20/02/2014

Corruption : le rapport accablant du Conseil de l’Europe

Après le bonnet d’âne de Transparency International, un nouveau rapport   sonne le tocsin sur l’état de la corruption au Maroc. Le Conseil de l’Europe vient en effet de passer au peigne fin le cadre légal et institutionnel anti-corruption du Maroc.
Le diagnostic a été réalisé dans le cadre du programme «Renforcer la réforme démocratique dans les pays du voisinage méridional», qui a pour objectif la «Promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent» au Maroc. Les résultats, qui seront présentés aujourd’hui, sont loin d’être reluisants. «En dehors de quelques initiatives internes dans certaines institutions publiques, il n’y a pas à ce jour une politique nationale de lutte contre la corruption, basée sur une stratégie à moyen et long termes, avec des objectifs et des moyens humains, financiers et logistiques clairement définis», annoncent  les rédacteurs du rapport, dont les recommandations devraient être considérées comme une contribution au processus de réformes en cours contre la corruption.

Un mal enraciné
Le document décrit et analyse ces mesures et formule des recommandations sur la manière dont certains aspects du système anti-corruption du Maroc pourraient être améliorés et renforcés. Ainsi, les experts de l’institution européenne reconnaissent que le Maroc a entrepris des mesures anti-corruption sur le plan législatif et institutionnel.   Selon eux,   l’ampleur du phénomène de la corruption est difficile à évaluer au Maroc, en raison  du manque de données statistiques fiables et cohérentes. L’opinion publique estime, aussi, que la corruption est un phénomène inquiétant, qui affecte les activités de certaines institutions publiques et représente une menace pour le développement socio-économique. «À part quelques secteurs, il n’y pas assez de mesures et d'instrument  capables d'effectuer des contrôles préventifs et une analyse périodique des risques de corruption, au moins pour les secteurs les plus vulnérables», tranchent les experts du Conseil de l’Europe.   «La coopération et la coordination limitées des différentes autorités chargées de la détection, des enquêtes et des poursuites des infractions de corruption et l'absence d'une approche proactive dans les enquêtes sur les infractions de corruption semblent sont des principaux obstacles liés à l'efficacité des efforts et l’une des raisons principales qui explique le nombre très faible de condamnations pour corruption», ajoutent les expertS.

Recommandations
Suite à ce constat, le Conseil de l’Europe invite les autorités du Maroc à s'engager activement dans la prévention de la corruption. Ainsi, «une approche plus intégrée de prévention et lutte contre la corruption en vue de l’appliquer à l'ensemble du secteur public en engageant tous les acteurs respectifs s’avère nécessaire en s’appuyant sur un plan d’action et des mécanismes de suivi effectifs». A cet égard, les autorités du royaume sont invitées à veiller à  la mise en œuvre et au suivi adéquat et efficace du cadre stratégique de lutte contre la corruption. En plus, il convient d’encourager d’avantage la participation de la société civile dans les processus décisionnels de l’administration en général ainsi que dans les efforts pour la prévention et la lutte contre la corruption et l’amélioration de la transparence des institutions publiques. Par ailleurs, si la législation criminalise déjà différentes formes de corruption, le droit marocain ne réglemente pas exclusivement la responsabilité des personnes morales en cas de corruption ou de blanchiment lié à la corruption. Les rédacteurs s’étonnent du fait qu’il n’y a pas de législation relative à la prévention du conflit d’intérêts !  Enfin, les experts du Conseil estiment que les autorités marocaines devraient appliquer les exigences constitutionnelles et mettre en œuvre la disposition de l’article 36 de la Constitution en adoptant la loi organisant l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption.



Une stratégie ciblée
Le diagnostic du cadre institutionnel et législatif a été lancé en 2012 suite à une demande des autorités marocaines. L’objectif de cet exercice est non seulement d’évaluer la conformité du cadre actuel avec les standards internationaux de lutte contre la corruption, en particulier les standards du Conseil de l’Europe, mais aussi de contribuer au renforcement des capacités institutionnelles et de suggérer des réformes du cadre réglementaire de la lutte contre la corruption. Cette action a été mise en place sur la base de méthodologies établies et développées par le Groupe des Etats contre la corruption (GRECO). Il s’appuie sur une évaluation par les pairs réalisée par des experts chevronnés issus d’administrations publiques européennes représentant la diversité des Etats-Membres du Conseil de l’Europe. Cette évaluation a été adaptée afin de prendre compte des besoins spécifiques nationaux visant à dégager priorités et risques et favoriser l’appropriation des résultats.

Les «suggestions» pour rectifier le tir
Justice
le chemin long de l’indépendance


Compétences étendues pour le conseil
La mise en place le plus vite possible des objectifs de la Charte concernant l’indépendance du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) est une nécessité prioritaire afin d’asseoir les bases de l’indépendance de la justice. Pour ce faire, la future législation devra prévoir des compétences étendues du CSPJ en matière de recrutement, de nomination, de promotion, d’affectation, de mutation et de discipline des magistrats en dehors de toute interférence du pouvoir exécutif ou législatif. Il est aussi très important que le CSPJ assure la publication des comptes rendus de ses réunions ainsi que de toutes ses décisions. 

«Conflits d’intérêts ? Connais pas !»
En raison de l’absence de législation relative à la prévention du conflit d’intérêts, la notion de conflit d’intérêts en tant que tel et ses typologies ne sont pas définies; des règles claires sur la gestion des conflits d’intérêts, sur des mécanismes de prévention et résolution de tels conflits, y compris des sanctions pour les cas de non-respect font défaut. Les autorités devraient également introduire des règles claires afin de prévenir des conflits d’intérêts pour les situations dans lesquelles des magistrats rejoignent le secteur privé (pantouflage).

Déclaration de patrimoine, système inefficace
Le système existant de la déclaration de patrimoine apparaît inefficace et très formel, et le nombre de personnes assujetties à l’obligation de déclaration est important. En raison des difficultés de mise en œuvre des exigences légales relativement récentes en la matière, il apparaît nécessaire que les autorités se mettent, sans trop tarder, à procéder à l’évaluation de l’efficacité du système actuel de déclaration de patrimoine et à envisager l’augmentation du champ des contrôles approfondis par échange d’information avec d’autres administrations. En outre, il convient de clairement définir dans les textes l’autorité responsable du suivi des déclarations de patrimoine des magistrats.

Police et gendarmerie royale
Besoin de  garde-fous

Réglementation  des avantages

De nombreux avantages qui existent dans les services de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), la Gendarmerie royale (GR) ou les douanes ne sont pas soumis à la transparence requise. À cet égard, les policiers, gendarmes et douaniers doivent bénéficier d’avantages qui soient réglementés, valorisés et faisant l’objet d’une publication officielle.

Nécessité d’un code éthique
En dehors des douanes, l’absence de code d’éthique dans les forces de l’ordre implique la nécessité de formaliser, d’adopter et de diffuser un code d’éthique à l’ensemble des forces de l’ordre avec une pédagogie appropriée. Par ailleurs, l’insuffisance des règles déontologiques existantes rend nécessaire le besoin de compléter le statut de la fonction de police par des normes déontologiques selon les standards internationaux en la matière.

Faciliter le signalement
S’agissant du signalement des infractions de corruption directement au ministère public, du fait de la non-application de l’obligation générale de l’article 42 du Code de procédure pénale (CPP), il convient de rappeler à toutes les autorités concernées l’existence de l’article 42 CPP et son application à tout fonctionnaire, sans qu’il ait l’obligation de passer par la voie hiérarchique pour avertir le procureur du Roi ou le procureur général du Roi.


Administration  publique
la  modernisation espérée

Évaluation des politiques

L’évaluation de l’efficacité des mesures mises en œuvre en matière de prévention de la corruption dans la fonction publique, laquelle devrait permettre de mieux cibler les mesures pertinentes à prendre, est de mise en présence de divers plans d’action, chartes, projets existants, mais sans toujours être concrétisés ni évalués.

Exit le secret professionnel
Afin d’améliorer la transparence dans la fonction publique, il y a lieu de revoir les termes de l’article 18 du Statut général de la fonction publique (l’obligation de discrétion professionnelle) et d’en extraire la notion de secret professionnel susceptible de poursuites pénales pour la plupart des fonctionnaires.

Réglementer l’accès à l’info

La nouvelle Constitution de 2011 a introduit pour la première fois une garantie du droit d’accès à l’information détenue par des organes publics. Un projet de loi relatif au droit d’accès à l’information devrait être adopté dès que possible.

Réforme de l’Inspection générale
Les pouvoirs et les moyens d’investigation de l’Inspection générale des finances ne sont pas tout à fait adéquats dans l'optique de mener des contrôles efficaces, notamment parce que celle-ci ne peut pas interroger directement et rendre visite à des tiers fournisseurs ou clients des services publics. En outre, le nombre d’inspecteurs affectés aux contrôles sur place est insuffisant, ce qui limite le nombre et la périodicité des contrôles sur place.


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Partis politiques
clarifier les règles  du jeu
 

Les parlementaires, peu coopératifs!
L’équipe d’évaluation regrette de ne pas avoir obtenu à temps les éléments d’information nécessaires pour effectuer son évaluation (réponse au questionnaire au-delà du délai imparti et impossibilité de rencontrer les acteurs concernés lors de la visite sur place), à l’instar des autres institutions reprises dans ce rapport. L’équipe d’évaluation se contente donc de rappeler les standards que le Conseil de l’Europe a promulgués et invite le Parlement à s’y conformer.

Financement, durcir le contrôle
Les textes et mesures d’accompagnement prévus et nécessaires à la mise en œuvre d’un contrôle interne par les partis politiques (logiciel comptable, programmes de formations, etc.) ne sont pas en place et devront être élaborés. Le rôle de l’expert-comptable qui certifie les comptes mérite des précisions nécessaires.

Communication financière pour les partis

Des mesures doivent être prises afin de prévoir la publication des comptes des partis et des rapports détaillés de la Cour des comptes (actuellement, seule une synthèse est publiée) et inciter les partis politiques, dès lors qu’ils doivent disposer, de par la loi, d’une commission chargée du contrôle des finances du parti à communiquer eux-mêmes sur ces questions. Un système centralisé d’enregistrement et de suivi des infractions en matière de financement de la vie politique (financement des partis et des élections) devra être mis en place.

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