19/11/2011

Conseil de la concurrence: une-reforme revue et corrigee

Rebondissement dans la réforme du Conseil de la concurrence. Le projet de loi, déposé en mai 2011 au Secrétariat général du gouvernement (SGG), a dû être revu et corrigé suite à l’adoption, le 1er juillet dernier, d’une nouvelle Constitution. La réforme en cours est jugée «cohérente» par le régulateur. Le canevas a été préparé par ses soins et transmis en juillet 2009 à la primature. Il a dû passer tel quel avant d’atterrir au SGG. Ce département, dirigé par Driss Dahak, examine tout projet ou proposition de loi avant de les programmer au Conseil de gouvernement, puis au Conseil des ministres que préside le Roi.

Les nouvelles prérogatives dépassaient les attentes du Conseil de la concurrence.
L’article 166 de la loi fondamentale a en effet non seulement consacré l’indépendance de l’instance, mais il a de plus élargi ses compétences au contrôle des pratiques commerciales déloyales. Une infraction qui relève en principe des juridictions commerciales qui tranchent des affaires de dénigrement de marque, de contrefaçon…
Une issue devait être trouvée pour éviter d’abord un éventuel cafouillage entre le juge et le régulateur. Il y a ensuite le risque de se retrouver noyé par des plaintes de pratiques commerciales déloyales.
Est-ce dire que les concepteurs de la Constitution ont fait un amalgame entre les pratiques commerciales déloyales et la concurrence déloyale? Car l’une relève du microéconomique (litige commercial entre des sociétés) et l’autre du macroéconomique (pratiques telles que les abus de position qui déséquilibrent le marché). Via ses propositions, le régulateur coupe la poire en deux. Les actions en justice «signifiantes en nombre» et pouvant remettre en cause l’équilibre d’un secteur relèveront du Conseil. S’il s’agit d’un contentieux «mineur» opposant des personnes physiques ou morales, le juge commercial prend le relais.
Le Conseil ne cédera pas totalement la main puisqu’il pourra les «dénoncer dans son rapport d’activité ou devant la Parlement. C’est ce que font les régulateurs anglo-saxons via l’advocacy, une démarche basée sur un plaidoyer qui défend la transparence et l’équité des relations économiques», précise son président, Abdelali Benamour. Une telle procédure n’a pas de force exécutoire. L’advocacy se veut d’abord une arme politique: mettre un gouvernement devant ses responsabilités. C’est le cas par exemple si des aides étatiques s’avèrent nuisibles à la concurrence: rente indue pour des opérateurs, un secteur…
Un autre point soulève des réserves. Il porte sur la qualité des 4 vice-présidents permanents du Conseil: juristes, économistes, représentants des entreprises et des consommateurs. Telle est la composition initiale du projet de loi. Le SGG a chamboulé l’architecture proposée par le Conseil: 3 juges et un expert. Une sur-représentativité où il n’y a pas d’équilibre entre les différentes parties amenées à siéger au Conseil. «C’est un atout que d’avoir des magistrats pointilleux par principe sur les procédures. Mais l’inconvénient est que l’on risque de s’attarder sur l’aspect formel au lieu de s’attaquer au fond du dossier…», commente une source proche du dossier.
Même scénario pour les 8 vices-présidents non permanents. Et là aussi, la balance penche pour des juges au détriment des experts, des associations patronales et du mouvement consumériste. Tout en étant «confiant», le Conseil de la concurrence entend défendre sa réforme. Même si, selon lui, ce sont les «futurs élus qui auront le dernier mot». A condition qu’ils ne s’absentent pas des débats et de saisir les enjeux de la réforme. Difficile de cautionner un tel pronostic.