12/07/2011

Très mauvais code des marchés et pratiques mafieuses

Le secteur des marchés publics en Algérie est l’un des plus en retard et la corruption, tant au plan national que dans les transactions commerciales internationales, y demeure extrêmement importante. Ni les anciens codes des marchés publics ni celui qui est en vigueur depuis octobre 2010 n’y ont changé grand- chose. Bien au contraire, tout est fait dans ces textes et leur application pour que la corruption prenne encore plus d’ampleur.
La corruption dans les marchés publics est un phénomène universel qui est répandu partout dans le monde. Les événements des dernières années ont prouvé qu’il ne concerne pas seulement les pays en développement dont les gouvernements sont faibles et les fonctionnaires mal payés. En Algérie, l’énorme manne pétrolière est en partie utilisée pour lancer des grands chantiers budgétivores — la commande publique de l’Etat à travers des «plans» de construction —, générateurs de multiples scandales de corruption. Ces scandales majeurs dans le domaine des commandes publiques sont trop fréquents et leurs conséquences désastreuses. Ils entraînent parfois le limogeage de hauts fonctionnaires, souvent des lampistes. Dans les pays démocratiques, cela aurait conduit à des crises politiques graves et provoqué des chutes de gouvernements. Les sommes en jeu sont considérables. 

S’il est difficile de chiffrer les coûts de la corruption de par la nature même des pratiques en cause, il est clair que, compte tenu du niveau des enjeux, les économies ne peuvent se permettre d’en supporter le poids, surtout dans un pays en développement. En termes de coûts directs, la corruption entraîne des pertes financières énormes pour l’Etat, la réalisation d’achats ou de projets non prioritaires, voire totalement inutiles, le renchérissement des prix et la baisse de la qualité des services publics. En termes de coûts indirects, la corruption provoque la fuite des investisseurs étrangers, crée des distorsions dans le fonctionnement de l’économie de marché et porte un préjudice socioéconomique aux entreprises compétitives. L’Algérie est dans cette situation. La corruption, notamment dans les marchés publics, a un impact négatif sur le cadre et la qualité de vie (architecture, services publics, santé, etc.), sur les ressources humaines où la «confiance» prévaut sur la compétence et peut générer un climat de risque où les responsables intègres sont souvent menacés de violence et subissent toutes sortes de représailles.
De nombreuses opportunités de corrompre
Le processus d’attribution et d’exécution des contrats publics permet à de nombreuses formes de corruption de se développer. Favoritisme, fraudes et détournements en tout genre en sont quelques exemples. Les responsables publics, qui engagent les deniers de l’Etat, en sont tout autant responsables que les acteurs du secteur privé qui cautionnent et perpétuent ces pratiques malhonnêtes. De nombreuses stratégies sont envisageables pour réagir à de telles pratiques. Toutes supposent la prise de conscience du phénomène et de ses conséquences par le gouvernement et une volonté politique sincère de s’attaquer au problème. Un certain nombre d’expériences positives menées aux niveaux national et international permettent de promouvoir plus de transparence et d’intégrité dans la gestion des marchés publics et méritent d’être mentionnées au titre des solutions possibles. Mais le pouvoir algérien ne veut pas entendre parler de ces stratégies, et pour cause, elles «risquent » d’affaiblir l’arme de la corruption dont il use et abuse pour régner sans partage et éloigner toute perspective d’alternance démocratique. 

En Algérie plus qu’ailleurs, la passation et l’exécution des commandes publiques sont l’aboutissement, dans l’écrasante majorité des cas, de processus trop longs qui donnent aux intervenants, à tous les stades de la procédure, de nombreuses opportunités de corrompre. Les pratiques malhonnêtes peuvent intervenir au cours des deux grandes phases du processus, lors de l’attribution puis de l’exécution du contrat. La phase de passation du marché donne lieu à des pratiques visant l’attribution illégitime du contrat ou sa «vente» au plus offrant. Au cours de l’exécution du contrat, les pratiques ont pour objectifs le recouvrement des sommes dépensées pour «l’achat» du contrat, le détournement de fonds en complicité avec le contractant ou la simple extorsion lorsque le contractant n’est pas impliqué dans les pratiques malhonnêtes. Ces pratiques sont de plus en plus dénoncées en Algérie, et fait nouveau, par des entreprises et des bureaux d’études privés. Face à l’ampleur de la corruption au cours des procédures de passation des marchés publics et aux insuffisances de la réglementation en vigueur, certains pays ont été amenés à prendre des mesures législatives fermes. L’objectif est alors de consacrer la lutte contre la corruption dans les lois organiques et de ne pas laisser l’Exécutif en place modifier à sa guise les textes portant sur la passation des marchés publics. 
Dans nombre de pays très corrompus, dont l’Algérie, l’Exécutif continue de soustraire au Parlement l’élaboration de la réglementation sur les marchés publics ainsi que les modifications et adaptations qui y sont apportées. Comme nous l’avons déjà signalé, l’existence d’une volonté forte et sincère du gouvernement est un préalable pour lutter efficacement contre la corruption dans les marchés publics. Cette volonté devrait se traduire par l’élaboration d’une stratégie nationale articulée autour d’un certain nombre de mesures. Parmi ces mesures, la sensibilisation : en informant et mobilisant l’opinion publique, notamment à travers les médias, sur les cas de corruption ; la prévention par la réforme des textes législatifs et réglementaires ; la formation et la sensibilisation des agents publics et l’élaboration de codes de conduite ; la surveillance de la pratique des marchés publics : en renforçant la transparence et en facilitant l’implication d’acteurs, autres que les donneurs d’ordre et les entreprises, tels que la société civile et les médias ; l’évaluation et le contrôle de l’application des procédures de marchés publics ; et la sanction des pratiques malhonnêtes.