06/03/2014

Blues chez les experts-comptables

C’est sans enthousiasme débordant que les experts-comptables ont élu, hier mardi 4 mars, les membres des instances de l’Ordre. Pour le conseil national et les deux conseils régionaux, Rabat et Nord, et Casablanca et Sud.
Les résultats étaient attendus tard dans la soirée. Le scrutin se fait par liste, chacune regroupant des candidats qui partagent plus ou moins la même plateforme. S’il n’y a pas de personnalité qui émerge pour succéder à Mohamed Hdid à la présidence de l’Ordre, quelques noms circulent dans la profession : Fayçal Mekouar, ancien président du Conseil régional de Casablanca et Sud et associé Fidaroc, Zakaria Fahim et Samir Agoumi, qui siégeaient au conseil national sortant.
La lutte contre le «dumping» sur la clientèle du secteur public a été l’un des thèmes qui ont animé la campagne électorale. L’existence d’un barème d’honoraires depuis 2003 (à ne pas confondre avec une grille tarifaire) n’a pas empêché à la profession de se livrer une guerre sans merci dans les marchés publics. Les cabinets sont pris au piège d’une doctrine qui consiste à sélectionner les prestataires sur la base du seul critère des prix.
La surenchère tarifaire n’est pas sans risque car «elle donne à s’interroger sur la qualité des prestations fournies», observe un praticien. Le contrôle qualité adoptée par la profession ne serait pas une digue suffisante pour contrer cette guerre des prix. Mais il a le mérite d’exister et dès qu’il y a un soupçon, voire des preuves sur un cabinet, celui-ci fait systématiquement l’objet d’un contrôle qualité, confie Mohamed Hdid, président sortant du Conseil national de l’Ordre des experts-comptables. Cette guérilla sur les prix a pour conséquence de fragiliser encore plus les petits cabinets, voire de leur fermer ce marché. Sur le banc des accusés, les grands réseaux mondiaux d’audit, auxquels il est reproché de «profiter de leur taille pour écraser les petits, quitte à casser les prix sur le marché», fulmine un expert-comptable. Mais dans la profession, on reconnaît volontiers qu’il n’y a pas de solution miracle à ce problème. «La réponse viendra de l’attitude et de l’éthique de professionnels d’abord», analyse le président sortant de l’Ordre. Une pluie de critiques tombe sur l’action de l’équipe sortante accusée «de n’avoir pas fait évoluer la profession».
Certaines plateformes électorales ont également défendu la mise en œuvre de la rotation des cabinets pour les missions d’audit dans les établissements publics en instituant l’impossibilité de renouveler un mandat. Plusieurs praticiens estiment inapplicable cette idée, quand elle ne fait pas tout simplement l’objet d’une certaine moquerie.
La rotation des mandats de commissariat aux comptes est déjà régie par une circulaire, mais en réalité, elle n’a pas changé la configuration du marché. Par ailleurs, ce n’est pas dans ce marché que se situe le business des experts-comptables. Au moins 2 professionnels sur 3 n’exercent aucun mandat de commissaire aux comptes. C’est une situation qui entraîne forcément “une surcharge de travail”. Le conseil fiscal et la révision comptable sont le véritable gagne-pain des praticiens.


Bruxelles pose des verrous
La principale réforme que la Commission européenne a lancée la réglementation du barème des honoraires. Ainsi dans la prochaine directive sur l’audit, il serait prévu de limiter la proportion des honoraires qu’un cabinet peut recevoir d’un seul client par rapport à l’ensemble de ses revenus d’audit. La loi du plus fort est toujours gagnante et le marché dans le secteur ne fait pas exception. Une poignée de cabinets d’audit incontournables semblent être une assurance de performance.
Bruxelles envisage d’établir des audits conjoint/consortiums d’audit pour certaines activités. Seules les compagnies cotées en Bourse ont la nécessité de faire certifier leurs comptes par deux commissaires indépendants. Cette mesure devrait s’étendre aux sociétés de taille moyenne pour devenir des acteurs de poids. La commission envisage d’introduire la formation obligatoire d’un consortium de cabinets d’audit comptant au moins une société d’audit n’ayant pas une importance systémique pour les audits des grandes entreprises. La notion d’audit conjoint pourrait aussi constituer un moyen d’éviter les turbulences sur le marché de l’audit si l’un des grands réseaux d’audit faisait faillite.