Plusieurs secteurs marocains en difficulté pointent du
doigt les grands donneurs d'ordre qui accordent les projets d'investissements
marocains aux étrangers. OCP, ONEE, ou encore Masen sont souvent cités parmi
ces donneurs d'ordre. Médias24 a donné la parole à Masen pour s'expliquer sur
ce point:
Le secteur de la métallurgie
(surtout la construction métallique lourde) traverse une mauvaise passe. Trois
de ses fleurons, Delattre Levivier Maroc, Stroc Industrie
et Buzzichelli, connaissent de grosses difficultés. Difficultés
financières, procédure de sauvegarde judiciaire ou même liquidation, c'est le
lot de ces entreprises qui, pourtant, étaient promises à un bel avenir
industriel.
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La cause de ces déboires?
"Depuis une dizaine d’années, les gros donneurs d’ordre nationaux ne font
plus des appels d’offres par lots, mais sont passés au modèle EPC (Engineering
Procurement and Construction ou Ingénierie, approvisionnement et construction).
Le donneur d’ordre recherche un seul contractant qui va lui livrer le projet
clé en main", expliquait à Médias24,Tarik Aitri, nouveau président de
la Fédération des industries métallurgiques, mécaniques et
électromécaniques (FIMME). Selon lui, dans ce cas de figure, ce sont les
entreprises étrangères qui remportent les gros marchés marocains.
Ainsi, la manne financière des
investissements publics ou même privés marcains part à l'étranger au lieu de
profiter au pays et aux entreprises locales qui, aux, mieux récupèrent des
contrats de sous-traitance. Les donneurs d’ordre souvent cités sont OCP,
Masen ou l’ONEE et la liste n’est pas exhaustive.
Médias24 donne la parole à
l'un de ces grands donneurs d'ordres dont les investissements réalisés ou
programmés se chiffrent en dizaines de milliards de DH. C'est le cas de Masen,
l'agence chargée de la mise en œuvre et de l'exécution de la stratégie nationale
des énergies renouvelables avec à la clé plus de 40 milliards de DH
d'investissements.
Le recours aux EPC imposé
par les bailleurs de fonds internationaux
En tant que donneur d'ordre
marocain, on lui reproche de ne pas suffisement intégrer les entreprises
marocaines dans les projets développés ou en développement. Un constat que ne
partage pas Masen.
Sur la question du recours aux
EPC, une source nous explique qu'il ne s'agit pas d'un simple choix fait par
Masen. Les projets portés par l'Agence marocaine sont lourds et recourent à des
technologies que nous n'avons pas au Maroc. Masen est donc obligée de se
tourner vers l'international à la fois pour le financement des projets et pour
chercher les meilleurs partenaires pour atteindre les objectifs de la stratégie
solaire.
Dans ce sens, les bailleurs de
fonds internationaux qui ont financé les projets lancés à ce jour exigent le
recours aux EPC pour s'assurer que les projets se feront dans les délais
impartis. Cela permet aussi à Masen de s'assurer d'avoir l'expertise nécessaire
et adéquate pour mener à bien les projets énergétiques.
Toutefois, "personne ne
peut nier l'existence de problèmes entre les sous-traitants marocains et
certains contractants EPC", nous explique Fatima Zahra El
Khalifa, directrice générale du Cluster solaire, une association à but
non-lucratif créée en 2014 sous l'impulsion de Masen, des fédérations
indutrielles ainsi que d'autres parties prenantes pour contribuer à la création
d'une filière compétitive et d'un écosystème ENR où l'entreprise marocaine a un
important rôle à jouer.
Notre interlocutrice ajoute
que "les contrats signés avec les sous-traitants marocains sont en dehors
du scope du donneur d'ordre". "Mais nous sommes conscients de
cette problèmatique, nous essayons de travailler au sein du cluster pour
améliorer ce volet notamment en mettant en place des contrats-types pour que
l'industriel marocain puisse se protéger au maximum surtout avec des EPC'istes
chinois ou indiens qui imposent dans certains cas aux sous-traitants
marocains des documents en langue étrangère ou des clauses limitatives qu'ils
finissent pas signer".
Un cluster pour
l'intégration industrielle
Les entreprises marocaines qui
rencontrent des difficultés ou des retards de paiement de la part d'un EPC sont
généralement mal protégées par les contrats qu'ils signent.
"Des contrats sur
lesquels le donneur d'ordre n'a aucune marge de manœuvre. Il est, à mon avis,
important de dissocier les problèmes des EPC'istes avec les
sous-traitans qui relèvent du business, et le volet intégration
industrielle", assure notre source.
Le premier est du au manque de
préparation des entreprises. Le second est relatif à la situation d'un secteur
jeune qui se construit toujours.
Mais les deux volets sont
aujourd'hui pris en charge au sein du Cluster solaire avec des solutions
différentes.
En ce qui concerne les
conflits existants entre EPC'istes et sous-traitants, Fatima Zahra El
Khalifa explique "qu'il y a un important travail réalisé en terme
d'assistance et de sensbilisation juridique pour que les entreprises marocaines
ne signent pas n'importe quel contrat et n'acceptent pas de lancer des
prestations avec les contractants en dehors du cadre contractuel".
Elle
ajoute,"le cluster accompagne également les entreprises marocaines
pour améliorer leur compétence et leur qualité dans le domaine des EnR. Nous
les accompagnons dans les formations, les processus de certification, la mise
en relation avec les EPC'istes. Nous établissons une liste des besoins de
Masen et on communique sur certaines disciplines pour lesquels Masen ne trouve
pas de fournisseurs marocains. On intervient également quand il y a un
problème pour en comprendre l'origine, identifier les gaps, et tenter de
trouver des solutions".
Par ailleurs, le Cluster se
charge également du développement de l'industrie locale dans les EnR.
"Nous avons mis en place une plateforme accessible aux développeurs où on
liste toutes les entreprises marocaines par secteur, par référence,... pour
leur dire dès le départ que nous avons les expertises au Maroc, consultez-les
en premier", déclare la directrice générale du Cluster.
Un taux d'intégration de
35% dans les premiers projets de Masen
Notre interlocutrice assure
que pour les premiers projets de Masen le taux d'intégration a été de 35%,
"sachant que c'est une technologie nouvelle pour le Maroc, des projets à
réaliser dans des délais serrés, financés par des bailleurs de fonds
internationaux donc aucune exigence en matière de préférence
nationale".
"Il s'agit d'une courbe
d'apprentissage par laquelle nous sommes obligés de passer car il ne
faut pas oublier que c'est un secteur jeune et que les industriels marocains
sont également dans une phase où ils doivent apprendre, se préparer, investir
dans leur transformation, leur capacité de production,...", ajoute Fatima
Zahra Khalifa.
Cette dernière n'oublie pas de
mentionner que ce secteur, dont le taux d'intégration s'améliore de
projet en projet, "a besoin de soutien comme ont été soutenus
d'autres secteurs comme l'automobile ou l'électronique. Il faut un effort de
tout le monde, chacun à son niveau. Le système bancaire et les organismes
de garantie ont également un grand rôle à jouer; ils doivent soutenir le
secteur, donner des garanties aux PME qui veulent y investir",
insiste-t-elle.