02/06/2013

Marchés publics : encore un tir contre la corruption


Les marchés publics sont toujours exposés à la corruption. L’Instance centrale de prévention de la corruption et Transparency Maroc sont revenues à la charge pour dénoncer cette pratique qui «ruine la concurrence des entreprises et ternit l’image du Maroc». C’était à l’occasion d’une conférence sur «les liens entre les ententes anticoncurrentielles et la corruption dans les marchés publics», organisée en fin de semaine dernière à l’Université internationale de Rabat (UIR).
La passation des marchés publics a fait sortir le secrétaire général de Transparency Maroc de ses gonds. «C’est un domaine où la corruption prospère. Le processus d’adjudication est semé d’embûches pour les entreprises qui participent aux appels d’offres», a lancé Abdessamad Saddouq. D’ailleurs, ne faut-il pas rappeler que le Conseil de la concurrence avait également tiré la sonnette d’alarme en relevant dans une étude que le clientélisme reste monnaie courante pour décrocher un marché. Selon lui, les dysfonctionnements du Code des marchés publics favorisent la pratique des pots-de-vin. «Le texte est extrêmement procédurier et plein de détails inutiles, ce qui contraint les entreprises à corrompre les fonctionnaires», a-t-il dit. Par ailleurs, les intervenants ont déploré le fait que le Code des marchés publics accorde à l’Administration le pouvoir d’élaborer les cahiers des charges. Ils ont estimé que ce pouvoir discrétionnaire devrait être encadré pour limiter les actes de corruption. Pis encore, «le décret relatif aux marchés publics qui a été publié en mars dernier au Bulletin officiel ne répond pas à la question liée aux voies de recours», a déploré Saddouq. Pour lui, même le projet de décret relatif à la Commission nationale de la commande publique ne résout pas cette problématique. Non seulement la Commission demeure rattachée au Secrétariat général du gouvernement, mais son rôle est uniquement consultatif. «Il faut prévoir une instance de gouvernance et d’arbitrage indépendante pouvant prononcer des sanctions à l’encontre des contrevenants», a dit Saddouq. Pour le moment, la Commission ne peut sanctionner que les auteurs de fausses réclamations en les excluant temporairement ou définitivement de la participation aux marchés publics.
Au-delà de la corruption dans la commande publique, l’utilité des projets de ces marchés a également été pointée du doigt. «L’Etat a lancé des projets non pas parce qu’ils sont utiles ou rentables mais seulement pour mobiliser des budgets», a dit Saddouq. Un avis que partage Arianne Lambert Magisliansky, directrice de la chaire Economie de la transparence et de l’Intégrité de l’Ecole de l’économie de Paris, qui a ajouté que les Etats ont souvent une préférence pour ce type de projets car ils servent à quelques-uns. 
En plus de prévoir une instance indépendante qui sera chargée de veiller au bon fonctionnement concurrentiel, les intervenants ont estimé nécessaire d’installer un système judiciaire qui ne soit pas corruptible. Un clin d’œil à la Haute instance du dialogue national sur la réforme de la Justice qui devrait donc prévoir les sanctions nécessaires pour éliminer les corrompus du secteur.

Formation sur les règles de transparence
A l’issue de la conférence sur la corruption dans les marchés publics, une convention a été signée entre l’UIR, l’ICPC et l’Ecole supérieure de Paris pour dispenser au sein de l’Université une formation sur les règles de transparence, la lutte contre la corruption et la reddition des comptes. Car, «la lutte contre la corruption, c’est également former des capacités en matière de gestion transparente et de bonne gouvernance», estime Abdeslam Aboudrar, président de l’ICPC.