Le Premier Président de la Cour
des comptes a, conformément l’article 148 de la Constitution, exposé devant le
Parlement la synthèse des activités des juridictions financières. Il a présenté
le bilan de la Cour des comptes et des Cours régionales des comptes au titre
des exercices 2016 et 2017. Dans la liste de ses réalisations
durant cette période figure la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG).
Cette dernière
est considérée comme le dépositaire légal des réserves de la Caisse nationale
de la sécurité sociale (CNSS), de la Caisse d’épargne nationale (CEN), de la
Caisse nationale de retraite et d’assurance (CNRA), et du Régime collectif des
allocations de retraite (RCAR). Durant la période 2011-2017, la CDG a investi un
total de 63 MM DH dans plusieurs secteurs : secteur financier, le
tourisme, l’aménagement industriel, l’accompagnement de certains
investissements extérieurs, la participation au développement territorial et à
la rénovation urbaine de certaines villes ainsi que d’autres investissements à
moyen et long terme.
Investissement : La CDG est considérée comme le dépositaire légal des réserves de la CNSS, CEN, CNRA, et du RCAR et il a investi, sur la période 2011-2017, un total de 63 Milliard de dirhams ciblant des secteurs aussi divers que nombreux
En substance, la Cour des comptes
contrôle la mobilisation, la protection et la gestion des ressources de l’épargne,
qui, du fait de leur nature et origine, nécessite de la part de la CDG une
attention et un suivi particuliers.
Face aux insuffisances et
anomalies relevées par la Cour des comptes en la matière, la CDG a mis en place
un plan d’action pour la période 2017-2022 inspiré des principales
recommandations de ladite Cour.
Premièrement, et concernant la
gouvernance, la Cour des Comptes signale que la Caisse se trouve dépourvue d’un
organe délibérant. Ainsi, la CDG ne dispose pas d’un Conseil d’administration
doté de larges pouvoirs en matière de contrôle. Sa gouvernance repose
essentiellement, sur la Commission de surveillance dont la responsabilité se
limite à un rôle de conseiller, dans la mesure où elle n’exerce aucun contrôle
préalable sur les stratégies de la Direction générale ou sur les décisions
concernant l’activité du groupe CDG. Bien que les domaines d’intervention et
les activités du groupe se sont largement diversifiés, et malgré la multiplication
du nombre de ses filiales, la composition de la Commission de surveillance n’a
connu aucun changement depuis la création de la CDG en 1959.
La gouvernance : les choix et les décisions de la Direction générale ne sont pas contrôlés par un organe délibérant étant donné que la CDG est dépourvue d’un Conseil d’administration.
Dans son actif à ce volet,
l’institution du Comité d’audit et des risques en 2005, et la Commission des
investissements et de la stratégie en 2013, ainsi que l’adoption au cours de
cette même année du pacte de la gouvernance.
Deuxièmement, et s’agissant du
pilotage stratégique, la mission de contrôle a relevé des insuffisances dont
les plus importantes portent sur l’absence d’évaluation du degré de réalisation
des objectifs fixés dans les plans stratégiques et la faiblesse des mécanismes
de pilotage et de coordination malgré la diversité des secteurs
d’investissement et la multiplicité des filiales et des sous-filiales du
groupe. De même, la Cour a relevé
l’absence d’instance à laquelle seraient confiées les missions d’étude et de
préparation des décisions avant l’adoption, par la Commission de surveillance,
des choix stratégiques des filiales qui devraient, en principe, être conformes aux
orientations stratégiques du Groupe.
Pilotage stratégique : Absence d’évaluation du degré de réalisation des objectifs fixés dans les plans stratégiques et faiblesse des mécanismes de pilotage et de coordination
Troisièmement, pour ce qui est du
pilotage des sociétés et des participations du Groupe, la Cour a relevé plusieurs
anomalies dont les plus importantes sont résumées dans ce qui suit :
▪ L’absence de distinction entre
les activités d’intérêt général et celles portant sur des activités
concurrentielles ;
▪ L’absence de consultation de la
Commission de surveillance concernant les principes et règles de gouvernance
devant être à la base de la relation entre la CDG et ses filiales ainsi que
pour ses participations financières ;
▪ L’absence d’une feuille de
route fixant le modèle d’intervention des filiales ;
▪ L’absence d’un plan de
financement pluriannuel précisant les ressources nécessaires, les sources de
financement appropriées et les modalités de mobilisation de ces ressources
Pilotage des filiales et des participations : absence de contrôle du respecte des engagements pris et des objectifs associés aux autorisations de création des filiales et des sous-filiales et des participations du Groupe
Quatrièmement, et en ce qui
concerne la création de filiales, la Cour a noté l’expansion de ces créations
au cours des dernières années, puisque le nombre des filiales est passé de 80
en 2007 à 146 filiales en 2013, avant de se stabiliser dans la limite de 142
filiales actuellement.
Cette trajectoire ascendante des
créations a eu des conséquences négatives, en raison de la non concentration de
la CDG sur ses missions principales et ses activités de base, et son
positionnement sur des secteurs concurrentiels, à travers, essentiellement, des
filiales qui connaissent, pour la plupart d’entre elles, des difficultés pour
réaliser un retour sur investissement et la création de valeur pour le groupe,
fait constater la Cour.
A titre d’exemple, la Cour des
comptes cite les filiales opérant dans les secteurs du tourisme, du logement
social, du développement territorial et local, des services, ainsi que des
activités liées à la filière du bois, sans oublier le domaine des systèmes et
logiciels informatiques.
Ainsi, dans le secteur de l’Habitat,
la Cour a noté les problèmes que connaît l’exécution des projets et les
difficultés rencontrées pour leur commercialisation dues à leur faible
compétitivité face aux offres disponibles, ce qui a contraint la CDG à prévoir
une provision, d’un montant de 1,9 milliard de DH pour couvrir les risques
probables au titre de 2017.
Coût du positionnement dans le secteur concurrentiel de l’habitat : la CDG a prévu une provision, d’un montant de 1,9 MM DH pour couvrir les risques probables au titre de 2017
S’agissant du secteur touristique,
la Cour dénote l’exploitation par la CDG d’un certain nombre d’unités
hôtelières dans lesquelles elle a investi, sachant que l’exploitation et la
gestion des hôtels sont des métiers qui ne font pas partie de ses compétences
et gênent l’organisation optimale de ses interventions dans ce secteur. Quant au secteur de développement territorial,
la Cour a signalé que certains projets connaissent de nombreuses difficultés
faute de l’implication de certains opérateurs publics pour garantir les
conditions de succès de ces projets. C’est le cas, à titre d’illustration, du
grand projet d’aménagement urbain de la Ville Nouvelle Zenata.
En guise de recommandations, la
Cour invite la CDG à se concentrer sur ses métiers de base qui procurent à ses
interventions davantage de valeur ajoutée, à revoir son positionnement dans
certains métiers et à procéder à la restructuration des filiales opérant dans
certains secteurs tout en examinant l’opportunité de se défaire de certaines
d’entre elles qui opèrent dans les secteurs concurrentiels et impactent
toujours négativement les résultats financiers du groupe.
Rentabilité : La plupart des 142 des filiales de la CDG connaissent des difficultés pour réaliser un retour sur investissement et la création de valeur pour le groupe ; situation qui impacte négativement les résultats financiers du groupe.
Il s’agit aussi de revoir le
cadre juridique et institutionnel qui régit la CDG en adoptant les meilleures
pratiques en matière de bonne gouvernance et de soutenir ses choix stratégiques
à travers des plans réalisables dans les délais prescrits. En particulier, la
Cour des Compte recommande à l’autorité de tutelle de la CDG, de s’assurer que
celle-ci respecte les engagements pris et les objectifs au regard desquels les
autorisations requises ont été données.
Avant de finir, il y a lieu de
signaler que la Cour des Comptes envisage de publier, dans les prochaines
semaines, le rapport relatif à la CDG, suite à la procédure contradictoire
d’usage et tenant compte du fait que la Caisse a réagi positivement aux
principales recommandations de la Cour, et a mis en place un plan d’action à ce
sujet pour la période 2017-2022.
Source : exposé du
Premier Président de la Cour des comptes devant le Parlement sur les activités
des juridictions financières du 23 Octobre 2018. Pour consulter la version
intégrale et originale de l’exposé, cliquer ici