Pour leur 10e escale régionale sur les délais de paiement, les
responsables du ministère de l'Intérieur, la Trésorerie générale du Royaume
(TGR), la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et la
Direction des entreprises publiques et de la privatisation, se sont rendus à
Fès.
Leur rencontre de sensibilisation sur l'amélioration du climat des affaires et la réduction des délais de paiement de l’État et des collectivités locales s’est soldée par une palette de recommandations. Décryptage.
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■ Une refonte du code des marchés publics s’impose
Pour Khalid Safir, wali, directeur général des collectivités locales, «cette
rencontre offre une occasion pour les divers opérateurs économiques de la
région d’échanger les points de vue et prendre acte des mesures prises pour
réduire les délais de paiement et maîtriser les dettes dues aux fournisseurs».
A noter que le département de l’Intérieur accorde un intérêt particulier à
l'amélioration du climat des affaires et la relance des investissements et la
création des postes d'emplois. Pour y parvenir, «une refonte du code des
marchés publics s’impose afin de préserver l’entreprise et l’inciter à
respecter les délais», recommande d’emblée Aziz Fertahi, président de la CGEM
Meknès-Ifrane. Pour lui, «les délais d’appel d’offres de 21 jours sont
correctes, mais il faut mettre fin au CPS modificatifs». A ce titre, le
changement répétitif des CPS des appels d’offres en cours de route (avant
l’expiration des délais d’appel d’offres) est à bannir. Car, il pénalise les
entreprises. Surtout, celles qui ne peuvent pas assurer une veille devant le
site électronique des marchés publics, ou encore celles qui ont soumissionné
dans les délais et après une véritable étude de l’offre initiale. «Parfois, les
CPS modificatifs sont publiés la veille de l’ouverture des plis», s’insurge
Fertahi.
■ L’indexation des prix pose problème
aussi
La révision des prix appliqués par l’administration, connue sous l’intitulé
«d’indexation des prix», pose également problème. Ceci, surtout pour les
produits noirs, le bitume et ses émissions entre autres. En ce sens, les
entreprises qui soumissionnent plusieurs mois à l’avance sont pénalisées par la
fluctuation des devises, parfois à des rabais allant jusqu’à un million de
DH/km. Et le contraire, quand les prix chutent. Pour mettre un terme à cette
relation «floue», le président de la CGEM Meknès-Ifrane propose «un règlement
constant et équilibré». En d’autres termes, respecter les prix à la soumission.
En outre, selon ce patron de bureau d’études (BTP), l’annulation des appels
d’offres est sujette à caution. Car, si l’administration a balisé son étude
pour un chantier donné, et les soumissionnaires ont présenté les qualifications
requises, la réalisation des travaux doit être actée. Autrement, toute
annulation de marché alimenterait le doute chez les soumissionnaires. A telle
enseigne que «certains croient que le maître d’ouvrage voudrait octroyer le
marché à une entreprise donnée». D’où l’obligation de réglementer (ndlr:
justifier aussi) les annulations.
■ L’incohérence des
articles 40 et 41 du code des appels d’offres
Autre recommandation, lutter contre l’incohérence des articles de loi. A ce
propos, les articles 40 (sur l’évaluation des offres des concurrents) et 41
(offre excessive ou anormalement basse) du code des appels d’offres sont visés.
Ainsi, si l’article 40 parle de l’offre la plus avantageuse en faisant
référence au moins disant, l’article 41 souligne pour sa part, que la
commission «peut» écarter des offres comportant des prix excessifs ou
anormalement bas. Pour Fertahi, les règles d’attribution de marché doivent être
claires et transparentes. Ceci, afin de lutter contre les jugements subjectifs.
Aussi, l’attribution des marchés par les sous-ordonnateurs provinciaux doit
être justifiée et expliquée sur le site des marchés publics. «Nous ne sommes
pas intéressés par les motifs d’éviction des autres soumissionnaires… ce qui
nous intéresse plutôt sont les critères de choix pour s’améliorer et
s’adapter», explique-t-il. Et d’ajouter: «cette proposition renforcera la
transparence de l’opération d’octroi des marchés publics». Aussi, il faut en
finir avec des ordonnateurs «juges et parties» qui sous prétexte de ne pas être
convaincus par une entreprise l’écartent même en proposant une offre
moins-disante.
■ Donner du lest aux régions et préserver les
fonds publics
Par ailleurs, les directeurs provinciaux peuvent lancer des marchés publics à
hauteur de 5 millions de DH. Ils élaborent les CPS, annulent ou approuvent les
marchés, les exécutent et les liquident à leur guise. «Etant donné que les
marchés de moins de 5 millions de DH de budget ne sont pas auditables, ces
directeurs échappent à tout contrôle. Ce qui représente une grande lacune au
niveau de l’actuel code des marchés, à corriger dans les plus brefs délais»,
suggère le patron des patrons de Meknès-Ifrane. Pour lui, il faut préserver les
fonds publics avec des textes fiables. En attendant, l’administration doit
sérieusement étudier l’âge des marchés, en cours, exécutés, et liquidés.
«Certains remontent à 2006, leurs cautions ne sont jamais récupérées. Pire, les
agios payés par l’entreprise dépassent la valeur du marché lui-même», déplore
le responsable patronal. Pour y parvenir, la révision du code des marchés
publics doit se faire une fois tous les 4 ans. En outre, la classification des
laboratoires et bureaux d’études qui opèrent avec les communes est obligatoire,
à l’instar de ce qui est fait pour les entreprises. «Ce qui exigera la
sélection de laboratoires qualifiés et des bureaux de contrôles de haut niveau,
autrement à l’embauche d’un personnel (ingénieurs, techniciens…) de qualité»,
conclut Fertahi.
Des
décisions concrètes
Pour réduire les délais de
paiement et améliorer la procédure de paiement des commandes publiques, deux
décisions concrètes ont été prises, en l’occurrence la création par la
trésorerie générale du royaume d’un système électronique de dépôt des factures et
des plaintes dans le cadre de la Gestion intégrée des dépenses (GID) et la
publication de trois décisions communes entre les ministres de l’Intérieur et
de l’économie et des finances sur l’intégration des intérêts de retards dans la
liste des dépenses des collectivités territoriales. Car, «le retard de paiement
représente une menace pour le climat des affaires et les équilibres financiers
des entreprises», estime Khalid Safir. «La transparence des procédures et la
réduction des délais de paiement sont érigées en priorité nationale, afin
d’améliorer le climat des affaires et de réduire les risques qui guettent les
entreprises», reconnaît le wali directeur de la DGCL.