Lors de son dernier rapport, le Conseil économique et
social (CES) fait état d’une importante croissance de la commande publique sur
les dix dernières années (voir encadré). Cette croissance n’a toutefois profité
qu’à certains secteurs clés, laissant d’autres dans un marasme accentué par le
retard de la Loi de finances de 2012.
Le marché des équipements informatiques fait partie de
ceux-là. Selon les professionnels du secteur, l’année 2012 a été
exceptionnellement mauvaise et caractérisée par un premier semestre blanc suite
à la restriction des budgets opérée par l’administration. Cette baisse a
commencé à se faire sentir à partir du mois d’avril. «Il est vrai qu’en termes
de consultation, la cadence a augmenté mais en terme de concrétisation,
beaucoup d’appels d’offres n’ont pas été menés jusqu’au bout. Surtout avec le
gel de certains projets et le retardement des paiements sur d’autres», déclare
Anas Benjelloun, directeur marketing chez Disway. En plus de cela, l’Etat
s’équipe moins en nouvelles technologies. Dans l’absence de données chiffrées
sur le secteur, certains professionnels parlent d’une régression de l’ordre de
12% à 14% en comparaison avec les années précédentes.
Une révision de la procédure de passation de
marché est nécessaire
Déjà sujette à des critiques, la passation des marchés
publics est encore plus pointée du doigt lorsqu’il s’agit d’un secteur aussi
versatile et sophistiqué que celui des NTIC. Par exemple, la définition des
cahiers des charges ne prend pas en considération les réalités du secteur. «Le
secteur de l’informatique est sensible car il connaît des évolutions rapides
avec des systèmes de plus en plus complexes. La législation des marchés des
systèmes d’information doit donc être très spécifique. Or le marché public ne
tient pas compte de la qualité du service et de l’étude réalisée par les
sociétés qui soumissionnent à l’appel d’offres», déplore Kamil Benjelloun, PDG
de CBI, société spécialisée en infrastructures informatiques et intégration des
systèmes. Ces sociétés engagent pour leur grande majorité des compétences à
très forte valeur ajoutée sans oublier les efforts de certifications pour la
conformité à des normes en perpétuel changement coûteuses en temps et argent.
De l’autre côté, l’administration continue toujours de commander du matériel
(ordinateurs, serveurs) qui s’entassent plutôt que de commander des
fonctionnalités et des solutions métiers orientées usagers. Un faux calcul est
fait, privilégiant «le capital cost à l’operating cost», alors qu’à terme ce
dernier est beaucoup plus avantageux. «La commande publique en TIC ne relève
pas d’une approche stratégique. Chaque organisme réfléchit par rapport à son
propre périmètre dans l’absence d’une vision globale et cohérente», explique
Bachir Rachdi, rapporteur de la commission du CES pour les affaires
économiques. «La question à se poser n’est donc plus de savoir de quel matériel
a besoin l’administration mais plutôt vers quel service doit-elle se tourner
pour répondre au besoin du citoyen usager ?», ajoute-t-il. Avec l’avènement de
nouvelles technologies tel que le Cloud Computing ou le Saas, l’Etat est d’ores
et déjà conscient que le développement économique et social passera par les
TIC.
Faible impact sur la croissance et
l'emploi
Selon le Conseil économique et social (CES), la commande
publique, qui comprend les dépenses engagées par l’Etat, les établissements
publics et les collectivités locales, représente, à l’heure actuelle, près de
24% du PIB. Elle est passée de 39 milliards de DH en 2002 à 160 milliards en
2011. La croissance annuelle moyenne est de 6% entre 2002 et 2006 et de 30%
entre 2007 et 2011. Aujourd’hui, certains secteurs tels que le BTP ou
l’ingénierie en dépendent à plus de 75%. Il n’empêche que cette évolution n’a
eu qu’un faible impact sur la croissance économique et la création d’emplois.
Elle a, en revanche, entraîné une forte augmentation du volume d’importation
réalisé par les acheteurs publics ; ce qui a alourdi le déficit de la balance
commerciale.
Afin de remédier à cette situation, le CES propose «la
majoration systématique de 15 à 20% des offres des entreprises étrangères,
ainsi que du contenu en importation des offres de tous les soumissionnaires».
Par ailleurs, une enquête menée par le CES a révélé que seules 10% des
entreprises participent de manière régulière aux marchés publics. La plupart
d’entre elles considèrent, en effet, que les procédures sont complexes,
coûteuses et que les marchés publics souffrent d’un défaut de transparence, du
fait des «versements illicites».