Après l’Algérie, les lobbyistes canadiens du partenariat public-privé étaient, mardi 3 mars 2015, à Rabat pour présenter leur expérience aux pouvoirs publics et opérateurs privés marocains, sur l’invitation de l’ambassade du Canada au Maroc et en Mauritanie. l’Institut pour le Partenariat Public Privé (IPP), un groupement d’entreprises privées, et le cabinet de conseil Fakesen Martineau ont été très bien accueillis par le Maroc.
Espace publicitaire : Avez-vous besoin d’une formation ou conseil en marchés publics, veuillez prendre directement contact avec le consultant du Centre es Marchés Publics par téléphone au +212 666 716 600 ou par emailEn décembre, la loi 86-12 relative aux contrats de partenariats public-privésa été adoptée et le décret d’application déposé la semaine dernière au Secrétariat général du gouvernement.
Les partenariats publics-privés,
au sens strict, constituent l’une des formes de délégation d’une action
publique par l’Etat à un acteur privé. Contrairement à la « délégation de
service public » où le privé gère l’exploitation d’un service public, ou
au « marché public » qui concerne la réalisation d’un
investissement, les PPP consistent pour l’Etat à confier à une entreprise
privée la conception, le financement, la réalisation, l’entretien-maintenance
et l’exploitation d’un service ou une infrastructure publics moyennant le
versement d’un loyer sur fonds publics.
Une dette dont l’Etat ne veut
pas
Les PPP sont souvent présentés
comme incontournables pour les pays en voie de développement qui associent
besoin en infrastructures et contraintes budgétaires. Il ne faut pas s’y
tromper, si ces partenariats sont en apparence une façon de reporter sur le secteur
privé les efforts d’investissement, en réalité, le coût est in fine supporté
par l’Etat. Des entreprises privées supportent certes pour l’Etat une dette
dont il ne veut pas mais elles lui font payer en retour un loyer – qui impacte
directement le budget public - suffisamment important pour s’y retrouver
financièrement.
« Dans un contexte de
difficultés budgétaires, il est tentant pour les décideurs publics d’adopter
une solution de fuite en avant, en misant à tout va sur les PPP, alors que
d’autres alternatives existent. Cette possible déconsolidation de la dette
publique ne peut donc être qu’une solution provisoire, même si elle peut
sembler indolore à court terme », explique dans une tribune Mohamed Khanchi, professeur en économie à
l’Université Internationale de Rabat.
Service de la dette : 61%
du budget 2015
Le Maroc, en tant que pays en
développement, est naturellement tenté par la solution de court terme apportée
par les PPP. La dette publique, entre 2011 et 2015, a augmenté de 84%, de sorte
que le service de la dette représente déjà 61% du budget général de l’Etat en
2015, selon le ministère de l’Economie et des finances. Dans le même temps, les
investissements prévus ne cessent d’augmenter. « Entre 2012 et 2016,
nous aurons des besoins en investissement de 166 milliards de dirhams et en
suivant la tendance actuelle, ce sera 800 milliards de dirhams dont nous aurons
besoin d’ici 2037 », selon Jamal Ramdane, directeur de la stratégie au
ministère de l’Equipement et des Transports.
Pourtant, le Maroc n’aurait-il
pas encore intérêt à emprunter, plutôt qu’à confier l’emprunt à des entreprises
privés, puisqu’il est réputé pour parvenir à emprunter à des taux très
avantageux ? « Les PPP ne se réduisent pas à l’aspect financier.
Nous recourons également, avec ce modèle à l’expertise d’une entreprise privée
pour des ouvrages, des services que l’Etat ne sait pas faire », nous
répond Najat Saher, responsable de la cellule PPP au ministère de l’Economie et
des Finances. « C’est aussi un moyen de lancer plusieurs investissements
majeurs à la fois », assure-t-elle.
Dérapages financiers
En France, la Cour des comptes en
janvier 2015 et le Sénat en juillet 2014 soulignaient les risques inhérents aux
PPP. De nombreux dérapages financiers ont montré qu’ils peuvent s’avérer
beaucoup plus coûteux que prévu, et donc bien moins intéressants qu’un contrat
de type marché publique classique. « Selon la nouvelle loi et le
décret, les PPP doivent donner lieu à des évaluations préalables, une étude
comparative qui détermineront s’ils sont avantageux ou s’ils faut se tourner
vers d’autres mode de contrat », rassure Najat Saher.
« La principale faille
des contrats PPP réside dans l’importance de l’incertitude qui les caractérise,
[…]. En effet, ces contrats sont passés sur des termes très longs (20 à 30 ans)
et sont donc nécessairement incomplets au sens où ils ne peuvent prévoir les évolutions
économiques futures », explique Mohamed Khanchi. Difficile dans ce
cadre d’évaluer les coûts et donc les loyers avec précision.
Incertitude
Cette incertitude s’accroit avec
la taille des contrats. Plus les investissements concernés sont importants,
plus les groupes et consortiums qui seront capable de décrocher le contrat
seront peu nombreux et de grande taille. Le rapport de force qui s’instaure
alors peut rapidement être défavorable à l’Etat.
Le Maroc a conscience de ces
difficultés mais ne remet pas en cause sa volonté de développer les PPP. « Bien
que les PPP peuvent présenter des avantages par rapport au coût, il n’en
demeure pas moins qu’il n’est pas le contrat miracle. La complexité du contrat
sa durée, sa charge budgétaire présentent des risques. Pour atténuer ces
risques, les PPP doivent présenter un besoin réel en infrastructures et doivent
respecter le processus de passation du partenariat », insiste
Najat Saher.
« Pas le contrat
miracle »
Le processus défini par la loi
est long : il exige la mise en place de commissions, des études
comparatives… La rédaction in fine de ces contrats est d’une telle complexité
qu’elle exige une gouvernance démocratique parfaite et bien rodée. Or la
corruption, les conflits d’intérêt ou l’inexpérience des organismes publics en
négociations ont déjà fait des dégâts au Maroc, comme dans tous les pays en
voie de développement.
Les PPP s’imposent donc dans les
pays en développement comme une nécessité, alors que ce sont les moins à même
de les mettre en œuvre. Le Maroc du moins ne permet-il pas encore aux
collectivités territoriales de souscrire ce type de contrat et les réserves aux
ministères nécessairement plus avertis. « On ne dit pas que c’est un
contrat miracle, c’est support parmi d’autres qu’il faut considérer en tant que
tel », conclut Najat Saher.