’emprisonnement d’un mois à un an. Les ministères de l’Intérieur et de l’Emploi n’ont diffusé une circulaire conjointe sur la question que fin avril dernier.
Par conséquent, les sociétés de gardiennage et de transfert de fonds se retrouvent actuellement dans une situation à tout le moins cocasse. En effet, bien qu’opérationnelles, elles sont théoriquement hors la loi. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé de régulariser leur situation. «Certaines entreprises de sécurité ont tenté de déposer leurs dossiers auprès des services des wilayas. Ceux-ci répondent qu’ils ne sont pas au courant et qu’ils n’ont reçu aucune circulaire sur cette loi», explique un haut fonctionnaire.
Quant aux nouvelles sociétés, elles ne pourront exercer sans avoir obtenu au préalable une autorisation de l’Intérieur. Résultat: aucune entreprise, nouvelle ou de création ancienne, ne pourra plus soumissionner aux nouveaux appels d’offres relatifs aux prestations de gardiennage ou de transfert de fonds, lancés par les ministères, les collectivités locales ou les établissements publics. Leurs dossiers seraient automatiquement rejetés faute d’autorisation d’exercer. Une attestation obligatoire pour obtenir le visa des comptables publics et donc le paiement par la Trésorerie générale du Royaume (TGR). C’est la raison pour laquelle certains ministères ont saisi le Secrétariat général du gouvernement (SGG). Il s’agit de proposer à la commission des marchés publics d’examiner les moyens pour débloquer la situation dans le cadre de la passation de marchés publics. Le problème se posera principalement pour les nouveaux appels d’offres. Quant aux contrats en cours, ils continueront d’être honorés jusqu’à leur terme. Bon nombre arriveront bientôt à échéance. Leur reconduction obéira aux nouvelles formalités prévues par la loi, notamment la production d’une autorisation d’exercer.
La loi, qui remonte au 6 décembre 2007, avait été promulguée pour réglementer le secteur du gardiennage et du transfert de fonds, marqué par de nombreuses dérives. Une activité transformée parfois en une nouvelle forme d’économie de rente, où le travail frise l’esclavagisme. «De 120 entreprises en 2006, nous sommes passés à 3.500 entités en 2010 contre 368 pour la Belgique», affirme Rachid El Mounacifi, président de l’Association professionnelle des agences de sécurité au Maroc (APASM). Cette inflation s’explique par l’absence d’un cadre réglementaire rigoureux et par le fait que ce secteur est très rémunérateur sans être capitalistique. D’ailleurs, certaines sociétés n’ont même pas de siège propre.

Ce que dit la loi
DÉSORMAIS, les activités de gardiennage et de transfert de fonds sont des métiers réglementés. La loi prévoit, entre autres, les conditions d’exercice en tant que personnes physiques ou morales. Parmi celles-ci, l’obligation de la nationalité marocaine, de disposer des qualifications professionnelles nécessaires, l’existence d’un contrat de travail, la souscription d’une assurance, un casier judiciaire vierge, l’inscription au Registre de commerce… «Cependant, plusieurs lacunes subsistent encore. La loi ne précise pas les qualifications professionnelles nécessaires et ne prévoit ni diplôme ni expérience», relève Rachid El Mounacifi, président de l’Association professionnelle des agences de sécurité au Maroc (APASM). Plus encore, nombreuses sont les entreprises gérées par des étrangers, dont certains ont même des antécédents. Or, ce métier est réservé aux opérateurs de nationalité marocaine. Par ailleurs, l’autorisation d’exercer peut être retirée si les conditions de son obtention ne sont plus respectées.