30/05/2022

Investissement et croissance : Aux racines d’un paradoxe marocain !

Le Maroc est comme un foyer qui dépense généreusement pour la scolarité de ses enfants dans l’espoir qu’ils excellent et qui, pourtant, obtiennent des notes moyennes à l’école. 

Une métaphore qui résume bien le marasme de l’investissement dans notre pays qui paralyse sa trajectoire de développement au moment où le gouvernement fait la course contre la montre pour sortir la nouvelle charte qui promet un sursaut sans précédent. Infrastructure, projets de développement, plans sociaux, l’Etat passe à la caisse depuis des années, mais la croissance n’est pas au rendez-vous. Pour cause : un retour sur investissement faible.

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Beaucoup d’investissement, peu de croissance !

Force est de constater que le Maroc est l’un des pays où l’investissement est le plus élevé. Le Royaume investit 32,2% de son PIB alors que la moyenne internationale ne dépasse pas 25%. Il n’obtient en échange qu’une piètre croissance par rapport aux pays qui ont autant investi. Ces derniers réalisent en moyenne 6% de croissance au moment où le Maroc peine à dépasser le seuil moyen de 3%.

Sur les vingt dernières années, où le pays a entamé la modernisation de son économie, il n’a réalisé que 4% en moyenne de 2000 à 2019. Cette moyenne s’est dégradée lors de la décennie de 1 point. Le paradoxe, c’est que le Maroc est en troisième position derrière la Chine et l’Inde à l’échelle des Etats investisseurs (par rapport à leur PIB) et dépasse des pays émergents tels que la Corée du Sud, la Turquie, la Malaisie et la République Tchèque. Des pays qui ont réalisé des miracles économiques.

Une autre observation issue d’une étude de Bank Al-Maghrib reflète l’ampleur du paradoxe. Le taux d’investissement du Maroc durant les vingt dernières années équivaut à celui des dragons asiatiques de 1970-1990, période de l’ascension fulgurante de ces pays qui semblent aujourd’hui si prospères. Ceci dit, notre pays a échoué dans sa démarche de rattrapage économique comme l’ont fait les Asiatiques bien qu’il ait consenti autant d’efforts en termes d’investissement.

Pour comprendre à quel point la situation est compliquée, il suffit de réaliser qu’il faut 9,4 points de PIB investis pour un point de croissance. Ce ratio est jugé élevé puisque moins ce coefficient est grand, plus l’investissement est rentable.

Un secteur privé trop timide

Il faudra donc comprendre les raisons de ce marasme qui dure encore devant nos yeux. Si l’Etat investit des sommes colossales, le secteur privé n’est pas aussi audacieux, en ne prenant pas assez d’initiative. Les chiffres sont parlants. L’Etat accapare 65% de l’investissement global, soit plus des deux tiers avec une contribution de 16% à la croissance. Par contre, le privé se contente d’un seul tiers.

Cette part jugée faible est l’une des raisons qui justifie la faible rentabilité de l’investissement au Maroc, estime Mohammed Jadri, Directeur de l’Observatoire du Travail gouvernemental. “L’investissement public ne suffit pas pour faire tourner la machine de la croissance autant qu’on le veut”, explique l’économiste, ajoutant qu’il faut compter davantage sur le secteur privé dans les années à venir.

Selon l’expert, d’autres éléments font que l’investissement ne soit pas à la hauteur des espérances. Il en cite la corruption, la bureaucratie et la rigidité de l’Administration, et la culture du capital marocain qui tend à ne pas prendre assez de risque dans ses placements. “Au Maroc, on préfère le confort puisqu’on préfère investir dans les secteurs jugés sûrs tels que le foncier et l’immobilier”, souligne notre interlocuteur.

Charte de l’Investissement : l’ultime espoir ?

Cette réalité gêne le gouvernement qui veut en finir avec les vestiges d’un marasme qui dure des années. Lors de sa dernière apparition à la Chambre des Conseillers, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a reconnu que l’investissement n’est pas suffisamment orienté là où l’effet social et économique est le plus palpable. Il n’a pas manqué aussi de soulever la faible contribution du secteur privé à l’investissement. Une part que l’Exécutif souhaite porter aux deux tiers de l’investissement global, selon Youness Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, qui s’est confié dimanche à France 24. D’ailleurs, il s’agit là de l’une des recommandations majeures du Nouveau Modèle de Développement.

Pour pallier au marasme de l’investissement, l’Exécutif parie sur deux éléments, à savoir la réforme du Code des marchés publics et du Crowdfunding. En outre, l’Exécutif place tous ses espoirs dans la future Charte de l’Investissement qui est toujours en gestation. Cette loi très attendue promet d’encourager les PME et les TPE et de faciliter l’acte d’investir. Ce coup de pouce aux TMPE est si nécessaire que ces entreprises ne disposent que de 40% du chiffre d’affaires à l’échelle nationale avec une faible capacité d’exportation, bien qu’elles constituent 96,6% du tissu économique.