29/05/2014

Finances publiques : Les défaillances sectorielles pointées

Pour sa première présentation du rapport d’activité de la Cour des comptes devant les deux chambres du Parlement, Driss Jettou a mis l’accent sur les dysfonctionnements qui marquent les différents secteurs ayant fait l’objet de contrôle de cette instance. A commencer par l’Education, qui «connaît une série de difficultés», comme l’a rappelé le premier président de la Cour des comptes.
Il a levé le voile sur des défaillances ayant marqué certains projets relatifs à ce secteur. C’est le cas notamment pour la construction d’une résidence pour les étudiants ingénieurs de l’Ecole nationale des industries minières, où «les montants versés dépassent la valeur des travaux réalisés». Idem pour la faculté polytechnique de Taza, dont la réalisation «n’est pas conforme aux normes, dans la mesure où le bâtiment connaît plusieurs fissures qui menacent la sécurité des usagers», a-t-il indiqué. C’est pour cela que la Cour des comptes a recommandé de réaliser une expertise pour déterminer les mesures à prendre. Les reproches de la Cour des comptes s’étendent également au secteur de la Santé, qui a fait l’objet d’une mission de contrôle en 2012. En effet, Driss Jettou a déploré «l’absence d’une politique du médicament, qui se traduit par des défaillances au niveau des autorisations, du stockage et de la détermination des prix». Par exemple, il a souligné que «la procédure de définition des prix des médicaments opte pour un pourcentage unifié quel que soit le prix, contrairement à ce qui est pratiqué au niveau international, où la part de gain diminue en fonction de la cherté du produit. Ce qui se traduit par une augmentation des gains des distributeurs et des pharmaciens». Néanmoins, il a salué l’initiative du gouvernement de baisser les prix des médicaments. Le président de la Cour des comptes a également critiqué la gestion de l’approvisionnement des établissements de santé. Il a noté que «les établissements hospitaliers ont tendance à surestimer leurs besoins en médicaments. Ce qui se traduit par une accumulation des stocks, conduisant à la fin de leur validité». D’autant plus que «les dépôts publics ne sont pas conformes aux normes de stockage», est-il indiqué. C’est pour cela que Jettou a appelé à «la révision de la procédure d’approvisionnement en permettant aux établissements de santé de prendre en charge la gestion de ce dossier, à travers des marchés-cadres». Pire, le président de la Cour des comptes a fait savoir que «l’unité industrielle de fabrication des médicaments, réalisée en 1993, avec un montant de 13 millions de dollars, dont 6 millions sous forme de prêt de la Banque mondiale, s’est transformée en décharge pour les médicaments périmés». Jettou a insisté sur la faiblesse de la planification au niveau du secteur. Par exemple, le programme d’achat des vaccins de pneumocoque et de rotavirus, effectué en 2010, n’était pas prévu par le budget du ministère de la Santé. Ce qui a contraint ce département à transférer des crédits d’autres chapitres de ce budget, s’élevant à 640 millions de DH, pour effectuer cette transaction. Pire, Jettou a pointé «l’ambiguïté entourant les engagements financiers concernant ces deux marchés, surtout au niveau du volet de l’assistance technique».
L’intervention de Driss Jettou a aussi mis l’accent sur les activités des Cours régionales des comptes au niveau local. En 2012, ces antennes de la Cour des comptes ont réalisé 96 missions de contrôle contre 57 en 2011. Globalement, il en ressort «une faiblesse de la vision stratégique et de la planification pour une grande partie des collectivités locales». Jettou a déploré «l’absence d’une administration efficace permettant aux collectivités locales d’assurer leurs missions». D’où «la nécessité de mettre en place des mécanismes de formation et de mobilisation des ressources humaines, dont le nombre s’élève à 150.000 fonctionnaires, qui coûtent à l’Etat plus de 10 milliards de DH», est-il indiqué. Ces collectivités locales restent encore dépendantes des transferts de l’Etat, qui ont atteint 17,8 milliards de DH en 2012, contre 11 milliards de DH de recettes propres. Cette faiblesse des recettes locales est due aux problèmes de perception des taxes, qui ne dépasse pas 50%. Le reste à recouvrer s’est élevé à 10 milliards de DH en 2012.


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Les sociétés de gestion déléguée ne sont pas en reste. Celles-ci «ont souvent failli à leurs engagement, notamment en termes de réalisation des objectifs contractualisés et de mise en œuvre des investissements», a souligné Jettou. Pire, celui-ci a fait savoir que «ces sociétés présentent parfois des données comptables imprécises, incluant des dépenses non justifiées, et des surestimations de la valeur des investissements, en plus de la perception de recettes non dues». Ce qui se traduit par «la réalisation de bénéfices non méritées», a-t-il ajouté.

20% des responsables n’ont pas déclaré leur patrimoine
Depuis l’entrée en vigueur de l’obligation de déclaration du patrimoine, la Cour des comptes a reçu près de 16.000 documents dans ce sens, en plus de 82.000 au niveau des antennes régionales. Néanmoins, «près de 20% des responsables assujettis à cette obligations ne se sont pas conformés à la réglementation», a indiqué Driss Jettou. Celui-ci a estimé que le nombre global des déclarations soumises à la Cour, soit 100.000 documents, complique la tâche de leur contrôle minutieux. Il a mis l’accent sur l’expérience d’autres pays comme la France ou l’Espagne où ces déclarations ne dépassent pas les 7.000.