22/05/2014

Finances publiques : Les mises en garde de Jettou

Rachid Talbi Alami démarre en trombe. A peine porté à la présidence de la Chambre des représentants, il active, pour la première fois, l’article 148 de la Constitution de 2011 qui stipule que le président de la Cour des comptes présente son rapport devant les deux chambres réunies du Parlement. C’est sa manière de rehausser et d’encadrer le débat politique au sein du Parlement.
Après l’exposé de Driss Jettou, chacun des deux organisera les discussions au sein de sa chambre. En tout cas, le président de la Cour des comptes a joué le jeu et présenté hier un rapport d’une trentaine de pages qui passe au crible la gestion des deniers publics. Cependant, ce qui a attiré l’attention des observateurs et des parlementaires, c’est l’absence du chef du gouvernement. 
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Ce qui n’arrange pas ses affaires: à peine 5 ministres ont fait le déplacement. Abdelilah Benkirane a perdu une occasion en or pour s’imprégner d’un diagnostic sérieux des Finances publiques. Légalement, il n’est pas tenu d’être présent puisque le travail est destiné au Parlement pour constituer une matière première à leur travail de contrôle du gouvernement. Mais il aurait pu encourager cette action qui s’inscrit dans la mise en œuvre de la Constitution.
Par ce rapport, l’ancien Premier ministre Driss Jettou a essayé d’envoyer des messages sur les défaillances dans la gouvernance des finances publiques. D’abord, au niveau de la préparation de la loi de Finances, il y a souvent un déphasage entre les prévisions et les réalisations, sans que le gouvernement ne soit inquiété. Jettou a donné l’exemple du niveau du déficit budgétaire qui a atteint 6% en 2011 alors que la loi de Finances tablait sur 4%. Cela montre l’ampleur de l’imprécision des hypothèses de base. Il met également le doigt sur la faiblesse de l’exécution du budget d’investissement, et donc la lenteur de réalisation des projets programmés. Ce qui implique la hausse des budgets reportés d’une année à l’autre.
Ensuite, la loi de Finances exagère le transfert des crédits et le recours aux charges communes pour alimenter des établissements publics et des comptes spéciaux de crédits non programmés. Ce qui minimise le rôle de la loi de Finances comme outil de prévision et d’autorisation et réduit l’implication du Parlement dans le suivi des réalisations des budgets. D’ailleurs, les lois de règlements ne bénéficient pas du même intérêt que les lois de Finances.
Driss Jettou a également insisté sur les grandes réformes en attente comme celle des retraites, qui représente un danger pour les finances publiques  ou celle de la Caisse de compensation. Toutes les deux avaient fait l’objet de rapports thématiques de la Cour des comptes (cf. www.leconomiste.com).
Le président s’est également attaqué à l’endettement. Aujourd’hui, la dette du Trésor a atteint 554 milliards de DH à fin 2013, soit 62,5% du PIB. Mais la dette publique dans son ensemble a atteint 678 milliards de DH, soit plus de 76% du PIB. Quant aux services de la dette pour la même année, principal et intérêts compris, ils ont atteint 151 milliards de DH, ce qui représente 17% du PIB. Sur ce registre, le président a relevé la faiblesse des mécanismes pour fixer le niveau opportun de l’endettement.  L’absence de dispositions légales pour encadrer l’endettement à moyen et long terme y est pour quelque chose.
Aujourd’hui, il n’y a que la ligne d’autorisation d’endettement à court terme dans la loi de Finances.
Sur la vulnérabilité de la dette publique, l’ancien Premier ministre a soulevé l’absence de cadre de suivi et d’analyse. L’actuel dispositif ne prend pas en compte les passifs explicites et implicites. La situation s’assombrit  dans un contexte marqué par la hausse du déficit budgétaire, la dégradation de la situation de la balance commerciale… Le recours à l’endettement intérieur a connu une progression soutenue, passant de 37,5% en 2007 à 47,9% du PIB en 2013. Ce qui a contribué à la pression sur les liquidités bancaires et la progression du niveau du taux d’intérêt.


4,5 milliards de DH d’amendes non recouvrées
Le président a également abordé le recouvrement très faible des recettes de l’Etat. Il en ressort que plus de 95% des amendes ne sont pas pris en charge par les tribunaux. Ce qui se traduit par leur désuétude. Pour les amendes prises en charge, le recouvrement a concerné à peine le tiers de ces montants. Globalement, le montant des amendes non recouvrées par le ministère de la Justice ont atteint 4,5 milliards de DH à fin 2013.