11/05/2011

La france prépare son projet de loi sur les onflits d’intérêts

Interview : Élisabeth Guigou
 
Qu’attendez-vous du projet de loi que le gouvernement prépare sur les conflits d’intérêts ?

J’attends qu’il mette en œuvre le
rapport Sauvé [remis en janvier dernier à Nicolas Sarkozy par le vice-président du Conseil d’État Jean-Marc Sauvé, ndlr], mais aussi qu’il aille plus loin. Concernant les ministres, les déclarations intérêts doivent être obligatoires et plus précises. Il faut aussi interdire le cumul des fonctions ministérielles avec un mandat exécutif local. Sur ce dernier point, je n’ai rien entendu de la part du gouvernement. C’est dommage car on comprend bien qu’un ministre qui exerce un mandat exécutif local n’est pas dans le même rapport avec un préfet qu’un parlementaire…

Sur quels points faut-il aller plus loin que le rapport Sauvé ?


Même si le cas des députés et sénateurs est traité dans le cadre du règlement des deux assemblées, il faudrait que le projet de loi se penche sur les incompatibilités concernant les parlementaires. On ne devrait pas pouvoir être député et exercer comme avocat d’affaires par exemple. De même, on ne peut pas décemment être parlementaire et médecin pour un groupe pharmaceutique. Par ailleurs, il faudrait exiger des déclarations d’intérêts pour les agents publics exerçant certaines fonctions, notamment celles touchant aux marchés publics. De la même façon, il faut aussi être exigeant concernant les conjoints. Je n’ai toujours pas compris comment la femme d’un ministre du Budget avait pu travailler dans la gestion de patrimoine... Ce sont des fonctions dont la vocation est précisément d’organiser la défiscalisation !


Christine Lagarde a-t-elle commis une erreur en investissant dans la société du fils du patron d’Oséo, entreprise publique dont elle a la tutelle ?


J’ai de l’estime pour Christine Lagarde, mais je considère que c’est, au mieux, une imprudence de sa part. Même si les sommes ne sont pas extravagantes, il y a un soupçon de conflit d’intérêts. Nous sommes dans une zone grise. Un ministre devrait charger un tiers de gérer ses investissements et ne pas le faire directement. Certes, il n’y a rien d’illégal, mais c’est une question d’éthique. On ne doit pas laisser s’insinuer le doute, au risque de porter atteinte à la crédibilité et à l’impartialité de l’État. C’est pourquoi il faut des règles précises et des sanctions.


Considérez vous que la publication des déclarations d’intérêts des membres du gouvernement constitue un premier pas ?


C’est ce que ce que les Anglais appellent du
lip service. On fait quelque chose, mais on est loin du compte… Quand on est un personnage public, on ne devrait pas avoir honte de publier son patrimoine. Plus on mettra de transparence dans le système et mieux ce sera. L’État doit être à l’abri de tout soupçon et ceux qui l’incarnent aussi.

Constatez-vous une aggravation de la situation depuis quelques années ?


Il est clair que la situation s’est aggravée sous la présidence de Monsieur Sarkozy. Je l’explique par une plus grande proximité avec les milieux d’argent, une connivence, même. Ce n’est pas qu’une question de comportement, certaines lois ont aussi accru le risque de conflits d’intérêts. Quand on autorise des fonctionnaires à être autoentrepreneurs, c’est une dérive. Quand, sous couvert de simplification, on supprime des règles sur les marchés publics, c’est un vrai problème. Quand, en 2007, on autorise les trusts et les
fiducies pour masquer les vrais propriétaires, c’est qu’on privilégie l’opacité et non la transparence.