18/07/2011

Le projet de loi pour la protection des témoins de la corruption : un texte insuffisant dans son contenu et trompeur dans son énoncé

Le parlement a été saisi d’un projet de loi complétant le code de procédure pénale par des mesures visant essentiellement la protection contre les risques menaçant l’intégrité physique et les biens des personnes qui dénoncent, soit la corruption, soit une série d’autres infractions retenues par l’article 108 du code de procédure pénale tel qu’il a été modifié à l’occasion de l’adoption des mesures exceptionnelles de « lutte contre le terrorisme ».
Transparency Maroc (TM) revendique depuis de longues années la mise en place d’une telle protection et s’est réjouie de son insertion parmi les obligations des Etats, prévues par la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC). Elle regrette néanmoins que la préparation de cette réforme n’ait pas donné lieu à une participation effective de la société civile et que le projet de loi qui la consacre soit annoncé sous un intitulé trompeur qui occulte la plupart des infractions pour lesquelles il a été adopté.
Transparency Maroc relève en particulier que :

1. Les mesures retenues sont plus appropriées aux investigations et aux poursuites
afférentes aux crimes caractérisés par des pratiques violentes qu’à la délinquance en col blanc telle qu’elle est constituée par la corruption ;
2. En l’absence de mesures d’accompagnement, le dispositif annoncé ne peut être
qu’ineffectif compte tenu des règles de fonctionnement et des moyens dont disposent les services concernés de santé, de sécurité et de justice ;
3. L’attribution de larges pouvoirs discrétionnaires au parquet et au tribunal pour décider, de leur propre initiative ou à la demande du témoin ou expert en cause, des modalités par lesquelles sera conservée son identité durant toute la procédure d’enquête et de jugement, constitue un risque d’atteinte aux droits de la défense d’autant plus inquiétant que les procès récents en matière de lutte contre le terrorisme, la drogue et la corruption confirment l’ampleur des dérives possibles.

Conformément aux prescriptions de la CNUCC, Transparency Maroc considère que la protection efficiente des témoins, donneurs d’alerte et experts, doit se concevoir avec la participation de la société civile et se donner comme priorité l’élimination des entraves qui empêchent les citoyens d’apporter leur concours spontané aux instances chargées de la détection et de la répression de la corruption. Parmi celles-ci on peut citer :

·    -La nécessité de prémunir de toute sanction disciplinaire et de toute poursuite pénale pour violation du secret professionnel le dénonciateur de la corruption qui prend connaissance des faits délictueux dans le cadre de l’exercice de ses activités professionnelles ;
·     -L’inclusion dans la définition de la subornation des témoins des actes visant à empêcher la libre expression d’un témoignage ;
·     -La prise en compte de l’état de nécessité dans lequel se trouvent les citoyens qui obtempèrent aux injonctions de corruption dans des situations d’urgence ou des rapports d’autorité (racket) ;
Transparency Maroc considère en conséquence, que les mesures retenues par le texte précité sont inadaptées à l’objectif déclaré, qu’elles ont peu de chance d’être effectives et qu’elles représentent un risque réel de violation des droits de la défense et d’atteinte à l’équité des procès, au moment même où le Maroc cherche à renforcer par la voie constitutionnelle, les droits humains et la gouvernance publique.
L’association rappelle à cette occasion que la CNUCC érige en règle de base la participation effective de la société civile à la conception et à la mise en oeuvre des dispositifs juridiques et institutionnels de lutte contre la corruption qu’elle prévoit et qu’en l’absence de concertation réelle avec les parties prenantes, les réformes unilatérales et précipitées ne peuvent servir l’objectif recherché de mobilisation citoyenne et d’efficience politique contre ce fléau.

Communiqué de presse de TRANSPARENCY MAROC
Rabat le 22 juin 2011
Pour le Bureau Exécutif
Rachid Filali Meknassi