11/06/2014

Délais de paiement: L’Etat rechute

L’Etat est mauvais payeur. Les délais de paiement sont toujours longs et n’épargnent aucun secteur. Le problème ne porte pas uniquement sur la disponibilité des budgets, mais aussi sur les procédures, sur «l’excès de zèle» des responsables.

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Les audits et contrôles effectués par la Cour des comptes et les dysfonctionnements relevés font que les responsables demandent une paperasse jugée impressionnante. «Chacun interprète la situation à sa façon, ce qui bloque les dossiers. Certains vont jusqu’à  vérifier les points et virgules. Les rejets s’effectuent en cascade et les petites entreprises sont dans une situation difficile», souligne un opérateur. Pour Bouchaib Benhamida, président de la FNBTP, il s’agit d’un problème de culture à mettre en place: «La liquidation des marchés est longue ainsi que leur réception.  On a même l’impression que les maîtres d’ouvrage ne sont pas concernés».
Même les entreprises du secteur agricole sont touchées par le phénomène de délais de paiement. «Depuis début 2013, les délais se sont rallongés. Les entreprises de services sont aujourd’hui dans une situation délicate», note un opérateur sous couvert de l’anonymat. Par crainte de représailles, la majorité des opérateurs contactés ont préféré garder l’anonymat.
Celles qui opèrent dans l’irrigation doivent aujourd’hui attendre plus de 9 mois, voire 12 mois, avant de se faire payer. Une réunion sur ce dossier vient d’ailleurs de se tenir entre le Crédit Agricole, qui joue le rôle d’agent de paiement pour le compte de l’Etat,  et l’Association marocaine de l’irrigation par aspersion et goutte-à-goutte (Amiag).

Pourtant, au lancement du plan Maroc Vert, les délais de décaissement des subventions aux agriculteurs ne dépassaient pas 3 mois et donc les entreprises de services se faisaient également payer dans des délais raisonnables. Car, si les grands exploitants financent les travaux avant de se tourner vers le département de l’Agriculture pour obtenir la subvention, les petits agriculteurs observent d’autres schémas. Dans la majorité des cas, ils se mettent d’accord avec les entreprises de services pour que le paiement n’intervienne qu’une fois la subvention versée par l’Etat. Ils leur accordent ainsi une  délégation de créance. Une pratique acceptée puisque, au départ, les délais de versement des subventions étaient corrects.
En principe, les travaux ne démarrent qu’une fois un PV d’approbation est établi par une commission technique provinciale relevant du ministère de l’Agriculture. Une fois achevé, le dossier est complété par le dépôt des factures de réalisation et la commission technique vérifie l’authenticité des déclarations avant d’accorder son approbation et de réorienter le dossier vers le guichet unique. Ce dernier saisit à son tour le Crédit Agricole pour l’établissement du chèque. «Si le Crédit Agricole ne paie pas à temps, c’est parce que l’Etat ne débloque pas les fonds», affirment des sources proches du dossier.
Le plan Maroc Vert prévoit une batterie de subventions dont celles relatives à l’irrigation et équipement en matériel agricole. A titre d’exemple, 11.000 dirhams sont accordés par hectare équipé pour les petits agriculteurs, soit ceux dont l’exploitation compte une superficie de 5 hectares et moins. Pour les autres, la subvention est de 7.000 dirhams l’hectare. D’ailleurs, la demande en aménagement hydro-agricole encouragé par les aides publiques a été à l’origine de la création d’entreprises spécialisées dans cette activité.
Si les grandes entreprises arrivent à gérer les retards de paiement, les petites structures ont du mal à se financer. «Les PME et TPE sont dans une situation difficile. Entre le discours politique qui se veut rassurant vers ces structures et la réalité du terrain, il existe un gap», accuse un opérateur dans le BTP. Abdelaziz Dahbi, président de l’Association marocaine des routes, reconnaît que «faute de paiement, certaines entreprises arrêtent les travaux».
Le président de la fédération du BTP affirme que ce sont surtout les offices et établissements publics qui sont concernés par ce problème: «Les budgets d’investissement sont votés dans la loi de Finances. Donc ce n’est pas un problème de financement». Pour lui, l’évaluation des maîtres d’ouvrage devrait s’effectuer par rapport aux délais de paiement et à leur capacité à exécuter les budgets d’investissement.
Malade, l’ONEE emporte ses fournisseurs
Avec l’ONEE par exemple, les retards de paiement s’élèvent à 2,3 milliards de dirhams vis-à-vis de 1.422 entreprises nationales et 181 entreprises étrangères. Cet établissement, qui vient de signer son contrat-programme, a réglé récemment certains de ses fournisseurs, mais cela n’a été qu’une goutte d’eau dans l’océan. Un montant jugé peu important. «Sur une facture de plus de 100 millions de dirhams, nous avons reçu 170.000 dirhams. Avec cette entreprise, les délais sont passés de 380 jours à 480 jours», note le patron d’une entreprise du secteur électrique-électronique. D’ailleurs, au sein de ce secteur, la tension est telle que les grandes entreprises ont préféré quitté la fédération de l’électricité-électronique et créer leur propre association. Le délai de paiement serait un des dossiers à l’origine de «ce divorce».
Dans ce secteur, les entreprises ne craignent pas le défaut de paiement de l’ONEE. Ils parlent surtout du manque de visibilité engendré par ces retards. «Entre le moment de livraison du matériel et celui du dépôt de la facture il faut compter un minimum de deux mois. Une fois le PV de réception signé et déposé, c’est l’incertitude. Il faut attendre», affirme un directeur financier. Pour lui, ce sont surtout les petits installateurs qui souffrent puisqu’ils n’arrivent pas à se financer auprès des banques.