27/09/2012

Finances publiques/Jouahri: «le Maroc dépense mal»


Au-delà du maintien du taux directeur à 3%, le débriefe de la réunion trimestrielle du Conseil de Bank Al-Maghrib (tenue mardi 25 septembre 2012) est, généralement, l’occasion pour Abdellatif Jouahri de décortiquer la conjoncture et distiller un certain nombre de messages. Finances publiques, Ligne de précaution de liquidité, Bourse, liquidités bancaires… tout y passe. Revue de détails.

Finances publiques: Rationaliser les dépenses

Pour la Banque centrale, les dépenses engagées par l’Etat marocain sont mal orientées, aussi bien au niveau local que national. Avant d’entamer une démarche de restructuration budgétaire, le Maroc doit faire preuve d’une bonne gouvernance afin d’arbitrer au mieux ses dépenses. «Pour la santé, par exemple, certains médicaments se retrouvent périmés sans que personne n’ait l’occasion d’en faire usage, et c’est ce genre de dépense mal orienté et répétitif qui conduit à des défaillances budgétaires», note le wali. Aussi, les chantiers de l’Etat sont parfois mal gérés, ça relève, selon le gouverneur, de l’«arriération» à l’échelle étatique. Il est ainsi plus que primordial de faire preuve de bonne gouvernance avant de se lancer dans des projets qui seront par la suite mal gérés et mal suivis.
Liquidités: Pas de répit pour la planche à billet   

La liquidité est la résultante d’un certain nombre de facteurs et notamment des avoirs extérieurs. Lesquels sont en constante érosion. Selon Jouahri, ils accusent une baisse de l’ordre de 35 milliards de DH au terme du troisième trimestre. «Nous perdons mensuellement 3 milliards de DH d’avoirs extérieurs», soutient-il.   Ce montant vient de surcroît ponctionner les liquidités bancaires. Autre impact pour les trésoreries bancaires, la distribution de crédits. Résultat: un déficit de liquidité qui ne cesse de s’aggraver (plus de 73 milliards de DH). Pour le résorber, BAM augmentera continuellement, comme le martèle le gouverneur, ses injections sur le marché tant qu’elles serviront le financement de l’économie. «Nous n’arrêterons jamais d’autant plus qu’on est dans une conjoncture difficile», assure-t-il. D’ailleurs, les interventions de BAM atteignent, déjà, des sommets (72 milliards de DH). Cependant, le gouverneur tempère ce chiffre: «ce montant ne représente même pas 10% de celui des ressources bancaires».  
D’un autre côté, Jouahri énumère un certain nombre de conditions pour résorber le déficit de liquidité. A commencer par l’utilisation par les banques de la trésorerie excédentaire de certaines de leurs filiales en Afrique où il y a des zones de surliquidité. Le gouverneur leur recommande également de recourir à des emprunts à l’international. Cela permettra à la fois de redresser les réserves de changes et financer l’activité économique. En attendant, face à la réduction des dépôts, les banques recourent déjà au marché de capitaux. Pour ce qui est de la mobilisation de l’épargne, BAM assure que les mesures mises en place (mobile Banking, low Income Banking, agrément de Al Barid-Bank…) commencent à donner leurs fruits. «Sur les deux dernières années, il y a eu 8 millions de clients nouveaux», indique le gouverneur.    

Banque islamique: Pas moins de 4 candidats

Sur ce volet, Jouahri assure avoir reçu au moins 4 candidats intéressés par la création d’une banque islamique dont la Fayçal Islamic Bank. Après l’adoption du texte de loi, actuellement au Parlement, il faudra passer par l’étape de l’agrément, laisse-t-il entendre. Dans ce cadre, le texte institute une procédure, une structure et un comité pour l’examen des demandes. A ce titre, BAM requiert des candidats d’expliciter leur projet industriel. Concrètement, la Banque centrale veut connaître la valeur ajoutée qu’ils comptent apporter. Au-delà, il leur est demandé de décliner leur plan d’affaires sur les 5 prochaines années. Et ce n’est pas tout, Jouahri attache une attention particulière quant à la qualité d’encadrement et du tour de table. Les candidats doivent donc renseigner tous ces points pour pouvoir être éligibles. «A partir de ce moment-là, nous pourrons examiner les dossiers», affirme Jouahri. Ceci dit, il faudra, tout de même, que le comité d’octroi des agréments veille à l’équilibre du marché en examinant sa capacité d’absorption en nombre d’établissements. Enfin, dans le cadre de son action, BAM ne répondra certainement pas, par la positive, à toutes les demandes. Elle sera peut-être amenée à en accorder certains et pas d’autres en fonction du besoin du marché. «C’est d’ailleurs la procédure que nous appliquons dans le cadre des agréments classiques», conclut-il sur ce point.
Accès au crédit pour les TPE/PME
Afin d’évaluer le degré de difficulté d’accès au financement pour les PME/TPE, une enquête a été menée par BAM en interne avec les banques. Il s’est avéré qu’en moyenne, seulement, 15% des dossiers relatifs aux demandes de crédits sont rejetés. Ce qui est selon BAM, un pourcentage raisonnable. Le gouverneur de la Banque centrale a rappelé que, selon le rapport de la Banque Mondiale sur la région Mena, le Maroc vient en tête des pays qui accordent le plus de crédit aux TPE/PME. Il s’élève à 30% du volume total des crédits accordés.
Les PME doivent aussi, à leur niveau, entamer une démarche de restructuration. Car le rejet des demandes de crédit ne relève pas seulement  des banques mais aussi des entreprises et parfois même de la conjoncture. Ceci étant, tous les acteurs doivent continuer à s’engager sur des pistes d’amélioration afin de développer au mieux l’entrepreneuriat.