Oxfam Maroc jette, dans un récent plaidoyer, une lumière crue sur les multiples dysfonctionnements dont souffrent les deux secteurs de gardiennage et de nettoyage. Elle estime que la responsabilité est partagée entre société civile, politiques et individus.
- Selon une note de plaidoyer rendue publique le 6 mai par Oxfam Maroc, les agents de gardiennage et les employés de nettoyage font partie des professionnels les plus touchés par la précarité de l’emploi et la dureté des conditions de travail. Pourtant, ces activités (gardiennage et nettoyage) sont définies dans le cadre de contrats de services établis selon un cahier de prescription spécial (CPS). Comment expliquez-vous ce dysfonctionnement et quel état des lieux dressez-vous ?
- Pour répondre à votre question, permettez-moi d’abord de
vous remercier pour l’emploi du mot « dysfonctionnement » que je vais reprendre
comme élément de réponse mais au pluriel en y ajoutant un grand S. Je vous
énonce donc les multiples dysfonctionnements dont souffrent ces deux secteurs,
et qui font que les contrats de services établis soient indignes et indécents
ou non respectés dans le cas échéant. Premièrement, il y a le dysfonctionnement
au niveau des marchés publics.
La pratique du moins-disant conduit à une perception des
salaires de l'agent (e) de gardiennage ou de nettoyage comme étant des coûts de
transaction, et peut même conduire à la non déclaration des travailleurs et
travailleuses au niveau de la CNSS et des compagnies d’assurances, ce qui
fragilise leur situation et conduit les patrons à signer des contrats avec des
prix dérisoires. Le salaire devient donc la seule cible pour l’entreprise de
nettoyage ou de gardiennage pour dégager un bénéfice sur la transaction.
Résultat : des salaires nets entre 1200 et 2600 dirhams synonymes de précarité
et d’incapabilité d’acheter toute paix sociale.
Notre plaidoyer appelle d’abord à bannir la pratique du
moins-disant comme seule critère de décision, et à exiger au préalable dans les
appels et termes de références des salaires qui respecteront les charges et
risques de travail de cette catégorie de travailleurs et travailleuses.
Opérationnellement, il faut donc spécifier, voire imposer une fourchette de
marge bénéficiaire, au-delà du coût de revient des salariés - toutes charges
confondues comprises - à arrêter et standardiser.
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Le deuxième dysfonctionnement est au niveau de la conformité
sociale. En effet, l’État est socialement responsable, en premier lieu, de
l’assainissement d’une culture de respect de la législation sociale. Le fait de
délaisser ces secteurs depuis des années ne peut qu’encourager les moins «
responsables » d’entrer au marché et de maintenir le statu quo dans les
pratiques de dévalorisation, d’exploitation des travailleurs au niveau
opérationnel.
Dans ce sens, nous appelons à exiger des audits sociaux en
amont des grands marchés et pour certaines catégories d’entreprises ayant une
taille moyenne, voire grande ; nous appelons aussi à renforcer l’inspection du
travail et mettre en place des cellules d’écoute de doléances d'agents de
nettoyage et de gardiennage victimes de burnout ou de licenciements abusifs. Il
faut aussi établir une charte d’éthique pour les donneurs d’ordre convertible
en projet structurant en vue de cultiver des pratiques de conventions
collectives pour ces secteurs.
Le troisième dysfonctionnement réside au niveau des
ressources humaines. Reconquérir les collaborateurs et collaboratrices de ces
secteurs est devenu l’un des défis majeurs pour les dirigeants des entreprises.
L’intensité et la robustesse du lien symbolique durable entre l’entreprise de
gardiennage ou de nettoyage et ses collaborateurs ont fortement diminué au fil
du temps. La question du lien entre le recours à l’externalisation et cette
perte mérite d’être posée, notamment quand le critère majeur visible de la
décision du dirigeant-décideur est la diminution des coûts directs de
main-d’oeuvre. Simple « ressource » à laquelle on accole le qualificatif d’ «
humaine », le collaborateur n’est alors vu que comme une « charge » dite fixe.
Face à la perception d’une menace existentielle, tout organisme vivant engage
des stratégies de protection et de riposte.
Ainsi, nous appelons à assouplir et encourager les
entreprises à participer dans la conception et la réalisation des formations
sur mesure à l’intérieur de leurs structures. Il y a aussi nécessité pour les
entreprises du gardiennage privé de la réalisation des enquêtes de satisfaction
auprès du public, surtout dans des secteurs comme ceux de la Santé et de
l’Education afin d’améliorer la qualité du service rendu.
Nous recommandons aussi d’encourager le travail d’équipe et
former davantage le premier niveau de supervision en vue de le doter de
compétences en dynamique de groupe et de communication ; d’exiger une formation
de base (en gestion) pour l’employeur ou gérant, ainsi que d’exiger une carte
professionnelle (avec un code national) pour tout agent opérant dans le secteur
et une certification standard gérée par un établissement étatique en tant que
formation de base nécessaire à la qualification pour ces métiers.
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