Selon l’arrêté
conjoint des ministres des Finances et du Commerce et de l’Industrie, son
application sera déployée de manière progressive: 5,25% par an dans l’immédiat
jusqu’à fin 2020 pour se stabiliser à 6,25% à partir du 1er janvier 2021 (voir
détails dans le tableau).
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Le taux des indemnités de retard, qui était de 10% (7%+le
taux directeur de la banque centrale qui était de 3%) depuis l’entrée en
vigueur de la loi sur les délais de paiement le 8 novembre 2012, avant de
baisser à 9,25% aura donc été réduit comme l’avait proposé le patronat pour ne
pas pénaliser les entreprises. Mais le barème reste largement inférieur à celui
des intérêts moratoires appliqués aux marchés de l’Etat, qui sont plafonnés à
2,40%.
A rappeler que le barème des indemnités de retard est en
fait un taux minimum. Les contractants peuvent aller au-delà de ce tarif et
même prévoir des intérêts de retard. Ce qui dépend des rapports entre les
fournisseurs et leurs clients et de la nature des produits ou services
commercialisés.
La loi sur les délais de paiement avait été élaborée pour
aider les fournisseurs, principalement les PME. Or, telle qu’elle a été conçue,
elle n’a fait que les pénaliser. En effet, les petites structures se voient
très souvent dans l’impossibilité d’appliquer les pénalités de retard,
obligatoires de par la loi, en raison des rapports de force avec leurs clients.
Impossible par ailleurs de charger des clients fidèles qui ont des difficultés
passagères. Les fournisseurs, en fonction des produits et services qu’ils
commercialisent, s’estiment déjà heureux quand ils arrivent à récupérer le
principal de leurs impayés.
De plus, même si ces structures, tout comme les grandes
entreprises d’ailleurs, facturent des pénalités de retard sur des factures dont
le règlement reste incertain, elles devront payer l’impôt. Or, elles n’ont pas
encaissé ces indemnités. Certains conseils proposent que les indemnités
non encaissées ne soient pas tenues en compte dans le calcul de l’impôt ou
soient considérées comme perte sur créance.
Le troisième motif qui fragilise les PME, c’est que les
pénalités de retard non réclamées après paiement du principal sont prescrites
de par la loi. Pourtant la même loi précise que ces indemnités relèvent du
droit public et qu’un fournisseur ne peut y renoncer même par écrit.
Toute la difficulté réside maintenant dans les modalités
d’application et pour de très nombreux cas (PME et TPE), dans le principe même
de l’application des pénalités de retard. Ainsi, avant l’entrée en vigueur de
l’arrêté ministériel, il faudra appliquer l’ancien tarif pour les créances
acquises entre le 1er janvier 2019 et le 14 août et qui était de 9,25% (7%
majorés du taux directeur de Bank Al-Maghrib qui est de 2,25%).
Du 15 août 2019 (date d’effet de l’arrêté) jusqu’à fin 2019,
la pénalité de retard sera de 5,25% (3%+2,25%). Le même barème restera en
vigueur au cours de l’année 2020. A compter du 1er janvier 2021, le tarif se
stabilisera à 6,25% (4%+2,25%) et ne devrait changer qu’en cas d’ajustement du
taux directeur de la banque centrale.
L’application du barème des pénalités de retard pourrait poser quelques
problèmes aux entreprises puisqu’il sera déployé sur un peu moins de deux ans.
Dans certains cas, la non-application des pénalités de
retard entraîne le rejet de la comptabilité même si la liste des motifs ne
prévoit pas de manière expresse de dispositions dans ce sens. La loi actuelle
sur les délais de paiement n’a pas apporté de réponses aux difficultés
rencontrées par les entreprises à la pratique. Doit-on donc appliquer des
pénalités dès le premier jour de retard sur les délais convenus entre les
contractants? Faut-il appliquer un barème franc ou au prorata temporis?
«La pénalité de retard est exigible à compter du 1er jour de
dépassement du délai accordé par le fournisseur (lequel ne doit pas dépasser
toutefois 90 jours). Son montant est calculé au prorata temporis et tient
compte de la durée entre la date d’échéance et la date de paiement effectif de
la dette. L’application des intérêts financiers de retard en parallèle avec la
pénalité de retard ne peut être envisagée puisqu’ils feront double emploi»,
précise Mbark Naoumi, expert-comptable associé gérant chez MN Consulting.
Le flou autour de ce point avait poussé l’Ordre des
experts-comptables à prendre position car certains inspecteurs des impôts
exigent l’application d’un taux «plein tarif» dès le premier jour de retard en
rejetant le principe du prorata temporis.
Que deviennent les accords sectoriels?
La loi sur les délais de paiement, qui vient d’être
complétée par la publication du tarif des pénalités de retard, reste muette sur
la spécificité des accords sectoriels. La réglementation accordait en effet à
certains secteurs (agriculture, agro-alimentaire, pêche…) de contracter des
délais spécifiques à condition de signer des contrats avant le 31 décembre
2017. Aujourd’hui, ces délais sont arrivés à expiration sans que ces accords
sectoriels n’aient vu le jour. Et ce n’est pas la faute des professionnels
puisque cette disposition n’était pas faisable car le Conseil de la
concurrence, dont l’avis était incontournable, était en stand-by. Que
deviennent donc ces dispositions dérogatoires?
Les indemnités de retard sont rarement réclamées
• Décalage énorme entre la loi et les pratiques des
entreprises
• Ne pas appliquer la pénalité équivaut à une libéralité
concédée au client
Mbark Naoumi, expert-comptable associé gérant du
cabinet MN Consulting: «Pour les accords sectoriels, il est nécessaire de
procéder à un amendement de la loi puisqu’elle limitait la durée de ces accords
au 31 décembre 2017» (Ph. Fadwa Alnasser)
- L’Economiste: Quelle lecture faites-vous de la réduction
des pénalités de retard à terme à 6,25%?
- Mbark Naoumi: Il convient de rappeler que le taux de 6,25% est un taux
plancher à appliquer. La fixation du taux de ces pénalités est laissée à
l’appréciation du fournisseur. La réduction du taux minimum des pénalités de
retard est en soit une bonne initiative car elle permettra à chaque acteur
économique de fixer, au niveau de ses conditions générales de vente, son propre
barème en fonction du préjudice qu’il estime subir.
- La déduction fiscale de ces indemnités apparaît comme une
prime aux débiteurs de mauvaise foi?
- Le fournisseur se trouve doublement sanctionné. Une première sanction suite
au retard de paiement avec les conséquences financières que cela engendre et
une deuxième sanction liée au traitement fiscal lorsqu’il ne réclame pas les
pénalités de retard.
Côté client, la déduction fiscale des pénalités de retard est liée à leur
paiement effectif. Dans la réalité, ces pénalités sont rarement réclamées par
le fournisseur qui préfère maintenir une bonne relation commerciale avec son
client surtout dans le contexte économique actuel.
- Que risquent les entreprises qui n’appliquent pas de
pénalités de retard?
- Pour arriver à une application systématique des pénalités de retard, il
convient tout d’abord que tous les arrêtés soient publiés. La non-application
des pénalités de retard par les entreprises dont les comptes sont certifiés
constitue une anomalie. Si l’impact de cette anomalie est significatif, cette
situation conduirait inéluctablement le commissaire aux comptes à en tirer ses
conséquences en termes de certification, en d’autres mots, à émettre par
exemple une réserve sur les comptes si cela s’avère nécessaire.
Il faut rappeler également que ces entreprises sont dans l’obligation de
publier, dans leurs rapports de gestion, la décomposition à la clôture des deux
derniers exercices du solde des dettes à l’égard des fournisseurs par date
d’échéance conformément à l’article 78-4 de la loi 15-95 et que dans ce cadre,
les commissaires aux comptes sont appelés à formuler leurs observations sur ces
informations.