30/04/2011

Coopération Maroc –OCDE pour renforcer l’intégrité des marchés publics

La commande publique couvre l’ensemble des marchés publics attribués par les services publics (État, établissements et entreprises publics et collectivités locales) pour acquérir des biens, réaliser des services et des travaux. Il s’agit d’un vrai enjeu économique, car le montant global des marchés publics en 2007 représente environ 100 milliards de dirhams soit l'équivalent de 16% du PIB au Maroc (actuellement il représente 160 milliards)
En nombre de transactions, 11.614 marchés ont été passés au niveau de l’État en 2007 et 10.143 marchés en 2005 – dont respectivement 88.8%4 et 88.9% par appel d’offres ouvert. Les marchés publics ont une importance stratégique pour soutenir la croissance à travers des projets d’investissement, qui sont lancés et financés par l’administration, et réalisés par les acteurs du marché.
Les entreprises marocaines et étrangères constituent les soumissionnaires potentiels pour les marchés à passer. Selon les statistiques récentes, des entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP) réalisent 70% de leur chiffre d’affaires dans le cadre des marchés publics au Maroc. En outre, le secteur de l’ingénierie réalise 80% de son chiffre d’affaires par les marchés publics.
Toutefois, les marchés publics sont l’une des activités des administrations les plus exposées au gaspillage, à la fraude et à la corruption en raison de leur complexité, de l’ampleur des flux financiers qu’ils génèrent et de l’interaction étroite entre le secteur public et le secteur privé.

A cet effet, les acteurs internationaux lutte à cotés des Etats et différentes parties prenante pour renforcer l’intégrité dans les marchés publics. L’exemple type en est l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et son l’Initiative sur la Bonne gouvernance à l’appui du développement dans les pays Arabes.

Elle est une organisation internationale regroupant les gouvernements de 30 démocraties de marché afin de répondre ensemble aux défis économiques, sociaux, environnementaux et de gouvernance que pose la mondialisation.
Le Maroc entretient une coopération étroite avec l’OCDE depuis plusieurs années dans le cadre de l’Initiative sur la Bonne gouvernance à l’appui du développement dans les pays Arabes. Cette Initiative a pour objectif de moderniser la gouvernance publique dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au travers d’un programme structuré autour de sept domaines thématiques dont l’intégrité dans le secteur public.

En mai 2007, l’OCDE et le Maroc ont entamé une étude qui vise à analyser les progrès réalisés par le Maroc dans sa démarche de modernisation des marchés publics, en mettant un accent particulier sur la lutte contre la corruption et la promotion de l’intégrité**. L’objectif recherché est de réduire les risques de corruption tout en s’assurant que les procédures en place permettent de faire le meilleur choix en matière d’achat public. Il s’agit d’améliorer l’intégrité dans les marchés publics afin d’optimiser l’utilisation des ressources publiques pour la production de biens et de services. L’étude couvre l’ensemble du cycle de la passation des marchés publics, de l’évaluation des besoins à l’exécution du contrat en passant par l’attribution. Elle vise à identifier les points forts et les points faibles du système et de son fonctionnement, et à formuler des recommandations de politique pour son amélioration.
Le résultat de cette étude dégage les Forces et faiblesses du système de passation des marchés publics et les propositions de mesures visant à améliorer le système.


Forces et faiblesses du système
Les points suivants résument les forces et faiblesses qui ont été identifiées dans le système de passation des marchés publics au Maroc.
1) Nouvelle réglementation de 2007 : un cadre détaillé définissant la passation des marchés publics  
Le Décret de 2007 fixant les conditions et les formes de passation des marchés de l’État, entré en vigueur le 1 octobre 2007 au Maroc, cherche à répondre à des lacunes identifiées dans l’ancien Décret de 1998. Il donne un cadre détaillé pour la passation des marchés publics, qui est conforme aux principes de bonne gouvernance qui guident les efforts au niveau international. Le Décret de 2007 s’applique au niveau central ainsi qu’aux collectivités locales. Les entreprises et établissements publics peuvent adopter une réglementation qui leur est spécifique sous réserve de respecter les règles de la concurrence et de la transparence. Celles qui ne disposent d’une réglementation doivent appliquer le Décret de 2007. Il sera important, à l’avenir, d’harmoniser les réglementations existantes de l’ensemble des entreprises et établissements publics avec le Décret de 2007. Enfin, il conviendra de veiller à l’application effective de ce texte au niveau central, régional et local. En particulier, des moyens humains et financiers adaptés devront être fournis au niveau régional et local afin de permettre la mise en oeuvre du Décret de 2007. Le Décret de 2007 couvre partiellement les phases d’évaluation des besoins (article 4) et d’exécution du contrat (articles 91 et 92). Afin de prévenir les risques menaçant l’intégrité dans les phases en amont et en aval de la soumission et de l’attribution, il serait souhaitable que des réglementations et lignes directrices supplémentaires, comme le Cahier des clauses administratives générales, précisent davantage les garde-fous qui s’appliquent dans ces « zones grises ».

2) Renforcement de la transparence dans la procédure de passation des marchés publics
Le renforcement de la transparence dans la passation des marchés publics est un principe déjà présent dans le Décret de 1998. Par ailleurs, le Décret de 2007 introduit des innovations comme par exemple l’augmentation des possibilités d’information des entreprises sur les appels d’offres, l’introduction de transparence pour les marchés négociés, l’information automatique des candidats non-retenus et un archivage plus systématique des documents sur les marchés passés pour favoriser les recherches ultérieures éventuelles.

Si l’objectif est de faire le meilleur achat possible (travaux, fournitures ou services), l’un des défis de la mise en oeuvre consiste à trouver un bon équilibre entre le renforcement de la transparence et l’efficacité de la procédure. Il faut veiller à ce que la mise en oeuvre des dispositions sur la transparence ne soit pas une source de lenteur dans la passation des marchés et de surcoût pour l’administration.

3) Dématérialisation des procédures : création du portail national des marchés de l’État La création du portail électronique a des objectifs particulièrement ambitieux, notamment la publication sur le portail des programmes prévisionnels d’achats, des appels d’offres, des résultats des appels d’offres, des extraits des procès verbaux des séances d’examen des offres et des rapports d’achèvement de l’exécution des marchés. La réflexion doit être poursuivie sur la manière de faciliter le passage d’un système papier à un système combinant support papier et électronique, notamment en termes d’amélioration des capacités de gestion des services adjudicateurs et des entreprises à utiliser le portail électronique                                                                          

4) Introduction de mesures contre la corruption dans le Décret de 2007  
Le Décret de 2007 introduit, pour la première fois, des mesures de lutte contre la corruption à la fois pour le soumissionnaire (déclaration sur l’honneur, engagement à ne pas recourir à des pratiques de fraude ou de corruption) et pour le maître d’ouvrage (abstention de toute relation ou tout acte qui puisse compromettre son indépendance). Il serait important que ces mesures s’inscrivent dans un cadre juridique qui réglemente les conflits d’intérêts des acteurs impliqués dans la passation des marchés publics afin de renforcer l’intégrité de l’ensemble du système. Par ailleurs, il conviendra aussi de veiller à l’application effective des sanctions pour les fraudeurs, quel que soit leur niveau hiérarchique, afin d’accroitre la confiance dans ce système.      
                                                                                                                                           
5) Premier pas vers l’institution d’un mécanisme de recours pour les réclamations sur les marchés publics 
Tout concurrent, qui conteste les résultats d’un appel d’offres et qui n’est pas satisfait de la décision prise, a le droit de s’adresser au maître d’ouvrage. S’il n’est pas satisfait de la réponse du maître d’ouvrage, il peut dans un deuxième temps saisir le ministre concerné et, dans un troisième, le Secrétaire Général du gouvernement, qui préside la Commission des marchés. La Commission des marchés donne son avis à titre consultatif. Afin d’assurer un traitement équitable des réclamations, il conviendrait de faciliter l’accès des plaignants à la Commission en supprimant un certain nombre des filtres existants et de renforcer les pouvoirs et les ressources à la fois budgétaires et humaines de la Commission des marchés.            
                                                                                                                         
6) Nouvelle réforme sur le contrôle de la dépense publique : l’évolution d’un contrôle de la régularité vers un contrôle axé sur la performance 
La réforme vise à alléger le contrôle a priori axé sur la régularité de la procédure en faveur du contrôle a posteriori, qui met l’accent sur le contrôle du résultat et de la matérialité de la prestation. Malgré les contrôles qui sont lourds et nombreux, effectués par des institutions aussi prestigieuses que la Trésorerie Générale, l’Inspection Générale des Finances et la Cour des comptes, ces contrôles n’ont pas permis d’apporter les preuves matérielles suffisantes pour permettre au juge d’instruire des cas de corruption dans les marchés publics. Afin de renforcer le contrôle a posteriori un changement de culture est nécessaire, ce qui requiert une restructuration organisationnelle pour permettre une meilleure efficacité ainsi que la professionnalisation et l’accompagnement du personnel concerné. Dans le cadre de cette professionnalisation, les formations jouent un rôle clef pour tenir informé les acteurs des réformes, les familiariser aux nouvelles procédures à suivre ainsi que les aider à prévenir d’éventuels risques de corruption.               

Conclusions de l’étude et recommandations 
Afin d’aider le gouvernement marocain dans son effort de réforme des marchés publics, cinq axes prioritaires ont été identifiés tout au long de l’analyse du système. Les axes prioritaires sont les suivants :

1. Renforcer le professionnalisme dans les marchés publics afin de donner une capacité de gestion suffisante auprès des ordonnateurs dans le cadre de l’allègement du contrôle a priori ;
2. Renforcer l’indépendance du mécanisme de recours ;
3. Poursuivre la démarche de responsabilisation et d’audit ;
4. Assurer une interprétation et une mise en oeuvre harmonisées du Décret de 2007 ;
5. Instaurer des mesures spécifiques pour prévenir la corruption dans les marchés publics.

** Beth, E. et A. Hrubi (2008), « Renforcer l’intégrité dans les marchés publics : Étude d’apprentissage mutuel au Maroc », document interne, Direction de la Gouvernance publique et du développement territorial, OCDE, Paris.