Au-delà du
maintien du taux directeur à 3%, le débriefe de la réunion trimestrielle du
Conseil de Bank Al-Maghrib (tenue mardi 25 septembre 2012) est, généralement,
l’occasion pour Abdellatif Jouahri de décortiquer la conjoncture et distiller
un certain nombre de messages. Finances publiques, Ligne de précaution de
liquidité, Bourse, liquidités bancaires… tout y passe. Revue de détails.
Finances
publiques: Rationaliser les dépenses
Pour la Banque centrale, les dépenses engagées par l’Etat marocain sont mal
orientées, aussi bien au niveau local que national. Avant d’entamer une
démarche de restructuration budgétaire, le Maroc doit faire preuve d’une bonne
gouvernance afin d’arbitrer au mieux ses dépenses. «Pour la santé, par exemple,
certains médicaments se retrouvent périmés sans que personne n’ait l’occasion
d’en faire usage, et c’est ce genre de dépense mal orienté et répétitif qui
conduit à des défaillances budgétaires», note le wali. Aussi, les chantiers de
l’Etat sont parfois mal gérés, ça relève, selon le gouverneur, de
l’«arriération» à l’échelle étatique. Il est ainsi plus que primordial de faire
preuve de bonne gouvernance avant de se lancer dans des projets qui seront par
la suite mal gérés et mal suivis.
Liquidités:
Pas de répit pour la planche à billet
La liquidité est la résultante d’un certain nombre de facteurs et notamment des
avoirs extérieurs. Lesquels sont en constante érosion. Selon Jouahri, ils
accusent une baisse de l’ordre de 35 milliards de DH au terme du troisième
trimestre. «Nous perdons mensuellement 3 milliards de DH d’avoirs extérieurs»,
soutient-il. Ce montant vient de surcroît ponctionner les
liquidités bancaires. Autre impact pour les trésoreries bancaires, la
distribution de crédits. Résultat: un déficit de liquidité qui ne cesse de
s’aggraver (plus de 73 milliards de DH). Pour le résorber, BAM augmentera
continuellement, comme le martèle le gouverneur, ses injections sur le marché
tant qu’elles serviront le financement de l’économie. «Nous n’arrêterons jamais
d’autant plus qu’on est dans une conjoncture difficile», assure-t-il.
D’ailleurs, les interventions de BAM atteignent, déjà, des sommets (72
milliards de DH). Cependant, le gouverneur tempère ce chiffre: «ce montant ne
représente même pas 10% de celui des ressources bancaires».
D’un autre côté, Jouahri énumère un certain nombre de conditions pour résorber
le déficit de liquidité. A commencer par l’utilisation par les banques de la
trésorerie excédentaire de certaines de leurs filiales en Afrique où il y a des
zones de surliquidité. Le gouverneur leur recommande également de recourir à
des emprunts à l’international. Cela permettra à la fois de redresser les
réserves de changes et financer l’activité économique. En attendant, face à la
réduction des dépôts, les banques recourent déjà au marché de capitaux. Pour ce
qui est de la mobilisation de l’épargne, BAM assure que les mesures mises en
place (mobile Banking, low Income Banking, agrément de Al Barid-Bank…)
commencent à donner leurs fruits. «Sur les deux dernières années, il y a eu 8
millions de clients nouveaux», indique le gouverneur.
Banque
islamique: Pas moins de 4 candidats
Sur ce volet, Jouahri assure avoir reçu au moins 4 candidats intéressés par la
création d’une banque islamique dont la Fayçal Islamic Bank. Après l’adoption
du texte de loi, actuellement au Parlement, il faudra passer par l’étape de
l’agrément, laisse-t-il entendre. Dans ce cadre, le texte institute une
procédure, une structure et un comité pour l’examen des demandes. A ce titre,
BAM requiert des candidats d’expliciter leur projet industriel. Concrètement,
la Banque centrale veut connaître la valeur ajoutée qu’ils comptent apporter.
Au-delà, il leur est demandé de décliner leur plan d’affaires sur les 5
prochaines années. Et ce n’est pas tout, Jouahri attache une attention
particulière quant à la qualité d’encadrement et du tour de table. Les
candidats doivent donc renseigner tous ces points pour pouvoir être éligibles.
«A partir de ce moment-là, nous pourrons examiner les dossiers», affirme
Jouahri. Ceci dit, il faudra, tout de même, que le comité d’octroi des
agréments veille à l’équilibre du marché en examinant sa capacité d’absorption
en nombre d’établissements. Enfin, dans le cadre de son action, BAM ne répondra
certainement pas, par la positive, à toutes les demandes. Elle sera peut-être
amenée à en accorder certains et pas d’autres en fonction du besoin du marché.
«C’est d’ailleurs la procédure que nous appliquons dans le cadre des agréments
classiques», conclut-il sur ce point.
Accès au crédit pour les TPE/PME
Afin d’évaluer le degré de difficulté d’accès au financement pour les
PME/TPE, une enquête a été menée par BAM en interne avec les banques. Il s’est
avéré qu’en moyenne, seulement, 15% des dossiers relatifs aux demandes de
crédits sont rejetés. Ce qui est selon BAM, un pourcentage raisonnable. Le
gouverneur de la Banque centrale a rappelé que, selon le rapport de la Banque
Mondiale sur la région Mena, le Maroc vient en tête des pays qui accordent le
plus de crédit aux TPE/PME. Il s’élève à 30% du volume total des crédits
accordés.
Les PME doivent aussi, à leur niveau, entamer une démarche de restructuration.
Car le rejet des demandes de crédit ne relève pas seulement des banques
mais aussi des entreprises et parfois même de la conjoncture. Ceci étant, tous
les acteurs doivent continuer à s’engager sur des pistes d’amélioration afin de
développer au mieux l’entrepreneuriat.