Lors d’une audition sur la politique de l’aide extérieure américaine, l’un des représentants de l’Etat le plus peuplé de l’Union s’est durement et personnellement attaqué au Président Abdoulaye Wade qu’il a encore accusé d’avoir reçu des pots vin sur le Monument de la Renaissance Africaine, d’être un corrupteur de fonctionnaire international (en référence à l’affaire Segura du nom de l’ancien représentant du Fonds monétaire international au Sénégal), de népotisme en favorisant son fils Karim Wade au sein du gouvernement….
Le Républicain s’adressait à l’administrateur du Millenium Challenge Corporation (MCC), l’organisme qui gère les fonds mis à la disposition du programme MCA. C’était lors d’une audition organisée par la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants du parlement fédéral, le 16 mars 2011.
L’attaque du député Californien a été directe et virulente. Morceaux choisis : « Vous avez un monument nord-coréen long de 164 pieds qui a probablement coûté 50 millions de dollars, construit par un homme de 83 ans, des pots de vin de 35% que le président du pays perçoit. On parle ici d’un président de la République qui perçoit des pots de vin reversés à sa fondation personnelle. Voici un homme qui crée un ministère spécial pour son fils, un homme qui donne 200 mille dollars à un fonctionnaire international en guise de cadeau avant de recevoir un prêt de l’institution qu’a représenté le fonctionnaire européen en question. »
Le parlementaire ajoute : « non seulement l’argent de l’aide américaine a permis au Sénégal de libérer d’autres fonds pour construire un monument plus grand que la Statue de la Liberté, mais de l’argent a été mis dans la poche de la Corée du Nord. Franchement cela signifie que nos impôts ont financé le régime Nord coréen ; sans parler de la corruption qui est répandue au Sénégal. »
Le Congressman de poursuivre : « j’ai écrit à plusieurs reprises. J’ai cherché à attirer l’attention du Secrétaire d’Etat sur cette question, en essayant de convaincre tout le monde à réévaluer la pertinence de donner 540 millions de dollars au Sénégal. Je sais que vous m’avez toujours dit que vous êtes en train de surveiller tout ça. Mais il (Président Wade) a déjà prolongé son mandat présidentiel à sept ans. Mon Dieu !»
Ed Royce ne s’arrête pas à cette liste de critiques contre Abdoulaye Wade. Interpellant Daniel Yohannes le directeur exécutif du MCC sur ce qu’il faut faire avec le Président Wade et le Sénégal, il exprime sa frustration : « J’ai été au Sénégal quand le pays allait dans la bonne direction. En ce moment, il prend la direction opposée. Nous sommes en train d’appuyer un homme qui pédale à contre sens, aussi rapidement qu’il est humainement possible, dans la direction d’une gouvernance de non droit. »
Cependant, la grosse information sortie de cette audition à propos du Sénégal est venue de la réponse de Daniel Yohannes directeur exécutif du MCC. Il admet que des faits tels que ce qui s’est passé avec le Monument sont réels. « Certes nous n’en sommes pas contents, mais ce sont des réalités. Ce sont des pratiques menées dans certains pays pauvres. C’est idiot, mais c’est la vie.». Puis, il tempère la hargne du représentant Royce en indiquant que malgré les nombreux problèmes évoqués, « le Sénégal comparé à beaucoup de pays, peut être fier de son score dans les domaines de la corruption, de la bonne gouvernance, de la politique économique, de la liberté de la presse, de l’investissement sur son peuple … »
Après cette bonne note donnée par le fonctionnaire, faisant référence au décret que le chef de l’Etat sénégalais voulait faire passer relatif aux domaines de compétence de l’Agence de Régulation des Marchés Publics (Armp), il informe : « Nous restons très vigilants malgré tout. Il y a de cela quelques mois quand il a (le Président Wade) voulu soustraire un certain nombre de ministères, des règles du contrôle des marchés publics. Nous avons réagi vigoureusement. C’est ainsi qu’en rapport avec le Département d’Etat, la Banque mondiale et d’autres partenaires nous lui avons envoyé un message très clair en lui disant : « Si vous ne retirez pas ces exemptions, cela va nous conduire à suspendre ou à annuler le compact (programme MCA) du Sénégal’. »
Le représentant de l’Administration Obama à cette audition, a alors dit sa satisfaction de voir que le locataire du Palais de l’Avenue Roume a été obligé de retirer le projet de décret, sans hésitation.
Ed Royce n’en est pas à sa première sortie contre le Sénégal et son à « compact ». Il a publié une série d’articles d’opinion dans le très influent quotidien conservateur Washington Times contre cette aide attribuée au Sénégal. Il a également envoyé un nombre important de correspondances à toutes les parties concernées par le programme MCA.
Ce qui semble le plus révolter Ed Royce est le Monument de la Renaissance africaine, le népotisme et la corruption. En tenant compte du fait que ce sont ses camarades Républicains qui contrôlent en ce moment la Chambre des Représentants, l’une des deux entités (avec le Sénat) du parlement américain, on ne peut s’empêcher de dire que le Sénégal doit bien surveiller les positions de ce député, si le Sénégal tient encore à ce compact, qui met à sa disposition, près de 250 milliards de francs Cfa de non remboursables.
