14/04/2011

Un super Conseil de la concurrence! Son président, Abdelali Benamour, a eu finalement droit à sa grande réforme. Il emboîte ainsi le pas à l’Instance centrale de prévention de la corruption (L’Economiste du 4 avril 2011). L’instance ressuscitée le 20 août 2008 va désormais faire partie des institutions constitutionnelles que sont la Cour des comptes ou le Conseil économique et social… La décision a été officiellement annoncée lundi 11 avril à Rabat. Date à laquelle le Souverain a en effet reçu le président du Conseil.

Son futur statut, juridiquement plus consistant, va lui accorder le droit de se saisir d’office, de sanctionner… Plus question aussi d’être sous tutelle de la Primature. Cette évolution est une sorte de revanche pour Benamour. Surtout que le Premier ministre, Abbas El Fassi, et son ministre délégué aux Affaires économiques et générales ne se sont jamais montré très chauds aux propositions d’amendements de la loi 06-99. A tel point que le Conseil allait faire parrainer sa réforme par des parlementaires de la majorité. Sa session du 24 février a abordé cette éventualité.
Les propositions formulées par les douze membres du Conseil ont été déposées dès juillet 2009 chez le Premier ministre. Celles-ci prévoient d’ailleurs que le Conseil soit «doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière». C’est la Primature qui est ordonnatrice du budget: 15 millions de DH en 2009 et 18,34 millions en 2010. Ce qui n’exclut pas parfois les «mauvaises surprises». Jusqu’à ce jour le Conseil loue une villa située à l’avenue Mohammed VI à Rabat. Or l’autorité de tutelle n’a pas visé le budget dédié à la construction de son siège. La rigueur budgétaire est invoquée comme motif officiel dans la lettre de cadrage de la loi de Finances 2011.
Cette grande réforme remet quelque part les pendules à l’heure. En matière de politique de régulation s’entend. Car tous les régulateurs n’ont pas en effet le même statut. Il suffit de citer le droit d’auto-saisine.
Dans son projet de réforme, le Conseil de la concurrence revendique «une compétence générale en matière de défense de la concurrence». Y compris dans les secteurs que la loi réserve expressément à d’autres régulateurs? Actuellement, audiovisuel (Haca), télécoms (ANRT), ports (ANP), banques (BAM) ou Bourse (CDVM) relèvent de leurs autorités respectives. Une coordination est prévue par exemple par la loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle. C’est le cas pour l’octroi de licences audiovisuelles. La Haca les accorde, l’ANRT assigne les fréquences. En l’absence de textes, c’est le consensus qui prime. Les régulateurs n’ont jamais parvenu à le créer (L’Economiste du 4 janvier 2011). La réforme de la loi 06-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence devra libérer ces sources de tensions. Le Conseil a d’ores et déjà commandé une étude relative à «l’harmonisation des diverses lois et dispositions législatives avec la loi sur la concurrence». Ce qui suppose aussi la refonte d’autres textes législatifs… Un exercice qui ne sera pas politiquement de tout repos.

Une réforme à déterrer 
Il faudrait déterrer peut-être le projet de loi de mai 1996. Rédigé à l’époque par le ministère de l’Incitation de l’économie. Son 2e chapitre consacre expressément «l’indépendance du Conseil de la concurrence». Six de ses onze membres sont des magistrats et que ses décisions peuvent être attaquées devant la Cour d’appel de Rabat. Voilà qui pourrait rassurer les anti-réformateurs. Même à l’intérieur du Conseil certaines voix sont contre une «judiciarisation accrue». N’empêche que parmi ses 12 membres actuels figure Abderrazak Elamrani, président du tribunal de commerce de Casablanca. Le recours devant le juge administratif est toujours possible.
Le projet de loi de 1996 sera in fine laminé. C’est une copie moins ambitieuse qui sera finalement promulguée au Bulletin officiel du 6 juillet 2000. Du temps où le socialiste Abderrahman Youssoufi était Premier ministre. Plus d’une décennie après, le Conseil sera carrément constitutionnalisé. Il faudrait chercher du côté du Statut avancé pour comprendre. Le Maroc n’est pas un îlot. La convergence réglementaire avec l’Union européenne est presque une fatalité… commerciale. Bien avant octobre 2008, ce processus d’harmonisation des textes de lois a été précédé par une harmonisation des normes qualité. La diplomatie européenne n’a cessé de son côté d’exiger un Conseil de la concurrence fort. Les Allemands, avec qui l’instance que préside Benamour est jumelée, ont d’ailleurs prêté main forte dans la préparation des amendements. Eneko Landaburu, représentant de l’UE à Rabat, n’a cessé de solliciter le gouvernement pour adopter une grande réforme. D’autant plus que la levée des barrières tarifaires est prévue pour 2012. Vu que le Statut avancé ressemble à une valise vide. Il serait judicieux de bien la remplir.