Cette croyance selon laquelle les investissements publics
dans les infrastructures telles que les routes, les autoroutes, est un moteur
indispensable de la croissance économique a toujours fortement influencé la
décision des leaders dans les pays en voie de développement.
Selon des études
faites, ce type de modèle de croissance qui repose sur l’investissement public
est lent et démodé. Certains économistes ont plutôt conseillé de minimiser
l’importance du secteur public, et des infrastructures en donnant la priorité
au capital humain et aux reformes et surtout la bonne gouvernance. Le Sénégal
s’est lancé dans la construction d’infrastructures sous forme de partenariats
public-privé qui n’est autre qu’un mode de financement fait par des
prestataires privés qui en retour gère l’infrastructure. Le montage financier
est fait de sorte que les dépenses ne sont pas comptabilisées dans le budget
car étant des dépenses de fonctionnement au lieu de dépenses d’investissement.
Le paiement se fera soit sous forme de loyer ou des recettes tirées de
l’exploitation de l’infrastructure. Ce mode de financement a certes des
avantages, mais aussi des inconvénients très désastreux.Espace publicitaire : Avez-vous besoin d’une formation ou conseil en marchés publics, veuillez prendre directement contact avec un consultant du Centre des Marchés Publics par téléphone au +212 666 716 600 ou par email
Le partenariat public-privé
au Sénégal
Le Plan Sénégal Émergent du
président Sall est un plan de développement qui a été mis en place pour une
éventuelle émergence à l’horizon 2035. Le montant à travers les partenariats
public-privé représente 15 % du PSE, soit 1574 milliards Francs CFA. Ce mode de
financement verra le jour au Sénégal en 1996 avec la SDE pour l’exploitation de
l’eau potable au Sénégal pour une durée initiale de 10 ans qui a été prorogé à
plusieurs reprises. Dans le secteur ferroviaire, nous verrons la mise sous
concession de la fameuse ligne de Dakar-Bamako qui est géré par Transrail S.A.
L’autoroute Dakar- Diamniadio a aussi était mise sous concession avec le géant
Français Eiffage sous le président Wade avant une nouvelle signature sous le
président Sall pour le prolongement jusqu’à Diass. Dubai Port World est
concessionnaire pour 25 ans du terminal des conteneurs au Port Autonome de
Dakar. L’aéroport international Blaise Diagne était d’abord sous une concession
avec Saudi Binladin Group avant de se retirer en 2016 pour être remplacé par
Suma et Limak en 2016. Le terminal vraquier du Port Autonome de Dakar est sous
une concession avec Necontrans pour 25 ans depuis 2014. Bolloré gère le
terminal routier du Port Autonome de Dakar pour 25 ans depuis 2013. Nous
pouvons aussi citer la construction du Tramway à Dakar, du développement de
corridors céréaliers, des résidences universitaires, le projet de relance sur
le fer-Falémé, l’usine de dessalement de l’eau de mer et Dakar Medical City
entre autres. La liste n’est pas exhaustive, mais pour montrer qu’il y a un
grand manque à gagner dans presque tous les secteurs nous poussant à faire
appel à ce mode de financement. Ayant la possibilité d’alléger les contraintes
budgétaires, ce mode de financement est très utilisé par bons nombres de pays
dans le monde. Ce qu’il faut retenir est que ce mode de financement a plusieurs
insuffisances et peu d’avantages. La facilite de financement pousse les Etats à
faire recours à ce mode de financement, mais c’est un facilité très dangereuse,
car il n’y a pas de concurrence équitable entre les partenariats public-privé
et les procédures traditionnelles. Le plus grand danger est que ce mode de
financement présente toujours une surévaluation des prévisions d’emploi de ces
infrastructures, ce qui à son tour augmente le coût. C’est pour cela au
Sénégal, nous entendons souvent dire que le montant par kilomètre de telle
autoroute est très élevé ou que le tarif du péage est élevé. Au Royaume-Uni par
exemple, près de 700 partenariats public-privé ont été signés pour créer de
nouvelles infrastructures sans donner l’impression qu’ils s’endettaient. Les
PPP ont vu le jour au Royaume-Uni et ils ont renoncé à ce mode de financement
car le jugeant trop cher. Selon le site de Teller report, le remplacement d’un
composant a coûté au total 8 154 £. À l’école voisine, un robinet est revenu à
£ 2 211. Une troisième installation a payé £ 2 024 pour un évier. S’il y a un
surcoût au Royaume-Uni, ne pensez-vous pas qu’il y aura un surcoût au Sénégal ?
Le piège de la séduction
Nous constatons le recours à
des partenariats public-privé pour la construction d’infrastructures dans le
monde et notamment en Afrique. Quand un gouvernement est à court d’argent, ce
mécanisme de financement est devenu de plus en plus populaire. Pour un pays
comme la Chine, l’infrastructure a été un élément clé dans leur développement,
car elle grandissait et elle a finalement été génératrice de revenus pour payer
la dette. Par contre, pour l’Espagne, cela n’a pas été un succès. L’Espagne a
construit des autoroutes que personne n’utilise, des aéroports qui ne sont pas
du tout utilisés. Conséquemment, les recettes fiscales pour rembourser les
dettes n’étaient pas disponibles. La raison principale pour laquelle les
gouvernements font appel à un partenariat public-privé est le manque de
ressources pour la construction d’infrastructures. Par exemple, le Sénégal a
fait appel à ce partenariat public-privé pour la construction de l’autoroute
Ila Touba. Pour un pays comme la Chine, l’infrastructure a été un élément clé
dans leur développement, car elle grandissait et elle a finalement été
génératrice de revenus pour payer la dette. En échange, le Sénégal leur a donné
le droit d’exploiter l’autoroute et d’en tirer des revenus. La question est
alors de savoir si les revenus ne sont pas affichés, qui paie la facture ? Le
gouvernement, bien évidemment, sera responsable de la facture. Il y a eu des
pays en Europe qui avaient recours au partenariat public-privé pour la
construction de chemins de fer ; quand les revenues n’ont pas suivi, ces pays
ont eu du mal à rembourser la dette et ils ont dû renégocier les contrats et
dans certains cas, ils ont simplement fait défaut. En principe, avant de
commencer la construction, une compensation est demandée au départ pour amortir
les risques. Le gouvernement peut par contre de son propre argent ériger une
infrastructure sans se soucier des avantages économiques. Dans le cas de la
construction de l’autoroute Ila Touba, la Chine ne s’est pas souciée de savoir
si elle allait tirer profit de ce projet à cause du grand risque. À titre
d’exemple, nous analyserons le cas du Sri Lanka. Chaque fois que le président
du Sri Lanka demandait aux Chinois de lui prêter de l’argent dans le cadre d’un
ambitieux projet portuaire, la réponse était favorable. Malgré que des études
de faisabilité aient indiqué le non-fonctionnement du port, malgré le refus des
prêteurs fréquent comme l’Inde, malgré la dette galopante du pays, la Chine a
répondu favorablement. Quelques années plus tard, le projet de développement du
port de Hambantota a été un échec comme prévu malgré qu’elle soit sur l’une des
voies de navigation les plus fréquentées au monde. En 2012, le port n’a attiré
qu’une trentaine de navires. Le gouvernement du Sri Lanka a eu du mal à
rembourser la dette contractée. Après des mois de négociations, le gouvernement
a cédé le port avec 15 000 acres de terre à la Chine pour 99 ans. Quand le
Sénégal a fait recours à la Chine pour la construction de son autoroute Ila
Touba, une étude sérieuse n’a pas été faite, car la Chine se fera rembourser
d’une manière ou d’une autre. L’exemple du Sri Lanka nous montre que la Chine
avait ses yeux sur ce port, car elle est à une position stratégique le long
d’une voie navigable commerciale et militaire très cruciale. Cela nous montre
aussi l’utilisation des prêts et aides chinois pour gagner de l’influence dans
le monde entier. Ce que nous devons faire en tant que nation responsable, c’est
nous demander est ce que cet investissement est sensé ou nous en sommes et le
sera-t-il dans les prochaines années à venir ? Il faut dans tous les cas éviter
ce que j’appellerai l’argument de la jalousie, qui est l’argument qui a
commencé la crise immobilière aux Etats Unis. Chacun voulait une maison aussi
belle ou aussi grande que la maison de son ami, parent ou voisin au lieu de se
demander si le besoin était présent.
Certes, il y a des gaps dans
tous les secteurs et les gouvernements font face à une pression pour trouver
des solutions rapides aux problèmes de financement des infrastructures, mais il
ne faut pas s’empresser de signer ces contrats. Ce mode de financement n’est
pas assujetti aux consultations publiques, et les surfacturations pour des
dessous-de-table sont très fréquentes. Il est temps de reprendre notre pays en
recourant au financement public pour réaliser nos investissements. Il nous
suffit de sérieusement changer certaines politiques pour pouvoir le faire. Nous
pouvons diminuer les exonérations fiscales, formaliser le secteur informel et sans
oublier l’éradication de la corruption. En créant des industries et des
emplois, l’Etat peut aussi opter pour un financement direct via l’impôt. Ne
nous tournons toujours pas vers ce mode de financement car il est facile.
Sartre disait que « La facilité, c’est le talent qui se retourne contre nous ».