11/07/2012

Benamour met un pied dans les marchés publics

La dixième étude mandatée par le Conseil de la concurrence a été consacrée à une problématique épineuse, celle des marchés publics. Cette étude, confiée au Cabinet Mazars, a retenu un échantillon de 7 institutions publiques, pour «dresser un état des lieux de la concurrence en matière de marchés publics, et analyser les mécanismes concurrentiels du secteur», note le rapporteur.

Un secteur hétérogène
Sept institutions publiques ont donc été scrutées par les conseillers du cabinet d’études Mazars. Il s’agit des ministères de l’Équipement et du transport, de la Santé,
de l’Énergie, des mines, de l'eau et de l'environnement, de l’Agriculture et de la pêche maritime, les communes urbaines de Casablanca et Rabat, et puis la commune rurale de Sidi Yahya. La majorité des participants, notamment les représentants des fédérations professionnelles, auraient aimé que l’échantillon soit plus large, et «étendu aux établissements publics», comme réclamé par Abdelaziz Haddad, ancien cadre de la Trésorerie générale, et actuellement président de l’Association des professionnels des marchés publics. Pourtant, rien que pour 7 institutions, les faiblesses, dysfonctionnements et pistes d’amélioration ne manquent pas. Sur la base d’une «hétérogénéité du secteur», les premiers éléments critiques abondent dans le sens d’une «absence de sanctions en cas de non publication du programme prévisionnel» (première étape d’élaboration des marchés publics), «la nécessité de disposer des compétences nécessaires pour définir les besoins et préparer les marchés», «l’absence de précisions de l’article 18 sur les critères de notation des offres», « la difficulté d’accès pour les nouveaux entrants de petites tailles» (du fait des dépenses de participation et de l’accès aux références), «la défaillance du système de recours», «le poids du formalisme», voire «l’absence de cadre correctif» qui mène droit à «l'opportunisme et décrédibilise le système», conclut le rapporteur du cabinet.
Difficulté de recours, absence de sanctions
Concrètement, là où le système «pêche», note le cabinet Mazars, c’est au niveau de «la faiblesse du système de recours, de contrôle et de mise en œuvre des sanctions», tant, explique Haddad, «la réglementation couvre l’ensemble des mécanismes en œuvre» en la matière. Cependant, relève Abdessamad Saddouq, secrétaire général de Transparency Maroc, «c’est la pertinence des règles et leur effectivité» qui est en jeu. Il avance à ce propos que le système national des marchés publics reste toujours «dominé par le relationnel plutôt que par la règle», ce qui «favorise la corruption et la concentration», deux éléments relevés nettement par l’étude. Sans oublier «l’asymétrie de l’information» et les différentes barrières à l’entrée recensées par le cabinet d’étude. À ce propos, «44% des entreprises interrogées» ont «des difficultés à obtenir des informations», 31% d’entre elles d’ailleurs «préfèrent le recours au relationnel plutôt qu’au portail», et 36% «ont fait l’objet de discriminations ou de procédures injustes». Loi ou décret, le cabinet recommande un code, les institutions publiques un décret, Transparency une loi, «à condition qu’elle soit entièrement appliquée». En attendant ce décret, «volumineux» selon certains, «ce qui n’est pas garant de transparence» selon d’autres, les comportements anti–concurrentiels, tels «l’élaboration des documents par le prestataire lui-même, la mobilisation fictive d’experts, ou l’absence de critères» continuent à avoir cours, faute de réels sanctions. Entre temps aussi, 63% des barrières relèvent encore de la corruption, et 54% du favoritisme. Certains professionnels parlent de mentalité, il s’agit au fond du respect de l’État de droit, ce qui amène Mustapha Miftah, de la Fédération des travaux publics, à réclamer «une vision politique sur les marchés publics».