15/04/2012

La réciprocité, une réponse au protectionnisme

Réclamé depuis longtemps par le monde économique et fortement relayé par certains politiques, le principe de réciprocité dans les marchés publics comme réponse au risque du protectionnisme est en cours de consécration à Bruxelles. Le 21 mars, la Commission européenne a adopté une proposition de règlement visant à l'introduire dans les marchés publics.

En réponse aux velléités de protectionnisme qui ont suivi la crise de 2008, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la différence de traitement entre les entreprises européennes dans les marchés publics étrangers et les entreprises étrangères dans les marchés publics européens. La campagne électorale a exacerbé le débat, notamment par le discours du président Sarkozy prononcé à Villepinte, dénonçant la naïveté d'une Europe souhaitant donner l'exemple en ouvrant unilatéralement ses marchés à des pays qui lui ferment les leurs.
Les enjeux économiques sont considérables : les marchés publics peuvent représenter jusqu'à 19 % du PIB de l'Union européenne (UE). Or, d'après la Commission européenne, seulement 25 % des marchés publics dans le monde sont ouverts à la concurrence internationale, contre 90 % des marchés publics européens.
Une portée limitée
En droit, l'ouverture des marchés publics internationaux est principalement régie par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en particulier l'accord sur les marchés publics (AMP) issu des accords de Marrakech de 1994. Toutefois, l'AMP a une portée limitée. D'une part, de nombreux pays, dont la Chine et l'Inde, n'en font pas partie. D'autre part, de nombreux signataires ont émis des réserves importantes. Par exemple, les Etats-Unis ont exclu de cet accord les marchés réservés aux PME (Small Usiness Act). Ils ont également exclu certains secteurs de l'économie et une partie des infrastructures de transport (Buy American Act).
L'UE, pour sa part, n'a émis que peu de réserves à l'accord AMP, la principale étant la clause de réciprocité qui lui permet de ne pas ouvrir certains de ses marchés tant que les autres parties ne font pas de même. Toutefois, cette clause n'est pas réellement appliquée par l'UE et les directives relatives aux marchés publics ne reprennent quasiment pas cette réserve. Cela aboutit à des situations d'une iniquité flagrante. Ainsi, seuls 4 % de l'ensemble des marchés publics japonais seraient ouverts à des entreprises européennes, à hauteur de 22 milliards d'euros, alors que les entreprises japonaises auraient accès à des marchés publics de l'UE d'une valeur de 312 milliards d'euros. Le Japon ferme par exemple le secteur du transport ferroviaire aux entreprises européennes.
Afin de remédier à cette situation, la Commission européenne propose une application effective du principe de réciprocité. Ainsi, pour les marchés publics de plus de 5 millions d'euros, elle pourra donner son accord pour qu'un acheteur public puisse exclure une offre émanant d'un pays non européen, si le marché de ce pays n'est pas lui-même ouvert. Elle propose également, en cas de discrimination grave et répétée, de restreindre l'accès de certains pays à ses marchés.
In fine et contrairement au protectionnisme, ces mesures ont pour objectif l'ouverture des marchés publics. Le moyen d'y parvenir n'est plus toutefois, comme il l'a été dans le passé, l'espoir naïf que l'ouverture conduira à l'ouverture. Au contraire, la réciprocité permet une pression sur ceux qui ne respectent pas le principe de l'ouverture tout en protégeant ceux qui la pratiquent.