06/09/2012

La commande publique : les entreprises locales ont du mal à s’y mettre

Avec près de 24% du PIB et une moyenne d’évolution de 30% par an au cours des dernières années, la commande publique peut constituer un véritable levier de développement économique et social. C’est la principale conclusion du dernier rapport du Conseil économique et social, discuté lors de sa 18e session ordinaire, tenue jeudi dernier à Rabat.

Pour l’instant, l’évolution considérable de la commande publique ne profite pas aux opérateurs économiques nationaux. Bien au contraire, «elle a contribué aux déséquilibres de la balance commerciale et n’a pas généré un effet d’entraînement conséquent sur l’économie nationale», souligne ce document. Cela est dû à «une forte augmentation du volume d’importation réalisé par les acheteurs publics», est-il noté. Les opérateurs locaux, il est vrai, font part de grandes difficultés à décrocher des appels d’offres publics. En effet, une enquête réalisée sur un échantillon de 400 entreprises conforte ce constat. Les résultats sont significatifs: seulement 10% de ces entreprises participent de manière régulière aux marchés publics, 54% jugent que les procédures sont complexes et coûteuses, et plus de 60% considèrent que les versements illicites sont fréquents dans ce domaine. C’est pour en finir avec cet état des lieux et favoriser une meilleure intégration du tissu économique locale dans la dynamique initiée par la croissance du volume de la commande publique que le Conseil de Chakib Benmoussa a proposé de se pencher sur ce sujet.
Le rapport élaboré propose deux principaux axes de réforme. Néanmoins, les membres du CES ont tenu à préciser «qu’il ne s’agit pas de proposer une énième version du décret des marchés publics. Le Conseil a plutôt souhaité proposer une réponse collective et innovante à même d’apporter une rupture dans la démarche et dans les résultats». Surtout que «les réformes menées jusque-là se sont focalisées principalement sur les modalités de passation des marchés et sur le contrôle, sans pour autant atteindre les objectifs d’efficience, de transparence, de simplification des procédures et de facilitation de l’accès des PME aux marchés».
Le rapport du CES recommande de se pencher d’abord sur la réglementation relative à ce domaine. Il s’agit notamment de codifier les textes régissant la commande publique, dans un objectif d’harmonisation, de clarification et de simplification du dispositif en vigueur. Parallèlement, il est impératif d’assurer une concurrence loyale, via une égalité d’accès à l’information, et une garantie du recours contre les clauses discriminatoires injustifiées. Pour les membres du CES, «la décision finale doit être motivée et rendue publique par le maître d’ouvrage, qui est appelé à abandonner la confidentialité de son estimation». La transparence et la traçabilité des procédures et des décisions sont également mises en relief. Cela devra passer par un plus grand recours aux technologies de l’information et une révision du mode de contrôle. Ce dernier prendra en compte les résultats obtenus, mais aussi les moyens engagés comparés à ceux prévus, ainsi que le bien fondé du choix du maître d’ouvrage. Au niveau du règlement des conflits entre les deux parties, il est recommandé de mettre en place une instance de recours paritaire et indépendante bénéficiant d’un pouvoir décisionnaire exécutoire.

La compensation industrielle

Le rapport énumère également les mesures à prendre pour optimiser l’implication des opérateurs économiques nationaux dans les marchés publics. En tête, la création d’une structure chargée de la politique de la commande publique, qui assurera aussi la formation et l’appui des acheteurs. Pour certains secteurs, il est opportun «d’instaurer l’obligation de la compensation industrielle, à travers l’achat des produits et services locaux, et l’investissement direct ou le transfert de technologies». Ce qui permettrait d’intégrer les entreprises nationales même dans les marchés remportés par des opérateurs internationaux. De plus, les experts du CES appellent à «créer des conditions pour une plus forte participation des PME aux marchés publics». Mieux, même les coopératives peuvent être associées à certaines catégories de commandes publiques, estiment-ils.