1-Il y quatre mois en vigueur entrait en vigueur le
décret n° 2-19-69 du 24 mai 2019, modifiant et complétant celui n° 2-12-349 du
20 mars 2013 relatif aux marchés publics. Quel changement ce nouveau texte
a-t-il apporté pour la préférence nationale ?
Certes, l’article premier du décret n° 2-19-69 apporte des
modifications à certaines dispositions du décret n° 2-12-349. Parmi ces changements,
je cite l’article 155 relatif à la préférence en faveur de l’entreprise
nationale, objet de votre question. D’après la nouvelle version de cet article,
les entreprises nationales soumissionnaires bénéficient d’une préférence
applicable au stade de comparaison de leurs offres financières avec celles des
soumissionnaires étrangers. En outre, ce nouveau décret étend le régime de la
préférence aux coopératives, unions de coopératives et à l’auto-entrepreneur. A
titre de précision, le décret n° 2-19-69 est entré en vigueur le 3 juin 2019,
date de sa publication dans l’édition générale arabophone du Bulletin Officiel
n° 6783.
2- Les entreprises marocaines se plaignaient du fait que la préférence
nationale n’était pas considérée comme une impérative dans l’ancien texte.
Est-elle précisée cette fois-ci explicitement dans le nouveau texte ?
Bien sûr. Le premier paragraphe de l’article 155 précité
stipule que « (...) une préférence est accordée aux offres
présentées par les entreprises nationales, les coopératives, les unions de
coopératives et l’auto-entrepreneur ». Par contre, dans l’ancienne
version, on lit qu’une préférence « peut être » accordée
aux offres présentées par les entreprises nationales. La préférence devient en
conséquence un droit. Au lieu de se plaindre de son caractère facultatif, les
sociétés nationales sont en position de réclamer son application tous
simplement.
3- Avec l’entrée en vigueur du décret n° 2-19-69 du 24 mai 2019, comment
fonctionne le mécanisme de la préférence nationale ?
En principe, les dossiers des appels à la concurrence
relatifs aux marchés de travaux et études y afférentes doivent contenir une
disposition qui encadre la préférence nationale dans la limite réglementaire de
15%. Ensuite, la commission d'appel d'offres ou le jury de concours applique le
taux de préférence, prévu dans le règlement de consultation, aux offres
admissibles présentées par les entreprises étrangères. Elle poursuit enfin ses
travaux pour identifier le soumissionnaire ayant présenté l’offre la plus
avantageuse.
Comme vous le constatez, la préférence se traduit par une
augmentation artificielle du montant de l’offre de toute entreprise
étrangère ; chose qui augmente la chance de l’entreprise nationale de
remporter le marché.
4- Cette disposition sur la préférence nationale est-elle bien appliquée sur le
terrain ?
Difficile de répondre avec précision à cette question. Seul
un observatoire dédié à la commande publique peut examiner pareil sujet. Par
contre, je souligne une expérience du département de l’équipement et du
transport en guise d’exemple à suivre. En 2012, ce ministère a publié une
circulaire généralisant l’application de la préférence nationale pour
ses marchés, et ce, à un moment où la préférence est encore optionnelle.
Actuellement, la préférence devient impérative et s’impose par la force de la
règlementation. Les maîtres d’ouvrages doivent être attentifs à cette
disposition pour éviter le risque d’annulation de la procédure de passation
concernée.
5- Avec la crise économique causée par le coronavirus, pensez-vous que cette donne va favoriser davantage la préférence nationale ?
La pandémie de Covide19 infecte les personnes et affecte par
effet du domino la quasi-totalité des secteurs économiques y compris la
commande publique. La préférence nationale n’est qu’une solution parmi
d’autres. D’ailleurs, le ministère de l’économie et des finances a pris des
mesures de nature à fluidifier les activités critiques du cycle des achats
publics et à réinjecter rapidement les deniers publics dans le circuit
économique. Une façon de générer des flux de trésoreries nécessaires à la
pérennité des entreprises et des emplois. Il est inconcevable de laisser les
fruits de cet effort national exceptionnel s’évaporer pour alimenter les
comptes des entreprises sous d’autres cieux. La préférence est le minimum de la
dose économique du remède.