06/11/2011

Dénonciateurs, manifestez-vous!

Une loi si désirée et très attendue. Ses dispositions visent à protéger les victimes, témoins, experts et dénonciateurs de corruption. S’ajoutent aussi d’autres infractions telles que le détournement de fonds, l’abus de pouvoir, le blanchiment d’argent… La loi est entrée en vigueur depuis le 20 octobre 2011 et modifie ainsi le code de procédure pénale. Seule sa version en langue arabe est disponible pour l’instant (www.sgg.gov.ma).
C’est une révolution. Car combien de fois des fonctionnaires ou salariés sont acculés à fermer les yeux, au risque de se retrouver accusés de violation du secret professionnel. Menaces physiques et pressions morales aboutissent aussi à consacrer le «laissez-les faire…».
Ce cynisme juridique, où la loi sert à camoufler des actes abjects, prend fin. Désormais, la législation pénale protège les citoyens intègres. Aucune mesure disciplinaire ni de poursuite pénale contre les dénonciateurs ayant découvert les faits lors de l’exercice de leur fonction. Cette protection est soumise à conditions: l’existence de «raisons sérieuses» et «la bonne foi». Ce qui revient à sanctionner les faux témoignages en matière criminelle. La peine prévue est de 5 à 10 ans… Les articles 369 et 370 du code pénal ne sont pas un épouvantail. Ils visent plutôt à cadenasser les abus et préserver les droits de la défense. Les garanties accordées aux victimes, témoins, experts et dénonciateurs sont assez étendues. La victime d’abord bénéficie d’un droit d’information. Parquet et police judiciaire sont tenus de l’informer de son «droit de se constituer partie civile». Obligation qui doit être en plus actée dans le procès-verbal. La victime peut même consulter un médecin en cas de besoin. Le ministère public (procureur du roi) aussi bien que le juge d’instruction doivent «prendre toutes les mesures indispensables à la protection des intéressés, des membres de leurs familles, de leurs proches, de leurs biens. Une ligne téléphonique spéciale est réservée à la victime, témoins.

. Le législateur inclut également la protection physique rapprochée, le changement de résidence…
Evidemment, l’identité des victimes, témoins, experts et dénonciateurs demeure secrète. Seul le tribunal peut la connaître si la procédure le justifie.
Le principe est de ne pas la divulguer. Elle est conservée dans un dossier spécial et qui est mis à disposition du tribunal en cas de besoin. Une seule exception: si la divulgation de l’identité est indispensable pour l’exercice du droit de la défense. Le tribunal est habilité à la divulguer à condition que le témoin, l’expert ou le dénonciateur donne son accord. Mais une telle option n’est ouverte que lorsque le témoignage est considéré par les juges comme «unique moyen de preuve». Que se passe-t-il si le tribunal décide de ne pas divulguer l’identité de ces personnes?
Le témoignage, l’avis de l’expert ou la dénonciation deviennent de simples informations. Et ne peuvent à eux seuls servir de preuve. Lors de l’audience, le recours au témoignage anonyme est possible. Sur requête du procureur du Roi, le tribunal peut ordonner l’utilisation de moyens de communication à distance. D’autres mesures de protection peuvent être prises par décision motivée. Témoins et experts peuvent être sous écoutes téléphoniques. Leur consentement écrit est exigé par la loi.
Les mesures de protection sont annulées dans deux cas: soit à la demande de l’intéressé, soit à l’initiative du procureur ou du juge d’instruction. Dans cette dernière hypothèse, le législateur ne précise pas en revanche si la décision doit être motivée. Mais l’on peut parier que les juges iront dans ce sens. Ne serait-ce que pour protéger leurs arrières? Professionnellement s’entend.