31/01/2019

Corruption : Transparency Maroc surpris par la place du royaume au classement... Transparency


L’ONG Transparency Maroc présentait le 29 janvier à Rabat, les résultats annuels de son Indice de perception de la corruption (IPC).
Cet indice, calculé sur la base d’enquêtes menées par des organisations internationales, telles que le World Economic Forum ou le World Justice Project, entend mesurer le niveau de corruption du secteur public de 180 pays à travers le monde. Chaque année, grâce à cet indice, un classement des pays selon le niveau de corruption est rendu public.
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Selon le classement 2018, le Maroc progresse. En 2017, le pays était crédité d’un score de 40, sur une échelle allant de 1 à 100, ce qui le plaçait au même niveau que des nations comme la Chine et le Brésil. Il occupait alors la 81ème place mondiale. En 2018, le Maroc fait mieux: il augmente son score de 3 points et se hisse à la 73ème place du classement, position qu’il partage avec l’Afrique du Sud et la Tunisie. Selon l’IPC, le pays le plus intègre du monde est le Danemark qui obtient 88 points sur 100. Avec seulement 9 points, la Somalie, lanterne rouge, possède l’administration publique la plus gangrénée.
Alors, le Maroc peut-il crier victoire ? Non, si l’on en croit la même ONG qui publie ces résultats. Azzedine Akesbi, membre du bureau de Transparency Maroc, prévient: “Si l’État considère qu’en gagnant 3 points, il s’est sorti de la corruption, il est dans l’illusion la plus totale.” Selon ce professeur d’économie, le classement n’est en fait pas totalement fiable. Les scores obtenus par certains pays laissent imaginer des vices de forme. “Comment expliquer sinon que l’Arabie Saoudite, après l’assassinat de Khashoggi, obtienne un score de 49 points (ndlr: ce qui place le pays des Saouds devant le Maroc)? ” Le militant pointe également du doigt la méthodologie employée lors des enquêtes, qui donne lieu à des écarts de notes considérables selon l’orientation de l’organisme qui la réalise.
La réalité du terrain
L’Indice de perception de la corruption s’appuie en effet sur des enquêtes menées par treize organisations internationales indépendantes qui, grâce aux conclusions de leur panel d’experts, attribuent chacune une note à un pays. Cependant, les critères poursuivis par ces organismes varient grandement, ce qui crée des écarts formidables entre les score attribués. Ainsi, le World Economic Forum (WEF), qui s’intéresse avant tout à la sécurité des investissements, a donné 57 points au Maroc. En revanche, la Bertelsmann Foundation, think thank qui promeut les processus de réforme sociale, n’attribue que 29 points au pays. Si l’on ne tenait compte que de la note du WEF, le Maroc se placerait au niveau de l’Espagne au 41ème rang. Si l’on ne s’intéressait qu’à celle de la Bertelsmann Foundation, le pays voisinerait avec le Liban à la 138ème place. De cette façon, même en régressant dans plusieurs domaines particulier, un pays peut progresser au classement général.
L’économiste Azzedine Akesbi va plus loin: les chiffres, selon lui, sont “incapables de traduire la réalité du terrain” : “Nous observons notre pays, nous observons la justice, nous observons les marchés publics, et nous pensons que la corruption se banalise de plus en plus.” C’est qu’il existe, d’après le militant, des formes de corruption qui échappent complètement aux méthodes des enquêteurs: “Il y a des marché qui sont conclus dans la plus grande légalité. Cependant, lorsqu’on s’intéresse de près aux méthodes d’attribution de ces marchés, on se rend compte que la corruption y a joué un rôle. La légalité n’empêche pas la corruption. Et cela, même les panels les plus experts ont du mal à s’en rendre compte.”
Pour Transparency, aucun progrès ne sera fait en matière de corruption au Maroc tant que les pouvoirs publics n’auront pas pris ce fléau à bras le corps. Le gouvernement avait tout de même adopté une stratégie nationale de lutte contre la corruption en 2016. Un plan avait même été adoptée et un budget dégagé, sous l’impulsion de l’OCDE et de la CGEM notamment. Pourtant, d’après Rachid Filali Meknassi, président de Transparency Maroc, “il ne se passe plus rien” depuis plusieurs mois. La nomination royale, le 13 décembre 2018, de Bachir Rachdi au poste de président de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPLC) pourrait relancer la machine. “Je veux que vous alliez loin,” aurait dit le roi Mohammed VI au nouveau président de l’INPLC lors de sa nomination.