Les marchés publics sont toujours exposés à la corruption.
L’Instance centrale de prévention de la corruption et Transparency Maroc sont
revenues à la charge pour dénoncer cette pratique qui «ruine la concurrence des
entreprises et ternit l’image du Maroc». C’était à l’occasion d’une conférence
sur «les liens entre les ententes anticoncurrentielles et la corruption dans
les marchés publics», organisée en fin de semaine dernière à l’Université
internationale de Rabat (UIR).
La passation des
marchés publics a fait sortir le secrétaire général de Transparency Maroc de
ses gonds. «C’est un domaine où la corruption prospère. Le processus
d’adjudication est semé d’embûches pour les entreprises qui participent aux
appels d’offres», a lancé Abdessamad Saddouq. D’ailleurs, ne faut-il pas
rappeler que le Conseil de la concurrence avait également tiré la sonnette
d’alarme en relevant dans une étude que le clientélisme reste monnaie courante
pour décrocher un marché. Selon lui, les dysfonctionnements du Code des marchés
publics favorisent la pratique des pots-de-vin. «Le texte est extrêmement
procédurier et plein de détails inutiles, ce qui contraint les entreprises à
corrompre les fonctionnaires», a-t-il dit. Par ailleurs, les intervenants ont
déploré le fait que le Code des marchés publics accorde à l’Administration le
pouvoir d’élaborer les cahiers des charges. Ils ont estimé que ce pouvoir
discrétionnaire devrait être encadré pour limiter les actes de corruption. Pis
encore, «le décret relatif aux marchés publics qui a été publié en mars dernier
au Bulletin officiel ne répond pas à la question liée aux voies de recours», a
déploré Saddouq. Pour lui, même le projet de décret relatif à la Commission
nationale de la commande publique ne résout pas cette problématique. Non
seulement la Commission demeure rattachée au Secrétariat général du
gouvernement, mais son rôle est uniquement consultatif. «Il faut prévoir une
instance de gouvernance et d’arbitrage indépendante pouvant prononcer des sanctions
à l’encontre des contrevenants», a dit Saddouq. Pour le moment, la Commission
ne peut sanctionner que les auteurs de fausses réclamations en les excluant
temporairement ou définitivement de la participation aux marchés publics.
Au-delà de la
corruption dans la commande publique, l’utilité des projets de ces marchés a
également été pointée du doigt. «L’Etat a lancé des projets non pas parce
qu’ils sont utiles ou rentables mais seulement pour mobiliser des budgets», a
dit Saddouq. Un avis que partage Arianne Lambert Magisliansky, directrice de la
chaire Economie de la transparence et de l’Intégrité de l’Ecole de l’économie
de Paris, qui a ajouté que les Etats ont souvent une préférence pour ce type de
projets car ils servent à quelques-uns.
En plus de prévoir
une instance indépendante qui sera chargée de veiller au bon fonctionnement
concurrentiel, les intervenants ont estimé nécessaire d’installer un système
judiciaire qui ne soit pas corruptible. Un clin d’œil à la Haute instance du
dialogue national sur la réforme de la Justice qui devrait donc prévoir les
sanctions nécessaires pour éliminer les corrompus du secteur.
Formation sur les règles de transparence
A l’issue de la conférence sur la corruption dans les
marchés publics, une convention a été signée entre l’UIR, l’ICPC et l’Ecole
supérieure de Paris pour dispenser au sein de l’Université une formation sur
les règles de transparence, la lutte contre la corruption et la reddition des
comptes. Car, «la lutte contre la corruption, c’est également former des
capacités en matière de gestion transparente et de bonne gouvernance», estime
Abdeslam Aboudrar, président de l’ICPC.